Poursuivie par le cardinal Marc Ouellet, « F » sort de l’anonymat
La plaignante qui allègue avoir été victime d’attouchements de la part de Marc Ouellet dit vouloir retrouver sa dignité. Le cardinal réitère qu’il n’a pas posé les gestes qui lui sont reprochés.

Paméla Groleau fait partie de la centaine de plaignants inscrits à l’action collective qui vise des membres du diocèse de Québec.
Photo : Radio-Canada / Sonia Desmarais
« Je ne suis plus F, je suis Paméla Groleau. »
C’est en ces mots que la femme qui a ébranlé le Vatican en août dernier avec des allégations d’inconduite sexuelle visant le cardinal Marc Ouellet, ex-archevêque de Québec et aujourd’hui un des proches conseillers du pape François, s’est adressée à la presse pour annoncer qu’elle renonce à l’anonymat.
Dans une déclaration lue en présence de son avocat, elle explique avoir préservé son identité jusqu’à aujourd’hui pour protéger ses proches, son emploi ainsi que sa santé mentale qui a été mise à rude épreuve par toutes les démarches
.
Mais elle a désormais le sentiment que son combat n’est plus seulement le sien, et que l’Église à laquelle elle appartient toujours doit mieux accueillir les personnes qui se disent victimes.
J’aimerais la voir affronter les abus plutôt que de les nier, l’entendre accueillir toute personne qui se dit victime avec des mécanismes neutres, impartiaux, indépendants, rigoureux et professionnels.

Paméla Groleau allègue avoir été victime d’attouchements de la part du cardinal Marc Ouellet.
Photo : Radio-Canada / Sonia Desmarais
Mme Groleau dit sortir de l’ombre pour retrouver [sa] dignité qui [lui] a été arrachée
, dans une démarche de guérison.
Paméla Groleau était stagiaire au sein du diocèse de Québec entre 2008 et 2010 au moment où les faits allégués se seraient produits, selon un document rendu public en août dernier dans le cadre d’une action collective visant le diocèse de Québec.
Elle allègue entre autres que le cardinal l’aurait serrée contre lui et lui aurait caressé le bas du dos lors d’événements publics, des gestes provoquant un important malaise chez la jeune femme qui avait 24 ans à l’époque.
Elle s’est tournée vers les mécanismes de dénonciation interne du diocèse de Québec en 2020, évoquant des gestes intrusifs et inappropriés. Sa lettre a été transmise au Vatican, comme le prévoient les règles.

Le cardinal Marc Ouellet
Photo : Getty Images / Franco Origlia
C’est seulement un an et demi plus tard, lorsque les allégations ont été rendues publiques dans le cadre du processus judiciaire, que le Vatican a finalement fait savoir qu' il n’y avait pas de preuves suffisantes pour déclencher une enquête canonique (Nouvelle fenêtre).
Paméla Groleau dit avoir trouvé l’ensemble du processus éprouvant. Je l’ai vécu comme une deuxième agression, ç’a été très perturbant, très souffrant, autant du côté du diocèse de Québec que du Vatican.
Elle dit avoir reçu des lettres anonymes d’intimidation et avoir craint pour son emploi d'agente de pastorale, qu’elle exerce dorénavant au sein d’un autre diocèse.
C’est ce qui l’aurait motivée à s’inscrire à l’action collective. Elle fait partie des 134 plaignants inscrits au recours, qui vise plus de 90 religieux et laïcs du diocèse de Québec.
Le cardinal Ouellet a répliqué aux allégations qu’il nie fermement par une poursuite en diffamation dans laquelle il réclame à Paméla Groleau 100 000 $ en dédommagement.
Selon l’avocat Alain Arsenault, ce serait la première fois qu’une personne inscrite à une action collective visant des membres du clergé se retrouve à être poursuivie personnellement en diffamation. On arrive à 2300, 2400 victimes, explique l’avocat qui fait référence aux membres inscrits à plus d’une vingtaine de recours actifs ou déjà réglés au Québec. C’est la première fois qu’il y a pareille action d’un prêtre.
S’il voulait contester les affirmations de madame, dans le cadre de l’action collective, il y a un processus qu’on appelle techniquement liquidation qui lui aurait permis de dire : "Voilà je suis contre, ce n’est pas ça qui est arrivé"
, ajoute Me Arsenault.
Réaction de Marc Ouellet
En fin d'après-midi vendredi 13 janvier, le cardinal Ouellet a fait savoir qu’il prenait acte de la décision de Mme Groleau de sortir de l’anonymat. Il maintient ne pas avoir posé les gestes qui lui sont reprochés, et n’avoir jamais eu de gestes ou comportements répréhensibles comme ceux reprochés à d’autres membres du clergé visés par l’Action collective. Nous sommes d’avis que cette association inappropriée, faite intentionnellement et à des fins impropres, est diffamatoire.
Paméla Groleau espère que sa démarche incitera le public, qu’il soit croyant ou non, à réclamer des changements afin que le Vatican et ses diocèses travaillent dans la transparence avec les victimes et leurs représentants
, ce qu’elle fait elle-même en choisissant de sortir de l’anonymat.
Avec la collaboration de Sonia Desmarais