De retour au bureau, des fonctionnaires doivent troquer le cubicule pour un espace partagé

Pour beaucoup de fonctionnaires, la nouvelle norme consiste à réserver un bureau de travail, à ranger leurs effets personnels dans un casier pour la journée, puis à transporter leur ordinateur portable à la maison. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Pierre-Paul Couture
Après plusieurs années en télétravail, des dizaines de milliers de fonctionnaires fédéraux qui sont de retour au bureau doivent désormais travailler dans des espaces partagés plutôt qu’à un cubicule qui était le leur.
Le nouveau modèle hybride de travail entraîne des complications d’ordre technologique, par exemple, et dans la gestion des horaires afin que les employés puissent véritablement se côtoyer en personne.
Les syndicats de la fonction publique fédérale ont parlé de chaos
, stipulant que le nombre d’espaces de travail est insuffisant et que certains employés ont même dû travailler sur le plancher.

Plusieurs immeubles de bureaux fédéraux se trouvent à la place du Portage, à Gatineau, près de la rivière des Outaouais. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada
Même si des milliers d’embauches ont été faites dans la fonction publique fédérale pendant la pandémie – dans la région de la capitale nationale seulement, le nombre d’employés dans les principaux ministères a augmenté de 17 600 entre 2019 et 2022 – le gouvernement fédéral attribue le changement du style des espaces de travail non pas à un manque de place, mais plutôt à une refonte qui était déjà en cours.
La pandémie a tout simplement accéléré les choses
, explique Stéphan Déry, sous-ministre adjoint des Services immobiliers de Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC).
Nous ne sommes pas Google
Pour beaucoup de fonctionnaires, la nouvelle norme consiste à réserver un bureau de travail, à ranger leurs effets personnels dans un casier pour la journée, puis à transporter leur ordinateur portable à la maison.
Plusieurs d’entre eux ont exprimé leur opinion à CBC/Radio-Canada, à Ottawa, sur les défis engendrés par cette façon de faire, mais aucun n’a voulu donner son nom complet par crainte de représailles au travail.
Une fonctionnaire raconte avoir souvent vu une autre personne occuper le bureau de travail qu’elle avait réservé au préalable. Ce même jour, les membres de son équipe n’avaient pas réussi à réserver des postes de travail ensemble et ont dû faire un appel en vidéoconférence à partir de différents étages et édifices gouvernementaux.

Des fonctionnaires fédéraux doivent désormais troquer leur cubicule pour des espaces de travail partagés. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Pierre-Paul Couture
Je pense que la perte de ce sentiment de permanence sape vraiment le moral – du moins pour moi. J’ai l’impression de ne plus être une personne, juste un numéro
, a décrit la fonctionnaire, qui préfère avoir son propre cubicule.
Nous ne sommes pas Google
, a déclaré un autre fonctionnaire, pour qui l’idée d’un espace de bureau flexible peut sembler logique en théorie pour les patrons, mais qui ne l’est pas dans la vraie vie. Il a aussi qualifié le modèle de travail hybride de désorganisé
.
Une autre personne a souligné que bon nombre des personnes embauchées pendant la pandémie ne vivent pas à proximité d’un bureau situé à Ottawa ou à Gatineau. Pour lui, la grande question sera de savoir comment ils collaboreront
comme le veut le Conseil du Trésor.
Un coup d’épée dans l’eau
Stephanie Kusie, la responsable du Conseil du Trésor dans le cabinet fantôme du parti Conservateur, se questionne à savoir si les fonctionnaires se sentiront productifs ou appuyés lors du retour au bureau. C’est tout simplement un coup d’épée dans l’eau
, estime cette ancienne diplomate.
La députée conservatrice de Calgary Midnapore affirme être sceptique quant au succès du modèle de travail hybride, citant le fait que les libéraux ont déjà embauché des milliers de travailleurs et dépensé des millions de dollars sans réussir à éliminer l’arriéré des services de passeport ou d’immigration.

Stephanie Kusie, députée fédérale de Calgary Midnapore et responsable du Conseil du Trésor dans le cabinet fantôme du Parti conservateur du Canada. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Kate Adach
Pour sa part, Stéphan Déry, de SPAC, dit ne pas pouvoir se prononcer sur le système de réservation de bureau d’un ministère en particulier.
Toutefois, en tant que cadre responsable de 6,2 millions de mètres carrés d’espace de bureaux fédéraux pour 103 ministères et organismes, M. Déry est convaincu que tous les travailleurs auront l’espace dont ils ont besoin d’ici le 31 mars.
Il y aura probablement des endroits où cela ne fonctionnera pas aussi bien que d’autres, mais je pense [...] que nous y arriverons
, affirme-t-il, en soulignant la rapidité avec laquelle les équipes ont été préparées pour le télétravail au début de la pandémie.
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Un espace de travail modernisé
En ce moment, ce ne sont pas tous les étages ni les immeubles de bureaux du gouvernement fédéral qui peuvent accueillir les travailleurs de la fonction publique.
Plusieurs tours du complexe Portage III à Gatineau sont actuellement fermées pour rénovation majeure. Le centre de données de l’Agence du revenu du Canada sur le chemin Heron, à Ottawa, fermera en janvier 2024 pour des travaux de construction et quelque 1850 employés déménageront dans des bureaux temporaires ailleurs.
Malgré ces tendances, Stéphan Déry souligne qu’avant la pandémie, les bureaux fédéraux fonctionnaient à 60 % de leur capacité. L’espace était souvent sous-utilisé, a-t-il dit, avec des gens en vacances, en formation ou en affaires.
Nous avons une responsabilité du point de vue financier
, explique M. Déry. Nous réfléchissons à la façon dont nous pouvons maximiser notre portefeuille et nous assurer d’avoir un espace souple, mais pas un espace qui reste inactif
.

Avant la pandémie, les bureaux fédéraux fonctionnaient à 60 % de leur capacité, selon Stéphan Déry. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Jacques Corriveau
Cela signifie que si les fonctionnaires n’ont pas leur propre bureau et ne sont au bureau que deux ou trois jours par semaine, le gouvernement fédéral peut intégrer les nouveaux employés aux espaces de travail existants.
Cela fait partie d’une stratégie à long terme, et on décrit Stéphan Déry comme un grand champion de la modernisation
des bureaux du gouvernement fédéral afin qu’ils correspondent aux types de tâches
effectuées.
C’est ce que vous voyez dans les magazines. Si vous allez en Europe, par exemple, c’est plus d’espace de collaboration, plus de salles de réunion. Il n’y en a jamais assez
, décrit-il, en ajoutant qu’il rencontre des collègues de l’immobilier au sein de la fonction publique d’autres pays pour discuter de l’avenir du travail
.
À l’heure actuelle, 12 % des locaux à bureaux fédéraux sont modernisés
, mais M. Déry affirme que l’objectif est d’atteindre 25 % d’ici 2026.
Avec les informations de Kate Porter, de CBC News