Une députée libérale demande à Justin Trudeau d’interdire le glyphosate
Jenica Atwin a déposé un projet de loi et une pétition à Ottawa pour convaincre son propre parti au pouvoir.

La députée fédérale de Fredericton, Jenica Atwin, était au Parti vert jusqu'en juin 2021, avant de se joindre au parti de Justin Trudeau.
Photo : Radio-Canada / Guy LeBlanc
Même si le gouvernement Trudeau a autorisé à nouveau l'herbicide glyphosate jusqu'en 2031, la députée libérale Jenica Atwin demande aux membres de son caucus de faire marche arrière. En entrevue à Radio-Canada, elle affirme être soutenue par des collègues au pouvoir.
Je suis préoccupée par cet enjeu depuis cinq ans
, explique la députée de Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Auparavant élue du Parti vert, Jenica Atwin s'est jointe aux libéraux de Justin Trudeau en juin 2021.
Elle a déposé une pétition (Nouvelle fenêtre) à la Chambre des communes qui accepte des signatures jusqu'à vendredi soir. Le texte exhorte le ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos, à interdire la vente et l’utilisation du glyphosate pour protéger la santé humaine et l’environnement
.
La députée a aussi déposé un projet de loi privé (Nouvelle fenêtre) qui propose de révoquer l'homologation des produits contenant du glyphosate et interdire de fabriquer, de posséder, de manipuler, de stocker, de transporter, d’importer, de distribuer ou d’utiliser du glyphosate en tant que produit antiparasitaire
.
Jenica Atwin a très peu d’espoir que son projet de loi avance durant la présente session parlementaire, car il est dans le bas de la pile du caucus libéral. Elle ne perd pas espoir pour autant : Je veux que la conversation continue.
J’ai eu de multiples séances d’information avec Santé Canada et de nombreuses conversations avec le ministre Duclos au sujet de mes préoccupations. Et, vraiment, mes collègues m’ont beaucoup soutenue et encouragée. Je ne m’attendais pas à ça.
L'élue libérale constate chez ses collègues de l’ouverture pour s'inspirer du Québec et interdire l’épandage de glyphosate sur les forêts, comme on le voit beaucoup au Nouveau-Brunswick. Mais la députée remarque aussi beaucoup de réticence pour ce qui est de le bannir en agriculture. C’est une bataille difficile
, dit-elle.
Ce qui est clair pour moi, c'est que la plupart des gens ne sont pas conscients des nombreux usages et impacts du glyphosate. Alors ça, c'est mon travail
, indique la députée.
L'herbicide le plus controversé
Le glyphosate est l'herbicide le plus vendu au Canada. Son succès commercial repose sur son faible coût et sur sa bonne efficacité pour détruire les plantes indésirables.
En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé a classé le glyphosate comme probablement cancérogène pour les humains
.
L'Union européenne ne l'a autorisé que jusqu'à la fin de l'année 2023 (Nouvelle fenêtre) et son homologation devra être réévaluée. Le Mexique, où était Justin Trudeau dans les derniers jours, a décidé de bannir le glyphosate à partir de 2024 (Nouvelle fenêtre). La Ville de Montréal a aussi interdit sa vente et son usage l'an dernier.
Ottawa est régulièrement critiqué pour sa tolérance envers l’industrie des pesticides et des herbicides. Juste avant le déclenchement de la campagne électorale, en 2021, le gouvernement Trudeau avait été contraint de reculer face à la pression populaire, alors que Santé Canada proposait d’augmenter les quantités de résidus de glyphosate permis dans les légumineuses.
La pression des médias a permis de révéler que c'est Bayer, multinationale qui fabrique et commercialise le glyphosate, qui avait demandé au fédéral de faire ce changement.
La députée critique la façon de prendre des décisions de Santé Canada
Actuellement, la vaste majorité des études sur lesquelles s'appuie le gouvernement pour prendre ses décisions sont produites par les fabricants d'herbicides eux-mêmes.
Je ne suis pas d’accord avec ce système
, déclare Jenica Atwin. Je veux qu’il y ait d’autres recherches
, pas seulement celles émanant des compagnies.
Notre santé et notre sécurité devraient être prioritaires et ça inclut les habitats et les écosystèmes.
Au cabinet du ministre de la Santé, on affirme que les pesticides utilisés au Canada [sont] sécuritaires pour la santé humaine, la faune et l'environnement
.
Le ministre Duclos est fermement engagé à remplir son mandat visant à moderniser et renforcer la Loi sur les produits antiparasitaires
, assure son équipe. Ainsi, il entretient des liens étroits avec la députée Atwin dans le cadre de son travail acharné visant à protéger les Canadiens contre les risques associés à l'utilisation des pesticides.
À la suite des critiques formulées en 2021, Ottawa a promis de s'adjoindre des scientifiques indépendants dans son processus d'évaluation. Le gouvernement a aussi annoncé un investissement de 50 millions de dollars pour améliorer la disponibilité de données indépendantes
venant d'universités, d'ONG et des gouvernements.
La Fondation David Suzuki salue l'initiative de la députée
J'espère que la pétition de la députée Jenica Atwin incitera le gouvernement à agir
, réagit Lisa Gue, la responsable des politiques nationales à la Fondation David Suzuki.
Elle rappelle que, le mois dernier, à la COP15 à Montréal, le Canada s'est engagé à réduire les risques liés aux pesticides de moitié d'ici à 2030 afin de protéger la biodiversité. Il est fondamental d'élaborer un plan complet pour réduire l'utilisation globale des pesticides au Canada, y compris le glyphosate
, dit Lisa Gue.