Pérou : les troubles se poursuivent pour obtenir le départ de la présidente
Une manifestante devant un rang de policiers antimémeutes, à Lima, le 19 janvier 2023.
Photo : Reuters / Sebastian Castaneda
Parfois violentes, les manifestations contre la présidente Dina Boluarte qui ont fait 45 morts depuis décembre se poursuivaient vendredi à Lima comme à l'intérieur du Pérou, au lendemain d'un grand rassemblement dans la capitale.
Des affrontements violents ressemblant à une véritable bataille se déroulent notamment à Arequipa, deuxième ville du pays.
Les manifestants lançaient des pierres et ont allumé des feux autour du pont Anashuayco, pour tenter de progresser vers l'aéroport qui reste fermé.

Des milliers de Péruviens sont dans les rues de Lima pour demander la démission de la présidente Dina Boluarte et la libération de son prédécesseur Pedro Castillo, destitué et emprisonné depuis le 7 décembre. Des manifestations ont aussi lieu ailleurs dans le pays. La répression policière a fait jusqu'ici 45 morts. Notre envoyé spécial, Jean-Michel Leprince.
Les forces de l'ordre – police et armée – répondaient avec des tirs de grenades lacrymogènes, selon un photographe de l'AFP.
Des heurts avaient aussi lieu dans la région de Puno (sud), selon un photographe de l'AFP, et dans le département de La Libertad dans le nord du pays, selon des images de la télévision.
Jeudi soir, les autorités ont prolongé l'État d'urgence déjà en vigueur à Lima, Cuzco, Callao et Puno, à l'Amazonie (est), Tacna (sud) et La Libertad (nord).
La présidente sous pression
Vers 16 heures locales, des milliers de manifestants ont commencé à défiler dans la capitale avec des slogans similaires à la veille : Dina assassine!
et cette démocratie n'est pas une démocratie, Dina le peuple te répudie!
.
Vêtue d'un chapeau blanc en paille et d'une jupe rose, Olga Mamani, 50 ans, assure : Nous voulons la démission de Dina. Si elle ne démissionne pas, le peuple ne sera pas en paix
. Elle porte sur les épaules le drapeau de Yunguyo (sud-est), petite ville sur le Titicaca et la frontière bolivienne.
Paysan cultivant pommes de terre et tubercules, Antonio Huaman, 45 ans, visage buriné, venu de Andahuaylas, épicentre des manifestations en décembre, jure qu'il ne renoncera pas.
« On veut la démission de Dina et la dissolution du Congrès. On restera ici jusqu'aux ultimes conséquences. »
Nous sommes des guerriers chancas [ethnie de l'Apurimac]. On va continuer
, dit-il en mâchant des feuilles de coca qu'il transporte dans un petit sac en plastique : La feuille nous donne de la force pour poursuivre la lutte
.
La lutte va se poursuivre dans toutes les régions jusqu'à la démission de Boluarte et jusqu'à la satisfaction des autres revendications : des élections cette année et un référendum pour une Assemblée constituante
, a déclaré à l'AFP Geronimo Lopez, secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP).
La journée d'hier [jeudi] a été un succès. À Lima, la marche était pacifique, mais la police a commencé à attaquer avec des gaz lacrymogènes et même des balles
, a-t-il relaté.
Des dizaines de victimes
Les troubles au Pérou ont fait 45 morts depuis le 7 décembre. Ils ont éclaté après la destitution et l'arrestation du président de gauche Pedro Castillo, accusé d'avoir tenté un coup d'État en voulant dissoudre le Parlement qui s'apprêtait à le chasser du pouvoir.
Les manifestations organisées jeudi à Lima par des habitants des Andes ont fait 38 blessés, dont des policiers, selon le ministère de l'Intérieur.
En soirée, la présidente Dina Boluarte a une nouvelle fois appelé la population au calme, à la télévision.
Au peuple péruvien, à ceux qui veulent travailler en paix [...] et à ceux qui protestent : je ne me lasserai pas de les appeler au bon dialogue, de leur dire que le pays a besoin de solutions pour l'eau, la santé, l'éducation, l'agriculture, l'élevage, plus de ponts, plus de routes...
Mais elle a aussi menacé ceux qui génèrent les actes de violence
et promis que les forces de l'ordre agiront avec fermeté
.
Perturbations des trains et aéroports
L'aéroport de Cuzco, capitale touristique du pays, a rouvert ses portes à la mi-journée, mais le train vers le célèbre site inca du Machu Picchu est toujours suspendu.
Au moins 300 touristes étrangers et locaux sont bloqués dans la zone, le train étant l'unique moyen de se rendre dans le joyau inca. En décembre, des touristes avaient également été bloqués sur le site avant d'être évacués.
Nous ne savons pas si un train viendra nous chercher. Tous les touristes ici font la queue pour s'inscrire
à l'évacuation, a déclaré à l'AFP le touriste chilien Alem Lopez.
La crise est aussi le reflet de l'énorme fossé entre la capitale et les provinces pauvres qui soutenaient le président Castillo, d'origine autochtone, et voyaient son élection comme une revanche sur le mépris de Lima.
Mme Boluarte, qui était la vice-présidente de M. Castillo, lui a succédé conformément à la Constitution. Élue sur le même ticket présidentiel que Castillo en 2021, elle est perçue par les manifestants comme une traîtresse
.