La pédiatrie sociale au service de centaines de migrantes du chemin Roxham
Depuis un an, hôpitaux, maisons de naissance et organismes communautaires de la région de Montréal s’organisent pour accompagner l’afflux croissant de femmes enceintes qui traversent au chemin Roxham.

Géraldine Bertrand, demandeuse d'asile à Montréal
Photo : Radio-Canada / Patrick André Perron
Lorsqu'elle a traversé la frontière canadienne par le chemin Roxham l’an dernier, Géraldine Bertrand a ressenti un profond soulagement.
Quand je suis arrivée là, j'étais en paix, je me sentais en sécurité, c'était la première fois dans ma vie que j'avais cette sensation-là
, raconte-t-elle.
C'était le plus beau jour de ma vie, j'ai dormi comme un enfant
, dit-elle avec émotion.
Partie d’Haïti, elle a traversé l’Amérique latine avant de passer 10 mois au Mexique. Un parcours semé d'embûches et de souvenirs difficiles à communiquer.
Demandeuse d’asile, Géraldine concentre son énergie sur l’accouchement de son bébé avec l’accompagnement du Centre de pédiatrie sociale de Saint-Laurent/Au cœur de l’enfance.

En 2022, près de 92 000 demandeurs d'asile sont venus chercher refuge au Canada. Le nombre de femmes immigrantes qui accouchent ici est grandissant. Un reportage de Davide Gentile
Trouver un logement avant de parler grossesse
Employée du CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal, la sage-femme Amélie Lamarche entend chaque semaine le récit de nombreuses migrantes.
Ce sont des femmes qui traînent un bagage extraordinairement lourd, lourd par leur histoire, par leur parcours migratoire, par leur situation au pays, souligne Mme Lamarche. Personne ne désire quitter son pays parce que ça va bien.
La coordonnatrice de la clinique en périnatalité au Centre de pédiatrie sociale de Saint-Laurent/Au coeur de l'enfance, Virginie Cadet, constate combien le contexte a changé en l’espace de trois ans.
Si je fais un parallèle entre une maman accueillie ici en 2019, demandeuse d'asile, et une maman qu'on accueille en 2022, on a une grande différence dans la lourdeur de la situation et l'intensité de service qu'on doit lui offrir
, affirme Mme Cadet.
La maman de 2022 qui nous arrive, elle est encore à l’hôtel, la priorité devient de trouver un appartement. Elle n’a pas de meuble, elle dort au sol, on doit chercher un matelas, et on n’a pas encore eu le temps de parler d'accouchement, de ce nouveau pays!
, souligne la coordonnatrice.
Et cela, sans compter les mois d’attente pour obtenir de la fonction publique fédérale un permis de travail ou l’accès au programme fédéral de santé intérimaire (PFSI), ajoute Mme Cadet.
Depuis la fin 2021, les arrivées de demandeurs d’asile à la frontière ont augmenté de façon significative, à tel point que le réseau de la santé de la région de Montréal s’est doté d’un mécanisme régional de coordination des femmes enceintes demandeuses d’asile afin d’assurer un suivi et une prise en charge.
Selon les données obtenues par Radio-Canada, de mars à novembre 2022, environ 640 femmes enceintes ont été dirigées par ce mécanisme.
Un stress financier
Lorsqu’elles sont prises en charge, les demandeuses d’asile obtiennent gratuitement un accompagnement périnatal.
Pour la plupart, les frais d’accouchement d’environ 3500 $ seront assumés par un programme fédéral (PFSI) ou la RAMQ, mais environ 20 % d’entre elles ne disposent d’aucune couverture.
C’est sûr que ça génère pour elles une anxiété monétaire
, explique la sage-femme Amélie Lamarche.
Cette dernière cite un cas récent où une patiente a quitté l’hôpital après l’accouchement parce qu’elle n’avait pas les moyens de rester trois, quatre jours à l’hôpital
.
Un suivi post-accouchement
Lors de notre passage au Centre de pédiatrie sociale, un jeune couple ayant fui le Koweït était présent pour un suivi avec leur nouveau-né.
Ils m'ont beaucoup aidée à savoir comment m'occuper de lui, ils m'ont aussi offert une aide matérielle
, explique Sarah Mahmoud Ab-Hassan.
Son conjoint était très reconnaissant.
Cet endroit est une bouée de sauvetage! exprime Mohamed El Sayed. Chacun donne le meilleur de lui-même.