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Le boom de la télésanté au Québec menace le système public, croit l’IRIS

L'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques appréhende un exode du personnel soignant vers le privé.

Un homme âgé consulte une médecin sur son ordinateur.

Le recours aux services de télésanté a explosé au Québec depuis le début de la pandémie.

Photo : iStock

Le développement fulgurant de l’industrie privée de la télésanté depuis le début de la pandémie au Québec risque d’affaiblir le réseau public de la santé en favorisant un exode du personnel soignant vers le privé, met en garde l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS).

Dans une étude publiée jeudi, l’IRIS soulève une série de préoccupations associées à l’expansion extrêmement rapide des fournisseurs privés de soins virtuels.

L’institut affirme qu’entre le premier trimestre de 2020 et le deuxième trimestre de 2022, les dépenses en rémunération de quatre des principaux acteurs de l’industrie de la télésanté au Québec et au Canada, soit Dialogue, MindBeacon, CloudMD et WELL Health, ont connu une croissance située entre 200 et 900 %.

Pénurie persistante

L’IRIS rappelle que l’émergence accélérée des soins privés de télésanté survient au moment où le réseau sociosanitaire public est confronté à des problèmes persistants de recrutement et de rétention de la main-d'œuvre.

Ces problèmes, allègue l’institut, expliquent en bonne partie les difficultés du système de santé québécois à répondre aux besoins de la population. L’IRIS voit mal comment le développement d’une offre de services privés de télésanté pourrait se faire autrement qu’au détriment des services offerts dans le réseau public.

Pour être en mesure d'offrir ce service-là, les entreprises doivent nécessairement recruter. [...] Ça veut dire des infirmières, des médecins, des travailleuses sociales qui sont recrutés par ces entreprises privées là et qui sont moins disponibles pour travailler dans le secteur public et donc pour offrir des services à l'ensemble de la population, explique en entrevue à Radio-Canada Anne Plourde, chercheuse à l’IRIS et auteure de l’étude.

Couverture récente

Mme Plourde rappelle que les soins de télésanté sont couverts par la Régie de l’assurance-maladie du Québec (RAMQ) depuis l’adoption, le 13 mars 2020, du décret d’urgence sanitaire visant à faire face à la pandémie de COVID-19.

Cette couverture, précise Anne Plourde, est une bonne nouvelle pour le maintien du système public étant donné qu’elle interdit aux médecins qui y participent d’être rémunérés par une entreprise ou un assureur privé pour dispenser des soins de télésanté.

La vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, durant une conférence de presse

Dans un rapport déposé en mars dernier à l’Assemblée nationale, la vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc (photo), affirmait que le système de consultation médicale à distance mis sur pied durant la pandémie n’avait pas eu l’efficacité attendue. (Archives)

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Or, selon la chercheuse, il existe une faille dans la Loi sur l’assurance-maladie (LAM) qui pourrait être exploitée par le privé pour recourir aux services des médecins participants au réseau public.

La LAM permet en effet aux employeurs de rémunérer un médecin pour des services offerts à ses employés sur leur lieu de travail, puisque de tels services ne sont pas couverts par la RAMQ.

C'est prévu pour des situations plutôt exceptionnelles, mais si on étend cette exception-là aux services de soins virtuels qui sont offerts par les employeurs à leurs employés, on va vraiment ouvrir une brèche importante et on va faire que des médecins pourraient être tentés d'aller travailler pour cette industrie-là, et donc, à offrir leurs services à une clientèle ciblée plutôt qu'à l'ensemble de la population du Québec par le biais des services publics, s’inquiète Anne Plourde.

Brèche à colmater

Elle invite le gouvernement Legault à colmater sans tarder cette brèche afin que l’exception permettant aux employeurs d’offrir des services médicaux à leurs employés ne s’applique pas aux soins virtuels.

[Il faut] s'assurer que les professionnels de la santé soient disponibles pour l'ensemble de la population dans le système public plutôt que d'être détournés, disons, de leur mission pour aller travailler dans le secteur privé pour une proportion de la population plus restreinte.

Une citation de Anne Plourde, chercheuse à l’IRIS

En plus de drainer les ressources du public vers le privé, l’IRIS appréhende un accroissement des inégalités dans l’accès aux services attribuable au développement de l’industrie privée de la télésanté.

 Anne Plourde dans les bureaux de l’IRIS à Montréal

Refermer la brèche dans la LAM ne suffira pas, prévient Anne Plourde, qui recommande une amélioration des services et des conditions de travail au sein du système public de santé. (Archives)

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Anne Plourde fait remarquer que ce ne sont pas tous les Québécois qui possèdent une protection dans le cadre d’un régime d’assurance collective.

Il y a une proportion importante de personnes qui n'ont pas accès à ces services-là et, évidemment, ce sont les personnes les plus vulnérables et avec les besoins les plus importants qui n'ont pas accès à ces services-là, avance-t-elle.

Qualité des soins compromise

L’IRIS redoute en outre que le recours de plus en plus fréquent à la télésanté entraîne une diminution de la qualité des soins en raison, notamment, du fait que les entreprises privées à but lucratif accordent la priorité à la maximisation des profits plutôt qu’à l’amélioration de la santé des patients.

De plus, en étant offerts de manière épisodique, ponctuelle et déconnectée des autres services de première ligne, les services de télésanté, poursuit Anne Plourde, posent des risques pour l’intégration et la continuité des soins.

Les médecins ou autres professionnel·le·s qui pratiquent au sein de ces entreprises le font généralement sans établir de relation continue avec les patient·e·s, sans avoir une bonne connaissance de leur dossier plus large et sans transmettre les informations pertinentes aux autres professionnel·le·s du réseau impliqué·e·s auprès de ces patient·e·s, écrit-elle dans son rapport.

Avec la collaboration de Colin Côté-Paulette et de Marie Maude Pontbriand

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