Brésil : la Cour suprême inclut Bolsonaro dans l’enquête sur les saccages à Brasilia

Des proches de l'ancien président brésilien Jair Bolsonaro ont déjà été mis en cause dans cette affaire.
Photo : Getty Images / Andressa Anholete
L'ex-président brésilien Jair Bolsonaro, dont des proches ont déjà été mis en cause, est désormais lui-même directement visé par la justice pour son rôle dans le saccage d'institutions nationales à Brasilia.
Le juge de la Cour suprême Alexandre de Moraes a annoncé vendredi qu'il incluait, comme le demandait le parquet général, l'ancien chef d'État d'extrême droite dans son enquête visant à découvrir les éventuels instigateurs des violences du 8 janvier dans la capitale brésilienne.
Jair Bolsonaro, battu de justesse par le candidat de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, a effectué une incitation publique à l'exécution d'un crime
en diffusant sur les réseaux sociaux une vidéo mettant en cause la régularité de l'élection présidentielle de 2022
, a expliqué le parquet dans un communiqué.
Cette vidéo a été publiée deux jours après la violente invasion du siège de la présidence, du Congrès et de la Cour suprême par des milliers de bolsonaristes, puis effacée, a rappelé le parquet, mais elle pourrait apporter un lien de preuve
justifiant une enquête globale sur les actes effectués avant et après le 8 janvier 2023
par Jair Bolsonaro.
L'ancien président n'a jamais eu le moindre lien avec ces mouvements
, ont affirmé ses avocats dans un communiqué transmis à l'Agence France-Presse, en attribuant les violences de Brasilia à des éléments infiltrés
.
L'ex-président, qui se trouve aux États-Unis depuis fin décembre, avait déjà été épinglé vendredi pour des dépenses faites au cours de son mandat avec la carte de crédit présidentielle, comme les 21 000 $ déboursés en une fois dans un modeste restaurant du nord du Brésil ou les 10 000 $ payés à une boulangerie le lendemain du mariage de son fils.
Les relevés de compte de la carte de crédit présidentielle couvrant ses quatre années de mandat (2019-2022) ont été publiés sur un site en ligne officiel du gouvernement Lula, qui a commencé à lever un secret imposé pour 100 ans par son prédécesseur sur des milliers de documents officiels.
Un document compromettant chez l'ancien ministre de la Justice
La demande d'enquête du parquet suit également de peu une révélation déjà liée au remake de l'assaut du Capitole américain le 6 janvier 2021, et qui met en cause l'ex-ministre de la Justice Anderson Torres, chez qui a été retrouvé un projet de décret qui aurait pu permettre l'annulation de l'élection de Lula à la présidence.
Ce document très compromettant révélé jeudi soir par le quotidien Folha de S. Paulo a été retrouvé lors de perquisitions de la Police fédérale au domicile de cet ancien ministre, qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt d'un juge de la Cour suprême pour collusion
présumée avec les bolsonaristes qui ont pris d'assaut les lieux de pouvoir à Brasilia dimanche.
Nous allons attendre qu'il se présente jusqu'à lundi. S'il ne le fait pas, nous lancerons la semaine prochaine la procédure de demande d'extradition
, a annoncé vendredi Flavio Dino, ministre de la Justice de Lula, en fonction depuis le 1er janvier.
M. Torres n'a cessé de clamer son innocence et a promis de rentrer au Brésil pour se rendre aux autorités, sans pour autant indiquer de date précise.
Le document de trois pages trouvé chez lui prévoit que le gouvernement fédéral prenne le contrôle du Tribunal supérieur électoral (TSE), qui veille à la bonne marche du scrutin, pour assurer la préservation et le rétablissement de la transparence et approuver la régularité du processus électoral de la présidentielle de 2022
.
Cette mesure est considérée comme anticonstitutionnelle par de nombreux juristes. Dans la pratique, cela signifie que l'intention aurait été d'annuler l'élection de Lula.
Le décret présidentiel – qui n'a jamais vu le jour – prévoyait la création d'une commission de régulation électorale
pour remplacer le TSE , avec à sa tête une majorité de membres issus du ministère de la Défense (8 sur 17).
Le document n'est pas daté, mais le nom de Jair Bolsonaro se trouve à la fin, dans un espace prévu pour sa signature.
Pendant que 33 millions de personnes souffraient de la faim, ils préparaient un coup d'État
, a tweeté vendredi le sénateur de gauche Randolfe Rodrigues, leader du bloc parlementaire du gouvernement Lula à la Chambre haute.
« Cela montre que ce que nous avons vu le 8 janvier [l'invasion des lieux de pouvoir à Brasilia] n'était pas un acte isolé. [Le projet de décret] est l'un des maillons d'une chaîne putschiste. »
La Police fédérale a dit à l'Agence France-Presse qu'elle ne pouvait pas commenter une enquête en cours.
M. Torres, qui se trouve aux États-Unis et y était déjà dimanche, a déclaré jeudi soir sur Twitter que ce brouillon se trouvait probablement dans une pile de documents censée être détruite en temps voulu
, que son contenu a été fuité et est jugé hors de son contexte
.
L'ancien ministre occupait depuis le 2 janvier le poste de chef de la sécurité du District fédéral de Brasilia, mais était parti en vacances juste après.