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Complot contre VIA Rail : un rapport psychiatrique peut être remis à l’un des terroristes

La défense de Raed Jaser a besoin de ce document pour son appel afin de prouver que son client n'aurait jamais dû être jugé avec son coaccusé, Chiheb Esseghaier.

Des croquis de cour de Chiheb Esseghaier et Raed Jaser juxtaposés.

Chiheb Esseghaier et Raed Jaser lors de leur procès en 2015 à Toronto.

Photo : La Presse canadienne / Tammy Hoy, John Mantha

La Cour d'appel de l'Ontario accepte de remettre le dernier rapport psychiatrique du terroriste Chiheb Esseghaier à la défense de son complice Raed Jaser. Le Montréalais et le Torontois ont été condamnés à la perpétuité en 2015 pour un attentat manqué contre un train de VIA Rail en Ontario 3 ans plus tôt.

Raed Jaser et Chiheb Esseghaier avaient été jugés ensemble contre l'avis de la défense du premier, qui souhaitait un procès à part en bonne et due forme, mais le juge en avait décidé autrement.

Les deux hommes avaient voulu faire exploser un pont en Ontario dans le but de faire dérailler un train de passagers en 2012 au nom du groupe al-Qaïda afin de forcer le Canada à retirer ses troupes d'Afghanistan.

La Cour d'appel de l'Ontario avait ordonné un nouveau procès en août 2019, mais la Cour suprême du Canada avait contrecarré cette décision en octobre 2020 à la suite d'un appel de la Couronne.

Une santé mentale instable

À l'époque, Chiheb Esseghaier avait été jugé apte à subir son procès, mais sa santé s'était détériorée lors de son audience sur la détermination de la peine, durant l'été 2015.

Le Montréalais crachait sur les avocats, il invectivait la Couronne, il se couchait dans le box des accusés pour y faire la sieste.

Des rapports avaient d'ailleurs été présentés en Cour supérieure de l'Ontario au sujet de son instabilité mentale, mais le magistrat de première instance l'avait condamné comme un individu sain d'esprit.

Le juge croyait, par exemple, que Chiheb Esseghaier était bien plus motivé par la ferveur religieuse qui l'animait à l'époque que par sa santé mentale.

Chiheb Esseghaier a été condamné à la prison à vie.

Chiheb Esseghaier a été condamné à la perpétuité pour avoir tenté de faire dérailler un train de VIA Rail en Ontario en 2012.

Photo : La Presse canadienne / Frank Gunn

Un psychiatre avait toutefois précisé que le Montréalais n'était plus apte à être jugé durant son audience sur la détermination de la peine, et non durant son procès. Un second psychiatre avait préconisé le contraire.

Le terroriste, qui voulait être jugé selon la charia, s'était défendu seul, si bien que ses plaidoiries étaient souvent marquées par le délire.

La Cour supérieure de l'Ontario avait nommé un amicus curiae (ami de la cour) pour assister le magistrat lors des audiences.

Depuis sa condamnation, Chiheb Esseghaier reçoit en détention des traitements contre la schizophrénie.

Désistement définitif en appel

Il avait décidé d'interjeter appel du verdict de culpabilité en 2020, lorsqu'il a compris qu'il n'était pas apte à subir son procès contrairement à l'avis du juge de première instance.

Le Montréalais, qui est toujours incarcéré au pénitencier d'Abbotsford, en Colombie-Britannique, avait toutefois renoncé à tout appel l'an dernier.

La Cour d'appel de l'Ontario avait néanmoins ordonné au préalable une enquête sans précédent sur sa santé.

Une illustration judiciaire de Chiheb Esseghaier

Nouvel esclandre de Chiheb Esseghaier alors qu'il s'adresse à la cour sans permission au cours de son audience sur la détermination de la peine en juillet 2015.

Photo : Radio-Canada / Pam Davies

Le plus haut tribunal de la province avait expliqué qu'il voulait protéger les intérêts d'Esseghaier et s'assurer qu'il comprenait bien ce qu'il faisait compte tenu de son passé troublé.

La Cour d'appel a le pouvoir discrétionnaire de rejeter une demande d'abandon si le demandeur n'a pas la capacité mentale de comprendre ce qu'il fait.

Elle avait donc décidé de nommer un nouvel ami de la cour pour entendre la position de Chiheb Esseghaier et de ses médecins.

