Pas d’élargissement des services en français à Winnipeg sans l’appui de la province

L'hôtel de ville de Winnipeg.
Photo : Radio-Canada / Jaison Empson
La motion sur les services en français adoptée mardi par le comité exécutif de Winnipeg (Nouvelle fenêtre) requiert une modification de la Charte de la Ville de Winnipeg, ce qui est uniquement possible avec l’aval de la province.
La proposition, déposée par le conseiller municipal de Saint-Boniface, Mathieu Allard, a été adoptée à l’unanimité par les six conseillers municipaux qui font partie de ce comité, considéré comme la garde rapprochée du nouveau maire, Scott Gillingham. Les élus ont commandé un rapport à l’administration municipale pour évaluer les besoins des services bilingues. Il devra être remis d'ici 120 jours.
Outre une centralisation de la direction des services en français entre les mains de la direction générale de la Ville pour favoriser une approche intégrée à l'amélioration des services en français
, la motion de Mathieu Allard vise aussi à étendre l’accès aux services en français à tous les quartiers.
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Un accès actuellement limité au district Riel
C’est là que la mise en place de cette motion se corse. À l’heure actuelle, les services en français ne sont théoriquement offerts que dans le district Riel. Composé des quartiers de Saint-Boniface, de Saint-Vital et de Saint-Norbert, il regroupait, à l’origine, les secteurs ayant la plus forte concentration de francophones.
Or le visage de Winnipeg en 2022 n’est plus le même que celui qu’avait la capitale manitobaine en 1973, lors de la fusion de plusieurs villes qui l’entouraient. En effet, comme Radio-Canada l’expliquait déjà en 2019, les francophones sont répartis partout dans la ville.
La proposition de Mathieu Allard veut prendre en compte cette réalité en élargissant les limites géographiques définies dans la Partie 9 pour que tous les résidents de la ville de Winnipeg aient un droit égal aux services en français
.
L’accord de la province est obligatoire
Le problème, c’est que pour modifier la Charte de la Ville de Winnipeg, il faut l’accord du gouvernement provincial. C’est le plus difficile
, relève Aaron Moore, qui préside le Département de sciences politiques de l'Université de Winnipeg et qui est spécialiste des questions municipales.
Ce n’est pas inhabituel [que la Charte soit modifiée], précise-t-il cependant. Finalement, la Charte n’est qu’une loi comme une autre.
Il reste que cela fait des années qu’il n’y a pas eu de modification majeure dans cette loi, la dernière remontant à 2002.
Si le gouvernement provincial décide de faire des changements, il peut le faire et, par le passé, il y a eu des exemples où Winnipeg a demandé des modifications, et la province a accepté de les faire
sans problème, ajoute Aaron Moore.
Winnipeg n'a aucun recours si le Manitoba refuse
Si la Ville veut donc changer une partie de la loi, elle doit envoyer une requête formelle au gouvernement provincial et parvenir à le convaincre que les modifications qu’elle demande sont nécessaires. Si elle n’y parvient pas, elle n’a absolument aucun recours possible.
La Municipalité n’a aucun contrôle sur la Charte, puisque c’est une loi provinciale. C’est le gouvernement manitobain qui, en fin de compte, décide ou non de modifier sa loi
, ajoute Aaron Moore.
« Winnipeg est contrainte par la loi provinciale que le gouvernement met en place. En cas de refus de modifier la Charte, la seule chose que la Ville peut faire est de continuer son lobbying. »
De bonnes chances que ce soit accepté
Le politologue pense cependant que, si la demande de modification de la Charte ne porte pas sur un sujet controversé, comme la création d’un nouvel impôt, les changements sont facilement acceptés. Les gouvernements provinciaux sont habituellement assez réceptifs
, dit-il.
L’extension des services en français à la Ville de Winnipeg serait concordante avec l’intention de la politique des services en français de la province et la Loi sur l’appui à l’épanouissement de la francophonie manitobaine
, affirme pour sa part un porte-parole de la ministre des Relations avec les municipalités, Eileen Clarke.
Il ajoute que, bien que la Charte de la Ville désigne des zones bilingues, elle a aussi une clause qui indique que rien n’empêche la Ville d’offrir plus de services municipaux en français dans d’autres zones
.
De son côté, le chef du Parti libéral du Manitoba, Dougald Lamont, affirme ceci : La mise à jour de la Charte de la Ville de Winnipeg pour y inclure les services en français est un important pas en avant, et nous l’appuierons certainement.
Les services en français au Manitoba ne devraient pas être considérés comme une prime ou un luxe. C’est un droit fondamental, et il devrait être traité comme tel. Nous pourrions certainement offrir de meilleurs services si le gouvernement conservateur levait son gel de financement de sept ans pour les municipalités
, ajoute M. Lamont, qui est aussi député provincial de Saint-Boniface.
Contacté par Radio-Canada, le chef du Nouveau Parti démocratique, Wab Kinew, n'avait pas répondu au moment de publier cet article.
Quoi qu’il en soit, même si la Charte était modifiée, Winnipeg aurait encore d’autres obstacles à franchir afin de pouvoir offrir des services en français de qualité sur tout son territoire. Elle devra, comme le stipule la proposition de Mathieu Allard, obtenir du financement supplémentaire des gouvernements fédéral et provincial et parvenir à les convaincre que cet argent sera nécessaire pour appuyer l'amélioration, la prestation et la mise en œuvre de services en français pour la Ville de Winnipeg
.