Les aires marines protégées sont-elles efficaces?

La conférence IMPAC5 à Vancouver permet de faire le point sur les aires marines protégées dans le monde.
Photo : Shutterstock / Rocksweeper
La protection des océans n’est pas adéquate, affirme Daniel Pauly, professeur spécialiste de la pêche à l’Institut pour les océans et les pêches de l'Université de la Colombie-Britannique (UBC). En marge d'une conférence internationale, il dénonce « la création d'aires marines protégées qui ne protègent rien ».
Le professeur fait partie des professionnels de la conservation des océans qui se réunissent à Vancouver lors du cinquième congrès international sur les aires marines protégées (IMPAC5). La rencontre vise à faire le point sur les promesses de protection de 30 % des océans d’ici 2030.
« Les cibles sont très importantes [...]. Mais aussi, il est important de savoir comment est-ce qu'on protège. »
Limiter la pêche
Afin d’obtenir une protection efficace, les aires marines protégées doivent tout d’abord être bien accueillies par les communautés côtières, qui dépendent souvent de la pêche. Elles doivent être acceptées par ceux qui vivent autour, parce que si elle est imposée de l'extérieur, sans discussion avec les gens de la région, ils ne respecteront pas les règles
, affirme Daniel Pauly.
La pêche dans les aires marines protégées doit être limitée pour permettre la reconstitution des stocks de poissons. Elles doivent avoir au moins un cœur, une partie où il n'y a aucune pêcherie, parce qu’une pêcherie, même artisanale, enlève les gros poissons qui maintiennent les populations parce qu'ils sont très féconds
, dit-il.
Le professeur d’halieutique Daniel Pauly a écrit et coécrit plus de 1000 publications scientifiques dénonçant la surpêche des océans. Son équipe développe des méthodes permettant de mieux documenter les prises réelles des pêcheries dans le monde, NDLR.
Les parcs de papier
En Europe, certaines zones protégées sont sous les feux des critiques, car elles autorisent le chalutage de fond, une technique considérée comme extrêmement dommageable (Nouvelle fenêtre) pour les fonds marins.
En 2020, l’organisation Océana, qui milite pour la protection des océans, a dénoncé le manque de gestion des aires protégées européennes qu’il surnomme les parcs de papier
. Il révèle le manque de protection réelle des espèces ou des habitats dans plusieurs aires marines protégées européennes.
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Au Canada, les nouvelles normes de protection interdisent le chalutage, les déversements et l'exploitation minière et pétrolière dans les aires marines protégées.
L’IMPAC5 est l’occasion de discuter de normes internationales, explique la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne du Canada, Joyce Murray. Il n'est pas logique que chaque pays fixe ses propres normes, alors que nous n'avons essentiellement qu'un seul océan sur cette planète
, dit-elle.
À l’échelle globale, 8 % des océans sont protégés selon l’ONU
. Ce chiffre est loin des engagements de protection de 30 % dans les sept prochaines années faits par les parties membres de la Convention sur la diversité biologique (CBD). Parmi les membres du groupe, le Canada assure la conservation d’environ d’un peu plus de 14 % de ses aires marines et côtières. Cela représente un peu moins de la moitié de l’objectif de 30 %.Près des deux tiers de cette superficie (65 %) se trouvent dans l'océan Arctique, tandis qu’environ 21 % se trouvent dans l'océan Atlantique et seulement 14 % dans l'océan Pacifique.
On met les aires marines protégées au fin fond de l'Arctique ou au fin fond d'une région où il n'y a aucune pêcherie et donc on ne protège pas beaucoup en réalité
, constate le professeur Daniel Pauly.
La ministre Joyce Murray affirme que l’objectif est de protéger le même pourcentage dans chaque océan, soit 30 %.
L’importance des océans
Les aires marines protégées sont essentielles, car elles permettent la reconstitution des stocks de poissons en déclin à l’échelle globale, affirme le professeur Daniel Pauly. Quand les stocks sont reconstitués dans une certaine région, ils vont coloniser les régions adjacentes. [...] Donc on peut très bien protéger la mer et en même temps maintenir les pêcheries.
Bien gérées, ces aires marines, peuvent également atténuer et favoriser l'adaptation au changement climatique, affirme une étude coécrite par Daniel Pauly et publiée en 2017 dans le journal PNAS. Elles pourraient aider à atténuer les effets de l'acidification des océans, l'élévation du niveau de la mer, l'intensification des tempêtes et la perturbation des écosystèmes.
La ministre des Pêches et des Océans du Canada, Joyce Murray, qui participera à la conférence IMPAC avec son homologue de l'Environnement, Steven Guilbault, est également consciente de l’importance de la préservation des océans. Nous avons besoin d'océans en bonne santé pour pouvoir absorber les émissions de gaz à effet de serre et aussi pour accroître la résilience de nos côtes
, lance-t-elle.
En décembre, des délégués de partout dans le monde s'étaient réunis à Montréal pour négocier un accord visant à protéger la biodiversité mondiale. Cet accord incluait un engagement à placer 30 % du monde sous une forme ou une autre de protection environnementale d'ici 2030, dont les océans.