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L’espoir du chemin Roxham tenu à bout de bras par le communautaire

Il existe un autre chemin Roxham. Plus discret que l’officiel. Il s’étire de la frontière américaine jusqu'à Montréal, et même au-delà du multiethnique Côte-des-Neiges. Pour survivre, les migrants frappent par milliers à la porte de groupes communautaires débordés.

Au téléphone, derrière un plexiglas bariolé de dessins de mains ouvertes et accueillantes.

Véronique Clément, intervenante au comptoir vestimentaire d'Entre mamans et papas

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

 « Aïe! C’est froid… » La voix de la jeune femme est feutrée. Comme pour ne pas déranger. Elle s'assoit sur une petite chaise, se frotte les mains, tente de reprendre son souffle.

Il fait froid, hein?, lance une employée, en lui prenant les mains pour les réchauffer dans les siennes. Ici, au Canada, c’est vraiment froid, acquiesce la jeune femme.

Récemment arrivée par le chemin Roxham, cette Haïtienne n’est pas entrée chez Entre mamans et papas seulement pour se réchauffer. Elle est aussi venue chercher de l’aide auprès de cet organisme soutient de jeunes familles en difficulté.

En ce matin ensoleillé de janvier, le mercure indique -1 degré Celsius. Un sourire dans la voix, Véronique Clément prend soin de le préciser à cette nouvelle arrivante. Je ne veux pas vous décourager, mais aujourd’hui, c’est pas si pire!

Les mitaines sont enfilées sur ses doigts gelés.

Véronique Clément aide une jeune Haïtienne arrivée récemment à Montréal à se protéger de l'hiver. L'organisme Entre mamans et papas aide d'abord les jeunes enfants. La hausse des besoins l'a poussé à aider aussi leurs parents.

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

Des personnes migrantes surprises par le froid, cette intervenante au comptoir vestimentaire en a vu des dizaines dans les derniers mois. Comme celles, arrivées en septembre, convaincues qu’on était déjà dans le gros de l’hiver.

Depuis l’été, au moins 3000 personnes sont entrées chaque mois au Canada par le chemin Roxham. La plupart s’installent dans la région de Montréal, en attendant de savoir si elles seront acceptées comme réfugiées.

Forcés de s’adapter

Cela fait une trentaine d’années que l’organisme Entre mamans et papas aide les jeunes familles démunies à se procurer des couches, du lait maternisé, des vêtements et des jouets pour les plus petits.

L’été dernier, le nombre de clients a bondi. Et leurs besoins ont changé. Véronique Clément se rappelle avoir remarqué que les parents eux aussi avaient de grands besoins. Comme des vêtements chauds pour affronter l’hiver.

Une bénévole s'occupe de classer les vêtements.

Dans l'exercice financier qui se termine en mars de l'organisme Entre mamans et papas, dans Hochelaga à Montréal, plus de mille jeunes familles devraient avoir reçu de l'aide; presque le double du précédent.

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

En parlant avec les intervenantes [des CLSC et des hôpitaux], on s’est rendu compte que ce n’était pas juste nous. Elles-mêmes disaient : ''Je ne sais plus quoi faire''. Faut que je les aide, mais il y en a trop… on n’arrive plus.

En quelques mois, une vague d’humains dans le besoin a déferlé sur bien des organismes communautaires de Montréal. Des milliers de personnes arrivées au Canada avec peu de choses, sinon un téléphone cellulaire et la promesse d’une vie sûre.

Rapidement, l’organisme a été forcé de s’adapter. Les visites se font uniquement sur rendez-vous. Il y a des ressources pour une dizaine de rencontres chaque jour. Mais ça ne suffit pas.

Nos plages horaires sont complètes jusqu’au mois d’avril, explique Véronique Clément. Ici, le téléphone sonne très souvent. Les gens essaient d’obtenir la place d’une personne qui annule. Mais des annulations, il y en a rarement.

L'homme se tient, souriant, devant l'étal de fruits et légumes.

Jean-Sébastien Patrice, directeur général de la MultiCaf. « Ce sont des belles paroles de dire qu’on est une terre d’accueil. Mais dans le concret, l‘argent ne descend pas » jusqu'aux organismes d'aide, déplore-t-il.

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

Pourquoi je dois limiter les gens?

Cet afflux de gens au chemin Roxham a provoqué une explosion de la demande un peu partout à Montréal. À la MultiCaf, dans Côte-des-Neiges, les besoins ont été multipliés par sept.

La petite épicerie solidaire est populaire auprès des migrants, qui peuvent y choisir leurs aliments. Il y a de la viande, des produits laitiers, des conserves et des produits frais.

Certains jours, 500 personnes s’y présentent. Le double du volume habituel, devenu la norme depuis l’été dernier. Chaque semaine, une famille peut emporter une trentaine d’articles pour seulement cinq dollars. Pas plus. Car il faut en laisser aux autres.

Pourquoi je dois limiter les gens?, se désole Jean-Sébastien Patrice, le directeur général de l’organisme. Moi, j’aimerais les limiter à 60 items. À 100 items! Histoire de vraiment les soulager.

Les demandeurs d’asile reçoivent une allocation dite de dernier recours, dont la valeur varie en fonction de leur situation familiale et financière. Trop peu, selon Jean-Sébastien Patrice.

Des étals de pommes de terre, d'oranges et d'autres fruits et légumes sont offerts à la vue.

L'épicerie solidaire de la MultiCaf de Côte-des-Neiges à Montréal, où la demande de denrées bon marché a été multipliée par sept depuis la réouverture du chemin Roxham l'an dernier.

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

Il faudrait que Québec et Ottawa fassent quelque chose! Pour moi, ce sont des belles paroles de dire qu’on est une terre d’accueil. Mais dans le concret, l‘argent ne descend pas jusqu’en bas. On dirait que c’est tellement lourd, la structure, la bureaucratie!

En attendant des fonds ou des employés supplémentaires, les organismes communautaires composent avec ce qu’ils ont. Déjà habitués à faire beaucoup avec peu.

Chez Entre mamans et papas, cela veut dire accepter une jeune mère sur le point d'accoucher, arrivée seule en décembre. Elle n’a pas de siège d’auto, elle n’a pas de lit, souffle Véronique Clément. Elle n’a rien.

Dans ce cas précis, cela veut dire plus de travail pour des employés déjà surchargés. Il faudra récupérer un couffin entreposé dans une remise, trouver un bénévole pour la raccompagner chez elle.

Pas question de la laisser se débrouiller toute seule. C’est sûr qu’on ne peut pas. C’est ça, notre nouvelle réalité qu’on n'avait pas avant.

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