Des locataires de Québec coincés par la hausse des loyers

Jocelyne Parent.
Photo : Radio-Canada / Bruno Giguere
Jocelyne Parent habite dans son appartement de Sainte-Foy depuis 13 ans. Sept fois, son propriétaire a tenté d’augmenter son loyer de manière importante. Des hausses qu’elle a contestées. Alors qu'elle fait aujourd'hui face à un avis de reprise de logement, elle peine à trouver des solutions abordables.
Dans son avis envoyé en novembre, le propriétaire mentionne qu’il veut reprendre le logement pour son fils. Je me sens vraiment ciblée. Il n'a pas attendu pour voir s’il y en a qui vont partir
, se désole la locataire.

Jocelyne Parent croit qu'il serait difficile de trouver un logement aussi grand et confortable que celui qu'elle loue au prix qu'elle peut se permettre de payer.
Photo : Radio-Canada / Bruno Giguere
Elle convient qu’elle ne paie pas cher son quatre et demie, il lui coûte 618 $ par mois. Elle croit que c’est le principal point de mésentente avec son propriétaire.
Le propriétaire, lui, assure que son fils a d'importants problèmes de santé et qu'il ne s'agit pas de mauvaise foi. La reprise de logement, selon lui, est légale.
Gain de cause au Tribunal
Lors d'une des contestations, en 2021, le Tribunal administratif du logement (TAL) a fait réduire son augmentation de 20 $ à 5 $. Je ne veux pas payer des montants extrêmes, mais ça ne me dérange pas pour des montants qui se justifient à cause des taxes et tout ça. Alors en passant en cour, j'ai eu ce que je voulais, quelque part
, nuance Jocelyne Parent.

Des gens visitent la Régie du logement.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Dans les prochains jours, elle devra d’ailleurs de nouveau se présenter devant le Tribunal pour s’opposer à une augmentation de 45 $ que son propriétaire lui réclamait l’an passé.
J’ai regardé les autres logements, puis c’est paniquant. J’ai une belle vie, j'aime ce que je fais, mais je ne gagne pas des montants exorbitants. Je n’ai pas les moyens de payer des milliers de dollars.
Elle espère que le juge sera clément, d'autant plus qu’elle devra repasser en cour pour contester la reprise de son appartement et probablement aussi pour la nouvelle hausse de 232 $.
L’entreprise gestionnaire de l'immeuble assure qu'il y a eu une erreur et que selon elle, Jocelyne Parent n’aurait jamais dû recevoir cet avis de modification de bail.
Les tribunaux de plus en plus sollicités
C’est loin d’être la seule à refuser une augmentation de loyer, le TAL reçoit de plus en plus de demandes année après année. Il y en a eu 7044 en 2021-2022, comparativement à 4022 en 2017-2018.
Le Comité logement d'aide de Québec Ouest est bien au fait de cette explosion des demandes, puisque les appels de locataires se multiplient. Ils nous appellent parce qu'ils constatent qu'ils ont une grosse hausse et ils veulent qu'on estime la hausse qui serait déterminée au Tribunal administratif du logement. C'est vraiment la raison de la plupart de nos appels ici
, ajoute Charles-Olivier P. Carrier, un organisateur communautaire du Comité.

Charles-Olivier P. Carrier du Comité logement d'aide de Québec Ouest estime que l'organisme a reçu une centaine d'appels concernant les hausses de loyer en 2022.
Photo : Radio-Canada / Camille Carpentier
Il observe qu’il y a de plus en plus de hausses élevées, voire abusives
. L'inflation a le dos large. On parle d'augmentation de 8 à 10 % puis le propriétaire dit que c'est à cause de l'augmentation des taux d'intérêt, mais ce n’est pas pris en compte dans le calcul du TAL
, prévient Charles-Olivier P. Carrier.
Les propriétaires en voudraient plus
La Corporation des propriétaires immobiliers du Québec veut relativiser le nombre de demandes adressées au TAL. Soulignons quand même que c'est une fraction de 1 % qui se retrouve devant le tribunal administratif. Quand on regarde globalement au Québec, il y a une bonne entente avec les 1,4 million de ménages locataires dans le secteur privé
, précise Marc-André Plante, directeur des affaires publiques et des relations gouvernementales à la CORPIQ.

Les taux d'ajustement de 2023 du TAL ont été dévoilés mardi après-midi.
Photo : Tribunal administratif du logement
Il plaide tout de même pour que les méthodes d'élaboration du guide d’augmentation du Tribunal soient changées. La méthode de calcul du tribunal est désuète. Il faut que les règles du jeu, notamment au niveau de l'ajustement de loyer, puissent mieux intégrer l'entretien et la protection de notre parc locatif
, soutient le directeur.
Il compte sur l’écoute du gouvernement dans un contexte qui n’est pas nécessairement plus facile pour les propriétaires. 60 % des propriétaires locatifs ont des hypothèques à taux variables, l'impact de la hausse des taux d'intérêt est immédiat
, avertit-il, en mentionnant aussi l’augmentation du coût des matériaux et de la main-d'œuvre.
Avec les informations de Camille Carpentier