Livraison de chars allemands à l’Ukraine : une décision « dans les prochaines heures »

Le nouveau ministre de la Défense de l'Allemagne, Boris Pistorius, lors de sa cérémonie d'accueil à Berlin, le 19 janvier 2023
Photo : Getty Images / Agence France-Presse / John MacDougall
Berlin a laissé la porte ouverte, jeudi soir, à la possibilité de permettre aux alliés de fournir à l'Ukraine des chars lourds Leopard 2, de fabrication allemande, déclarant que la situation « se clarifierait dans les prochaines heures ou demain matin ».
Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, qui a pris ses fonctions jeudi, a souligné que la décision serait prise en coordination avec les alliés occidentaux, en particulier les États-Unis.
Washington est l'allié principal au sein de l'OTAN et c'est pourquoi il est important que nous [...] fassions cela en étroite coopération avec les Américains
, a-t-il déclaré.
L'Allemagne pourrait ainsi permettre aux pays qui possèdent des chars Leopard 2 de les envoyer en Ukraine. En temps normal, elle ne leur permet pas d'exporter ces équipements militaires dans un pays tiers. La Pologne et la Finlande ont déjà indiqué qu'elles étaient disposées à fournir ce type de chars à l'Ukraine, mais qu'elles avaient besoin pour cela de l'accord de Berlin.
Le tout nouveau ministre de la Défense a déclaré jeudi soir que la réponse serait claire dans les prochaines heures ou [vendredi] matin
.
« Personne n'exclut l'envoi de chars Leopard 2, et que l'autorisation ou l'approbation de la livraison par d'autres partenaires européens peut être donnée. Mais en attendant, des questions restent sans réponse. »
Plus tôt jeudi, le journal Handelsblatt avait affirmé, citant des sources de l'industrie, que l'Allemagne pourrait envoyer en Ukraine des chars Leopard 2 qui étaient initialement destinés à la République tchèque et à la Slovaquie.
Nouvelle aide américaine à Kiev
Au cours des derniers jours, le chancelier Olaf Scholz a déclaré à des élus du Congrès américain à Davos que l'Allemagne ne fournirait de ses chars lourds à l'Ukraine que si les États-Unis envoyaient eux aussi leurs propres chars d'assaut, selon un haut responsable américain.
Jeudi, Washington a annoncé une nouvelle tranche d'aide militaire à l'Ukraine de 2,5 milliards de dollars, qui prévoit l'envoi de 59 blindés Bradley. Ces véhicules s'ajouteront aux 50 blindés légers de ce type promis le 6 janvier, et 90 blindés de transport de troupes Stryker qui doteront l'Ukraine de deux brigades blindées
, selon le Pentagone.
L'armée américaine va également livrer à l'Ukraine 53 véhicules blindés antimines (MRAP) et 350 véhicules de transport M998, le fameux Humvee. Mais cette nouvelle tranche ne comprend aucun char lourd, comme les Abrams, que les Etats-Unis ne sont pas encore prêts à fournir à Kiev, justifiant ce refus par des questions de maintenance et de formation.
Cette nouvelle tranche porte à 26,7 milliards de dollars l'aide militaire totale des États-Unis à l'Ukraine depuis le début de l'invasion russe le 24 février.
J'ai confiance dans le fait que nous aurons une décision à ce sujet dans les prochains jours
, a déclaré jeudi le ministre Pistorius.
L'Ukraine presse de plus en plus fortement ses alliés occidentaux, y compris le Canada, de lui envoyer des chars d'assaut lourds pour l'aider à se défendre contre la Russie.
« Contre des milliers de chars de la Russie [...], le courage de notre armée et la motivation du peuple ukrainien ne suffisent pas. »
À cet égard, l'Ukraine a appelé les Occidentaux jeudi à cesser de trembler devant [Vladimir] Poutine
.
Nous lançons un appel à tous les États partenaires qui ont déjà fourni ou envisagent de fournir une aide militaire et les exhortons à considérablement renforcer leur contribution
, ont ainsi souligné dans un communiqué commun les ministres ukrainiens de la Défense et des Affaires étrangères, Oleksiï Reznikov et Dmytro Kouleba.
Cet appel a été soutenu, à l'occasion d'une visite à Kiev, par le président du Conseil européen, Charles Michel, pour lequel des chars doivent être livrés
aux Ukrainiens, car les prochaines semaines pourraient être décisives
sur le front.
Des chars, oui... mais des missiles de longue portée aussi
Les Leopard 2 font partie des chars lourds modernes et de conception occidentale qui, selon des experts, jouent un rôle déterminant dans les batailles en cours – et à venir – dans l'est et le sud de l'Ukraine.
Les chars occidentaux ne sont toutefois pas une solution miracle
contre la Russie, a précisé jeudi le commandant des forces alliées en Europe (SACEUR), le général américain Christopher Cavoli, selon lequel un équilibre entre tous les systèmes [d'armement] est nécessaire
.
En plus de 14 chars Challenger promis, le Royaume-Uni s'est donc aussi engagé jeudi à fournir à l'Ukraine 600 missiles supplémentaires Brimstone. De son côté, le Danemark a promis ses 19 canons Caesar de fabrication française, tandis que la Suède est prête à donner des canons automoteurs Archer.
Ces systèmes ont tous une portée de plusieurs dizaines de kilomètres, mais inférieure à celle réclamée par les Ukrainiens, soit de plus de 100 km, afin de pouvoir frapper la chaîne logistique russe, en particulier les dépôts de munitions.
Or, les Occidentaux craignent justement, malgré les assurances ukrainiennes, que Kiev ne puisse provoquer une escalade en usant de ces armes pour frapper en profondeur le territoire russe et les bases aériennes et navales de Crimée, une péninsule annexée en 2014 par la Russie.
Mise en garde du Kremlin
Le Kremlin a d'ailleurs adressé jeudi un avertissement clair : la livraison d'armes de plus longue portée signifierait que le conflit atteindrait un nouveau palier
et cela n'augure rien de bon pour la sécurité européenne
.
Néanmoins, selon le quotidien The New York Times, le gouvernement américain, qui a engagé environ 24 milliards de dollars dans l'effort de guerre jusqu'à présent, commence à réfléchir à la possibilité de donner à l'Ukraine les moyens d'attaquer la Crimée, car il s'agit d'une base arrière clé pour l'effort de guerre russe.
Le président Zelensky a, pour sa part, répété vouloir reprendre l'ensemble des territoires ukrainiens occupés, y compris la péninsule.