Les règles sur les locations à court terme à Toronto portent-elles fruit?
Cette solution à la crise du logement laisse à désirer, selon certains acteurs du milieu.

Les règles encadrant les plateformes de locations à court terme, comme Airbnb, ont permis de libérer des milliers de logements à Toronto, selon une étude.
Photo : Radio-Canada / Patrick Morrell
Les règles encadrant les plateformes de locations à court terme comme Airbnb et Booking.com auraient permis de libérer des milliers de logements à Toronto, où les loyers sont parmi les plus élevés au pays.
Carleton Grant, directeur du service municipal des normes et permis, souligne qu'environ 3500 logements inscrits à Airbnb sont passés au marché locatif, depuis l'entrée en vigueur des nouvelles règles en septembre 2020.
« Nous voulions protéger l’inventaire de logements locatifs à Toronto, donc pour nous, c’est mission accomplie. »
Selon une étude de l’Université McGill, la plateforme Airbnb a perdu plus de 5100 inscriptions à Toronto en 2020, soit une baisse de 61 %. L’année suivante, son concurrent Vrbo a décidé carrément d’abandonner le marché torontois, en raison des règles plus strictes.
Nous avons des milliers de logements en moins depuis l’arrivée des règles, affirme le porte-parole d’Airbnb, Nathan Rotman. Mais Toronto reste toujours un marché important pour nous. C’était l’une de nos destinations les plus prisées l’automne dernier, selon notre outil de recherche.
En gros, pour toute location de moins de 28 nuitées, les Torontois peuvent seulement proposer leur résidence principale :
Les hôtes doivent obtenir un permis auprès de la Ville et payer l’impôt municipal d’hébergement de 4 %
Un logement au complet peut être loué à court terme jusqu’à 180 nuitées par année : la Ville s’attend à ce que les hôtes habitent dans leur résidence principale au moins la moitié de l’année
Jusqu’à trois chambres d’une maison peuvent être louées à court terme pour une durée illimitée
Un pavillon-jardin dans une cour arrière ou un sous-sol équipés d’une cuisine sont considérés comme des logements secondaires
et ne peuvent pas être loués à court terme par les propriétaires de la maison. La Ville estime que ces unités devraient être louées à plus long terme.
Un locataire, cependant, peut sous-louer à court terme son appartement dans un pavillon-jardin, un sous-sol ou un condo, comme il s’agit de sa résidence principale, mais seulement si son propriétaire et son immeuble l’autorisent.
Salma El Yamani peut de nouveau louer son sous-sol sur la plateforme Airbnb, après plusieurs semaines d’échanges avec la Ville et certains ajustements à son espace. J'ai dû dans le fond enlever la cuisine pour permettre cette location à court terme
, explique-t-elle.
Pour qu’il ne soit plus considéré comme un logement secondaire
, elle a dû notamment retirer le micro-ondes, le grille-pain et la plaque chauffante.
Je comprends pourquoi la ville a voulu instaurer cette politique-là. Il y a beaucoup de condos qui se retrouvent sur la plateforme Airbnb et qui pourraient permettre une location à long terme pour des familles qui en ont besoin
, affirme Mme El Yamani.
La mère de trois enfants n’envisage toutefois pas d’abriter de locataires en permanence et souhaite un assouplissement des règles afin d’améliorer son offre aux visiteurs qu’elle accueille quelques fois par année.
C'est plus facile pour nous de louer à court terme
, dit-elle.
Des règles qui manquent de mordant
Janice Josephine Fueser de la coalition Fairbnb estime qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction
, mais que l’application du règlement municipal laisse à désirer.
Le manque de cadre réglementaire pour les locations de plus de 28 jours permettrait, selon elle, aux propriétaires d'éviter de passer sous la loupe des autorités et de louer leurs espaces pour de plus courtes périodes. Elle estime que Toronto devrait s'inspirer de Vancouver, où toute propriété en location nécessite un permis.
Elle soupçonne par ailleurs qu'il existe toujours des hôtes qui mettent en location leurs propriétés secondaires.
« Nous voyons toujours plusieurs maisons entières inscrites par le même hôte sur ces plateformes. Nous devons donc trouver un moyen d'arrêter ça. »
Selon Mme Fueser, il faut davantage d’agents municipaux sur le terrain afin d’évaluer si les hôtes louent bel et bien leur résidence principale.
Depuis janvier 2021, la Ville de Toronto dit utiliser des outils en ligne pour débusquer les contrevenants, mais se fie beaucoup aux plaintes qu’elle reçoit. Avec ces technologies et notre collaboration avec des auditeurs, il est important qu’on attrape ceux qui tentent de contourner les nouvelles règles
, affirme Carleton Grant, directeur du service des normes et permis.
Le porte-parole d’Airbnb, Nathan Rotman, explique que certains hôtes sont en fait des gestionnaires immobiliers qui aident les propriétaires à louer leur résidence principale et à s’occuper du nettoyage et de l’entretien de leur location à court terme.
La Ville de Toronto a des règles très strictes. Il serait très difficile pour quelqu'un de les contourner et d'avoir plusieurs propriétés sur la plateforme, affirme-t-il. Nous serions très surpris si c'était le cas.