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Les enfants de Roxham à l’école des miracles

C’est par milliers que les enfants du chemin Roxham arrivent sur nos bancs d’école, au terme d’épreuves qui, souvent, ont laissé des traces. Le personnel ne ménage aucun effort pour leur offrir une vie enfin normale, même en ces temps de pénurie de main-d'œuvre.

Rim Bouallègue, agente de service social au CSSDM, avec une enfant.

Rim Bouallègue, agente de service social au CSSDM, avec une enfant.

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

L'enfant de trois ans manipule les gros blocs de plastique et les transforme en pistolet. « Paw! Paw! » Sa sœur ne bronche pas, allongée sur des coussins, le regard dans le vide. Leur mère garde les yeux rivés sur son portable.

On tue le temps comme on peut dans la salle d’attente du QG du Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM). Deux mois après leur arrivée au Canada, le frère et la sœur seront finalement inscrits à l’école.

Tu veux quelque chose? Ah! Tu veux un bonbon… La réceptionniste garde des suçons sur son bureau. Un petit extra pour les plus jeunes. Et des petits gourmands, il en passe beaucoup par ici, ces temps-ci.

Les migrants doivent parfois attendre plusieurs semaines avant d'avoir un rendez-vous. Chaque mois, jusqu’à 600 nouveaux élèves rejoignent une classe du CSSDM. Surtout celles de francisation.

Ils sont environ 4300 dans les classes d’accueil du CSSDM en ce moment, soit 1100 de plus que le total atteint l’an dernier, alors que la présente année n’est qu’à moitié terminée…

Ce sommet est entre autres attribuable à la popularité du chemin Roxham. Une explosion des besoins qui se transforme en casse-tête pour le CSSDM.

Le directeur du service du centre, Mathieu Desjardins, a supervisé l’ouverture de 150 classes d’accueil depuis septembre. L’équivalent de sept écoles primaires.

D’ordinaire, des places sont prévues pour l’accueil en cours d’année, explique-t-il. Mais on arrive au bout de ce qui avait été anticipé pour l’ensemble de l’année scolaire actuelle.

Des nouveaux points de francisation ont été ouverts là où il n’y en avait pas. Des immeubles vacants sont remis en service. Des écoles devront être agrandies.

Mathieu Desjardins assure que les fonds, octroyés par Québec, ne manquent pas. C’est plutôt une question de personnel. Il manque à la fois des enseignants qualifiés et des professionnels pour encadrer l’accueil et la francisation.

« Ce n’est pas la période la plus facile pour trouver des enseignants. Nos ressources humaines font des miracles. Elles réussissent à combler les postes en embauche perpétuelle. »

— Une citation de  Mathieu Desjardins, directeur du CSSDM
Bouche, dent, sourcils, peut-on lire sur les fiches épinglées sur le tableau.

Tableau utilisé en classe pour apprendre aux enfants les parties du corps humain.

Photo : Radio-Canada / Anne-Louise Despatie

Besoins lourds et croissants

Le CSSDM ne peut bien sûr pas prévoir l’afflux futur des demandeurs d’asile aux frontières. Mais on s’attend à ce que ça se poursuive, indique Mathieu Desjardins. Il faut donc anticiper.

Avant de se voir assigner une classe, les jeunes migrants doivent être évalués par un spécialiste. Et pas seulement pour leurs compétences linguistiques.

Souvent, la famille entière a besoin d’appuis, de conseils, souligne Kamal Marfoq, l’un des agents de service social du CSSDM qui reçoit les nouvelles familles dans son bureau.

Il mentionne cette femme enceinte, mère de deux enfants, qu’il a récemment accompagnée à l’hôpital. Un des enfants est handicapé, mais il n’a aucun rapport médical sur son état de santé.

On prend note des familles qui ont vraiment de grands besoins. Du personnel dédié, dont des psychothérapeutes, fera le suivi nécessaire dans l’école que fréquentera l’enfant.

Nous voyons des parents stressés. Et des enfants stressés, souligne Kamal Marfoq. Le stress du voyage parfois long jusqu’à Montréal, celui de l’installation, de la langue peut-être pas maîtrisée.

« On donne aussi un soutien psychologique aux familles pour les rassurer. Pour qu’elles sentent qu’elles ne sont pas seules. Que nous sommes là pour elles. »

— Une citation de  Kamal Marfoq, agent de service social au CSSDM
Ils sont dans un petit local peint en vert et blanc.

Un enfant en cours d'évaluation à la CSSDM. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Anne-Louise Despatie

Angoisses de parents… et d’enfants

Qui sait ce qu’ont traversé ces nouveaux élèves avant de s’installer à Montréal? Certains ont fui la guerre, vu des atrocités, survécu dans des conditions difficiles.

C’est après l’installation que les traumatismes surgissent, souligne Rim Bouallègue, agente de service social au CSSDM. Elle fait partie des spécialistes qui épaulent les parents intégrant le système éducatif montréalais.

On voit des enfants un peu en détresse, d’autres qui aiment ça [l’école]. Et d’autres qui, tout d’un coup, deviennent violents. Ceux qui sont arrivés par le chemin Roxham adoptent souvent un comportement de nonchalance. Ils ne veulent pas apprendre tout de suite.

C’est en discutant avec les parents que le personnel scolaire parvient parfois à mieux comprendre ce qui a marqué l’élève. Des discussions pas toujours simples.

Rim Bouallègue se souvient d’un enfant très en retard [sur le plan scolaire], au comportement violent. La mère se méfiait du personnel scolaire. Et de l’interprète qui relayait ses paroles.

Pourquoi êtes-vous tous sur mon enfant? demandait-elle, agressive. Il aura fallu trois rencontres pour convaincre la mère de leurs bonnes intentions.

Une trousse d’activités a été développée pour ceux qui patientent de longues semaines dans des hébergements temporaires, en attente d’un logement et d’une place à l’école.

Cette trousse multilingue contient un jeu de cartes, des dés et une foule d’exercices à faire en famille. Des bases de mathématiques et de français pour stimuler les enfants. Et rassurer leurs parents.

C’est important de les rassurer, explique Rim Bouallègue. Qu’il parle français ou qu’il ne parle pas français, l’enfant sera scolarisé. On va lui donner les ressources pour qu’il réussisse.

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