Des étudiantes de l’UQAM sommées de cesser l’usage de l’écriture inclusive
Elles demandent à l'Université que cette nouvelle forme d'écriture soit acceptée par tous les professeurs.

L'écriture inclusive est une pratique de rédaction qui consiste à éliminer la masculinisation des mots.
Photo : Getty Images / recep-bg
Deux étudiantes de l'Université du Québec à Montréal (UQAM) se disent « choquées » par les corrections qu'elles ont reçues de leurs travaux. Dans un cours de science politique, on leur a intimé de cesser l'usage de l'écriture inclusive sous prétexte que celle-ci serait proscrite. Elles exhortent l'Université à envoyer une directive à tous les professeurs pour l'autoriser.
C’est vraiment mélangeant, on ne sait plus sur quel pied danser
, déplore Léa-Marie Tremblay, étudiante au baccalauréat. Alors que l'écriture inclusive est acceptée par plusieurs de ses professeurs, elle a été avertie d'arrêter d'écrire ainsi dans un autre cours.
Dans son travail, elle a utilisé le point médian pour ne pas masculiniser les mots et les adjectifs. Par exemple, on peut lire dans sa copie « supérieur.e ». Il s'agit d'une forme d'écriture de plus en plus présente dans les universités. Mais ça n'a pas plu au correcteur.
J’ai trouvé ça super violent comme réponse
, dit l'étudiante, qui affirme faire cet effort d'écriture pour une bonne cause. Ça serait bien de ne pas être pénalisées parce qu’on veut être inclusives.
« C’est une écriture qu’on utilise pour enlever la violence qu’il y a dans la langue française, qui efface les femmes et les personnes non binaires. »
Dans un autre commentaire du correcteur, raturé par la suite, on peut lire : Cette forme d'écriture est proscrite. Manque de professionnalisme.
« Ce type d'écriture n'est pas acceptable. À proscrire. »
Une autre étudiante du même cours, Jessica Harnois-Ostiguy, a reçu le même genre de correction après avoir écrit « citoyen.ne.s ».
Les deux étudiantes se demandent si tout cela leur a coûté des points malgré leurs bonnes notes. Ça me stresse
, explique Jessica Harnois-Ostiguy.
« C’est quelque chose qui est vraiment important pour moi, donc je ne veux pas me pénaliser, mais il n'y a rien qui dit qu’on a le droit ou pas le droit. »
À la discrétion des enseignants
L'UQAM n'a pas de politique institutionnelle sur la rédaction inclusive
, explique la directrice des communications de l'Université, Caroline Tessier.
« Cet élément est donc laissé à la discrétion des enseignantes et enseignants. »
L'Université ajoute que le fait d’utiliser la rédaction inclusive peut faire partie, ou non, de l’évaluation d’un travail ou d’un examen
.
Utilisant elle-même l'écriture inclusive dans son courriel, la porte-parole rappelle que, normalement, les enseignantes et enseignants informent les personnes étudiantes des modalités d’évaluation pour la remise des travaux ou examens
.
L'UQAM mentionne que les étudiants mécontents d'une note ont le droit de demander une révision auprès du département responsable du cours.
Léa-Marie et Jessica affirment qu'aucune consigne ou contre-indication n'avait été donnée par le professeur.
« C’est un débat qui intéresse la jeunesse »
Joint par Radio-Canada, le professeur du cours de science politique, Marc Chevrier, nous a expliqué que c'est son auxiliaire d'enseignement, et non lui-même, qui a corrigé les copies.
Il dit que ces commentaires « auraient dû être raturés » et qu'il s'agit d'« un oubli ». Marc Chevrier affirme n'être ni pour ni contre l'écriture inclusive : C'est un débat qui intéresse la jeunesse.
« Je n'en ai pas fait une politique de pénaliser ou d’interdire. »
Le correcteur a une vision des choses dont il ne m’avait pas parlé
, explique le professeur, qui assure qu'il révise les copies corrigées par son auxiliaire, mais je ne relis pas au complet le travail
.
Je ne lui ai pas donné d’instruction, peut-être que je vais devoir le faire
, ajoute Marc Chevrier.
Si des personnes ont des interrogations sur des évaluations qu’elles ont reçues dans l’un de mes cours, je les invite à s’adresser à moi, directement
, dit le professeur, déçu d'apprendre le mécontentement de ses étudiantes par la voix d'un journaliste.
Les Presses de l'Université du Québec « se mettent au neutre »
En décembre, les Presses de l'Université du Québec (PUQ) ont annoncé qu'elles mettraient dorénavant de l’avant la rédaction inclusive dans leurs ouvrages à paraître
. Un guide de rédaction inclusive (Nouvelle fenêtre) à l’intention des auteurs et des autrices
a été mis en ligne afin que tous se mettent au neutre
.
En 2021, le réseau de l'Université du Québec a aussi publié un guide de communication inclusive (Nouvelle fenêtre)destiné à toute personne qui souhaite améliorer sa façon de communiquer pour la rendre plus inclusive et respectueuse
. Mais ce guide ne constitue pas une prescription.
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Avec la collaboration de Daniel Boily