C'est ce rapport confidentiel que la défense de Raed Jaser cherchait à obtenir devant les tribunaux.

Appel confirmé de Raed Jaser

La décision d'Esseghaier d'abandonner son appel a maintenant un impact sur la décision de son complice, Raed Jaser, qui interjette appel de son verdict de culpabilité pour plusieurs raisons.

Le Torontois conteste notamment le fait qu'on lui a refusé un procès seul et qu'il a dû être jugé en compagnie d'un homme à l'équilibre mental fragile.

La défense de Jaser a donc demandé à obtenir le rapport d'évaluation psychiatrique post-sentenciel de Chiheb Esseghaier. Dans des documents judiciaires, la Cour d'appel lui a donné raison contre l'avis de la Couronne.

Une illustration judiciaire de Chiheb Esseghaier

Chiheb Esseghaier crache sur l'amie de la cour qui interrogeait un autre témoin lors de l'audience sur la détermination de la peine du terroriste.

Photo : Radio-Canada / CBC/Pam Davies

La Couronne arguait que la santé mentale d'Esseghaier avait déjà fait l'objet de deux évaluations psychiatriques à l'époque du premier procès et que la production d'un troisième rapport n'apporterait rien de nouveau à la défense de Jaser.

Elle avait précisé que Raed Jaser a eu droit à un procès impartial peu importe si son complice était apte à subir un procès ou non.

Jugement de la Cour d'appel

Dans ses raisons, la Cour d'appel précise que Chiheb Esseghaier a été notifié de l'intention de Raed Jaser d'utiliser un tel document dans la poursuite de ses procédures, mais le Montréalais n'a pas fait savoir s'il consentait ou non à ce transfert d'informations.

Une fois que le rapport sera prêt, un comité judiciaire devra être constitué pour envisager si des mesures doivent être prises pour protéger la vie privée de Chiheb Esseghaier en fonction des informations que le rapport contiendrait.

La Cour d'appel ajoute que le rapport pourrait bien constituer de nouvelles preuves dans cette affaire et que les informations qu'il contient pourraient confirmer que Chiheb Esseghaier n'était pas apte à subir son procès après tout.

Le tribunal précise toutefois qu'il reviendra aux trois juges qui entendront l'appel de Jaser de décider si ce rapport peut être admis au dossier. Il n'y a toutefois pas lieu de croire que le rapport d'évaluation psychiatrique n'est pas crédible, note la Cour d'appel.

Dessin de Raed Jaser lors d'une comparution en avril 2013.

Raed Jaser lors de l'une de ses premières comparutions au palais de justice de Toronto, en avril 2013

Photo : La Presse canadienne / John Mantha

Il s'agit d'une victoire pour Raed Jaser, dont l'appel a été divisé en plusieurs parties.

Il avait perdu la première manche lorsque la Cour suprême du Canada avait statué en mars 2021 que le juge au procès avait bien commis une erreur, mais que la faute n'avait eu aucun impact sur le verdict de culpabilité.

Le juge de première instance avait refusé aux accusés le mode de sélection de jury de leur choix, alors qu'il n'avait pas la discrétion de privilégier une méthode de sélection par rapport à une autre.

Son erreur était néanmoins couverte par une disposition réparatrice du Code criminel, si bien que le verdict final reste inchangé.

Chiheb Esseghaier et Raed Jaser.

Au terme de leur procès devant jury, Chiheb Esseghaier, à gauche, et Raed Jaser, au centre, ont été reconnus coupables d'avoir organisé un attentat contre un train de passagers de VIA Rail en 2012 en Ontario.

Photo : Radio-Canada / Pam Davies

La sélection erronée du jury au procès des deux hommes n'était toutefois que l'un des arguments de la défense de Jaser pour faire appel du verdict, mais la Cour d'appel puis la Cour suprême devaient les entendre en priorité.

L'ami de la cour nommé dans cette cause a donc sept jours pour transmettre à la défense de Raed Jaser et à la Couronne le dernier rapport psychiatrique sur la santé mentale de Chiheb Esseghaier.

On s'attend à ce que la défense de Jaser soutienne que le comportement erratique d'Esseghaier à leur procès a inévitablement eu un impact négatif sur le jury, que son instabilité mentale lui a porté préjudice et qu'il a donc été victime d'une erreur judiciaire.

Aucune date n'a toutefois encore été fixée pour la reprise des audiences devant la Cour d'appel de l'Ontario.

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