Des cours d’anatomie à la morgue, un privilège pour de futurs médecins
Les étudiants en médecine se sentent privilégiés de pouvoir apprendre grâce aux organes d’une personne décédée. Pour eux, le don de corps à la science est un outil essentiel à leur apprentissage.

Les cours d'anatomie des étuditants de médecine du Centre de formation médicale du Nouveau-Brunswick ont lieu à la morgue du Centre hospitalier universitaire Dr-Georges-L.-Dumont.
Photo : Radio-Canada / Noémie Avidar
Les futurs médecins du campus de Moncton de l’Université de Sherbrooke sont plus que reconnaissants. Ils ont accès, dans le cadre de leur formation, à des corps qui ont été donnés à la science.
Le programme de dons de corps en Atlantique est géré par l’Université Dalhousie en Nouvelle-Écosse, qui reçoit ces corps, les prépare et les envoie par la suite aux différentes institutions qui en font la demande.
Au CHU
Dumont de Moncton, deux corps sont présentement à la disposition des professeurs et des étudiants de la faculté de médecine.Un cadeau précieux
Nous, en médecine, quand on commence, on commence à comprendre ce qui va mal dans le corps. Mais avant, il faut comprendre ce qui va bien dans le corps, et la base de ça, c’est l’anatomie
, explique Kaylee Rose Dugas, étudiante de 2e année.
Les étudiants en médecine se rendent au sous-sol du CHU
Dumont, où se trouve la morgue, pour y suivre leurs cours d’anatomie.La Dre Léonie Beauchamp est pathologiste au CHU
Dumont et professeur d'enseignement clinique. Selon elle, le don de corps est essentiel à l’apprentissage de la base de la médecine, soit l’anatomie.Quand on a accès à un corps et aux organes, qu’on peut les voir, qu’on peut les toucher, qu’on peut voir leur texture, ça aide à comprendre certaines choses et ça vient vraiment cristalliser tout ce que les étudiants ont appris dans leurs livres
, dit-elle.
Le premier contact avec un corps inanimé
Les cours d’anatomie donnés par la Dre Beauchamp sont les premiers contacts que les étudiants ont avec un corps inanimé. Certains appréhendent ce moment, ne sachant pas trop à quoi s’attendre.
J’étais très nerveuse la première fois, j’étais la plus nerveuse du groupe
, lance Kaylee Rose Dugas, qui se rappelle avoir été très surprise de la taille de certains organes, comme l’utérus et les ovaires.
La Dre Beauchamp explique que la majorité des étudiants sont très surpris de voir les organes du corps en vrai
, car ils sont au début de leur parcours universitaire et n’ont pas encore d'expérience en milieu hospitalier.
« On voit que ça fait un déclic dans leur tête. Ils comprennent mieux ce qu’ils ont appris une fois qu’ils l’ont vu [l'organe], qu’ils l’ont touché. »
C’est un peu comme des enfants, ils sont émerveillés par ce qu’ils voient. On voit qu’ils sont passionnés et qu’ils sont heureux d’être en médecine
, dit-elle.
Des corps traités avec respect avant tout
Les étudiants en médecine reconnaissent la chance qu’ils ont, mais surtout, sont reconnaissants du fait qu’une personne a choisi de faire don de son corps.
Il faut garder en tête l'honnêteté, le respect, et rester authentique avec ce qu’on reçoit comme don, mais aussi rester humain avec tout ça. Il faut penser que c’est un don, un cadeau, un choix que cette personne a fait
, explique Kaylee Rose Dugas.
Celle-ci se sent privilégiée de pouvoir toucher les organes d’une personne décédée.
C’est irréel! Je ne me sens pas comme si je tenais quelque chose qui était dans quelqu’un avant, mais c’est vraiment ce que c’est! [...] Nous autres, c’est pas juste de l’équipement, ça provient d’une personne, on a beaucoup de respect pour ça, c’est un cadeau pour nous
, lance-t-elle.
La Dre Léonie Beauchamp précise qu’il s’agit de moments bien particuliers lorsque ses étudiants prennent des organes dans leurs mains pour la première fois. Elle raconte qu'ils sont très respectueux, qu'ils les manipulent avec délicatesse et ont même peur de les abîmer.
Elle se remémore ses premières expériences par l'intermédiaire de celles de ses étudiants.
Quand on était rendus au cerveau, au début, ça m'arrivait de dire : ça, c'est la personne. Je tiens sa mémoire, je tiens sa vie, toutes les choses qu’elle a pensées, ses émotions
, raconte-t-elle.
« C’est noble de couper le cerveau de quelqu'un, c’est intime, c’est la personne, c’est ce qu’elle était. »
Kaylee Rose Dugas espère que plus de gens prendront la décision de donner leur corps à la science et dit y songer elle-même.
Je pense qu’il faut mettre l'accent sur le mot ''don''. C’est un cadeau que vous allez faire, une décision qui va aider les autres même après votre mort.
D’après le reportage de Noémie Avidar