Pérou : « On va à Lima », promettent les protestataires

Des manifestants bloquent la route à Arequipa.
Photo : AP / Jose Sotomayor
« On va à la capitale (Lima) pour faire entendre notre voix », lance un leader des manifestations visant à forcer la démission de la présidente Dina Boluarte et de nouvelles élections au Pérou. Les troubles qui secouent le pays andin depuis le 7 décembre ont déjà fait 42 morts.
Des milliers de manifestants convergeaient vers Lima malgré l'état d'urgence décrété par le gouvernement, espérant un rassemblement de masse dans les prochains jours pour donner plus de poids à leurs revendications.
Il est toutefois impossible, malgré les annonces des uns et des autres, de connaître l'ampleur de cette mobilisation et de savoir combien de personnes sont arrivées ou sont en chemin vers Lima. Le voyage, traversant des cols andins, peut durer jusqu'à 24 heures.

Des milliers de manifestants convergent vers Lima, la capitale péruvienne, pour demander la démission de la présidente et de nouvelles élections. Regroupé en longues caravanes parties du sud autochtone du pays, le mouvement défie l'état d'urgence qui interdit les manifestations. Et pour l'instant, rien ne semble les arrêter. Le reportage de Jean-Michel Leprince.
C'est sûr, c'est déjà discuté, acté, on va à la capitale. Il y a des collectes d'argent pour pouvoir y aller avec tous les citoyens des provinces du sud et du nord de Puno
, à la frontière avec la Bolivie, affirme à Ilave (sud) Jimmy Mamani, président d'une association de villages.
Ils (gouvernants) font la sourde oreille, mais on en a assez. Il n'est pas juste que l'exécutif, l'État ne puisse pas écouter nos demandes. On n'arrive pas à dialoguer avec eux
, ajoute-t-il, assurant que ce sera une mobilisation pacifique
.
Le gouvernement, qui n'arrive pas à enrayer les protestations, a à nouveau décrété samedi l'état d'urgence pour 30 jours à Lima, Callao (port de Lima), Puno et Cuzco (capitale touristique sud près du Machu Picchu).
L'état d'urgence autorise l'armée à intervenir pour maintenir l'ordre et, surtout, suspend la liberté de circulation et de réunion. Il avait déjà été décrété mi-décembre dans tout le Pérou, pour 30 jours.

Au Pérou, des manifestants provenant surtout du sud du pays sont arrivés à Lima. Ils promettent un grand rassemblement demain, pour exiger la démission de la présidente et de nouvelles élections. Mais déjà aujourd'hui, manifestants et forces de l'ordre se sont affrontés. Un reportage de Yasmine Khayat.
La présidente ne démissionnera pas
Nous espérons que cette situation (les protestations) changera radicalement et que la voie du dialogue sera rétablie
, a déclaré Alberto Otarola, chef de cabinet de la présidente, à la chaîne de télévision Latina.
M. Otarola a réaffirmé que la présidente ne démissionnera pas. Par sens de la responsabilité historique et parce que la démission de Dina Boluarte ouvrirait la porte à l'anarchie. Il serait irresponsable de la part de Mme Boluarte de partir au moment où le pays traverse ces problèmes.
Il y a un petit groupe organisé financé par le trafic de drogue et l'exploitation minière illégale qui veut prendre le pouvoir par la force
, a-t-il lancé.
Nous ne voulons plus de morts
Dimanche soir à Lima, des dizaines de manifestants, encadrés par un important dispositif policier, ont défilé pacifiquement au centre-ville du quartier touristique de Miraflores en scandant : Dina ordure, à bas la dictature
ou Dina, corrompue assassine
.
Nous exigeons que Boluarte démissionne et qu'ils ferment le Parlement immédiatement. Nous ne voulons plus de morts
, ditJasmin Reinoso, une infirmière de 25 ans.
Au moins 3000 personnes d'Andahuaylas (sud-est), un des épicentres des manifestations en décembre, ont quitté dimanche la ville pour rallier Lima en voiture et en camion, selon la presse locale.
Lundi, la circulation automobile restait bloquée sur une centaine de tronçons par des manifestants. Des barrages ont aussi été installés dans la région de Libertad (nord) où des manifestants ont bloqué l'autoroute panaméricaine en brûlant des pneus.
Six présidents en cinq ans
Les protestations ont éclaté après la destitution et l'arrestation le 7 décembre du président radical de gauche Pedro Castillo, accusé d'avoir tenté de perpétrer un coup d'État en voulant dissoudre le Parlement qui s'apprêtait à le chasser du pouvoir.
Mme Boluarte, qui était la vice-présidente de M. Castillo, lui a succédé conformément à la Constitution. Elle est issue du même parti, mais les manifestants voient en elle une traîtresse
.
Les violences sont concentrées dans le sud du pays, où vivent les Quechuas et Aymaras. La Commission interaméricaine des droits de l'homme préconise une meilleure intégration de ces communautés autochtones dans la société péruvienne pour mettre fin aux troubles.
Les victimes sont mortes parce qu'elles demandaient l'égalité. Il y a trop de corruption
, affirmait dimanche Benito Soto Escobar, un vitrier de Huancavelica (sud).
Dina Boluarte est la sixième personne à occuper la présidence en cinq ans au Pérou, un pays qui connaît une crise politique permanente émaillée de soupçons de corruption.