Documents confidentiels : un procureur spécial nommé, Biden se défend
Pris en défaut, le président américain assure « coopérer pleinement » avec les autorités judiciaires.

Joe Biden est dans une situation embarrassante après la découverte de nouveaux documents confidentiels chez lui.
Photo : Associated Press / Andrew Harnik
L'affaire des documents confidentiels emportés par Joe Biden prenait de l'ampleur jeudi, avec la nomination d'un procureur spécial, tandis que le président américain assurait avoir agi « par inadvertance ».
Le secrétaire américain à la Justice, Merrick Garland, a nommé Robert Hur au poste de procureur spécial pour enquêter sur des dossiers découverts dans un bureau et une résidence de Joe Biden, une annonce destinée à étouffer tout soupçon de favoritisme.
Merrick Garland, qui avait déjà délégué les investigations concernant Donald Trump à un procureur indépendant, a choisi pour cette nouvelle mission un ancien procureur fédéral ayant traité jusqu'ici aussi bien de grande criminalité que d'affaires de corruption ou de fraude.
Sa nomination rappelle au public l'attachement du département à l'indépendance de la justice dans les affaires particulièrement sensibles, et son engagement à rendre des décisions uniquement guidées par les faits et la loi
, a déclaré M. Garland lors d'une brève allocution.
Quelques heures plus tôt, la Maison-Blanche avait fait savoir qu'un petit nombre de documents confidentiels
portant sur le travail de vice-président de Joe Biden (2009-2017) avaient été retrouvés dans sa résidence privée de Wilmington, dans le Delaware. Ils étaient stockés dans le garage et dans une pièce adjacente.
Joe Biden collabore avec la justice, insiste la Maison-Blanche
La Maison-Blanche martèle que l'actuel président démocrate collabore activement avec la justice contrairement à son prédécesseur, qui est lui soupçonné d'avoir dissimulé volontairement une partie de ses archives.
Nous essayons de faire ça dans les règles
, a dit et répété sa porte-parole, Karine Jean-Pierre, lors d'une réunion d’information particulièrement animée jeudi.
Un conseiller de la Maison-Blanche invité à la dernière minute à s'exprimer sur des sujets internationaux a ainsi été prié d'abréger par un journaliste, impatient comme toute la presse de passer à cette affaire toujours plus retentissante.
La porte-parole a assuré que Joe Biden œuvrait avec la plus grande transparence
, mais elle a botté en touche à de nombreuses reprises, au nom de l'indépendance de la justice.
Une enquête minutieuse montrera que ces documents ont été déplacés par inadvertance et que le président et ses avocats ont agi promptement lorsqu'ils ont découvert cette erreur
, a déclaré l'avocat de la présidence, Richard Sauber, dans un communiqué.
Lundi, l'exécutif américain avait déjà reconnu qu'une dizaine de documents de ce type avaient été découverts, en novembre, au Penn Biden Center, un cercle de réflexion de Washington où Joe Biden avait autrefois un bureau.
Les recherches sont finies
, a affirmé Karine Jean-Pierre.
Elle n'a pas expliqué pourquoi l'exécutif américain avait communiqué immédiatement sur les documents retrouvés à Wilmington, mais avait attendu deux mois, et la parution de révélations dans la presse, pour ceux trouvés au Penn Biden Center à Washington.
Corvette, garage et documents classifiés
Le président américain, interrogé directement jeudi, est apparu sur la défensive.
Des documents classifiés à côté de votre Corvette, mais qu'aviez-vous donc en tête?
lui a demandé, provocateur, un journaliste de la chaîne prisée des conservateurs Fox News.
Ma Corvette est dans un garage fermé
et pas dans la rue
, a rétorqué le démocrate à propos de sa voiture préférée, avant de se référer nerveusement aux éléments de langage contenus dans ses fiches.
Les documents confidentiels de Donald Trump
En quittant la Maison-Blanche en janvier 2021, Donald Trump avait emporté des boîtes entières de documents. Après avoir été prié de les restituer, il avait rendu une quinzaine de cartons en janvier 2022.
Après examen, la police fédérale avait estimé que l'ex-président républicain en conservait probablement d'autres dans sa luxueuse résidence de Mar-a-Lago en Floride. Une spectaculaire perquisition a eu lieu au mois d'août.
Une intense bataille judiciaire s'est alors ouverte pour déterminer la nature des documents saisis (classifiés? personnels? déclassifiés?), ce qui a ralenti la procédure. Mais Donald Trump reste sous la menace d'une inculpation fédérale.
Après sa déclaration de candidature à la présidentielle de 2024, Merrick Garland avait confié à un procureur spécial, Jack Smith, le soin de superviser cette enquête ainsi que les investigations concernant le rôle de Donald Trump dans l'assaut contre le Capitole, le 6 janvier 2021.
Des agents du FBI y ont mené le 8 août une perquisition spectaculaire sur la base d'un mandat pour rétention de documents classifiés
et entrave à une enquête fédérale
, et ont saisi une trentaine d'autres boîtes.
Deux poids, deux mesures, s'indigne l'opposition républicaine
Le secrétaire à la Justice a agi vite pour tuer dans l'œuf les accusations de justice à deux vitesses proférées par l'opposition.
L'administration Biden traite le président Trump d'une façon et le président Biden d'une autre
, avait ainsi lancé jeudi midi le président républicain de la Chambre des représentants Kevin McCarthy, en demandant une enquête du Congrès
sur le président.
Le fait que le secrétaire à la Justice nomme aussi un procureur spécial pour enquêter sur les archives de Joe Biden n'a pas calmé l'opposition républicaine.
Avec ou sans procureur spécial
, la Chambre des représentants, qui vient de passer sous le contrôle des conservateurs, enquêtera sur le traitement inapproprié de documents classifiés par le président Biden et sur les efforts du "marigot" pour cacher cette information
, a promis dans un communiqué James Comer.
Ce républicain, qui préside une puissante commission d'enquête de la Chambre des représentants, reprend un terme cher à Donald Trump. L'ancien président décrivait comme un marigot
(swamp
) les élites démocrates de Washington.
Cependant, l'affaire est incontestablement embarrassante pour les démocrates, en dépit des nombreuses différences avec le cas de Donald Trump, au moment où Joe Biden envisage de se lancer dans une nouvelle course à la présidentielle.