Le rythme des fermetures de restaurants s’accélère, selon une association de l’industrie
En Ontario, 1526 restaurants ont ouvert en 2022, mais 3246 ont fermé leurs portes.

Le Old York Grill est l'un des nombreux restaurants à avoir fermé ses portes dans les derniers mois à Toronto.
Photo : Radio-Canada / Mehrdad Nazarahari
Des mois après la fin des confinements, des restaurateurs canadiens disent que leur situation s'aggrave au lieu de s’améliorer. L’inflation alimentaire qui persiste et les dettes contractées pendant la pandémie forcent un nombre plus élevé que jamais de propriétaires à mettre la clé sous la porte, selon des associations de l’industrie.
Un vieux menu et quelques casseroles : c’est tout ce qu’Ikeila Wright a gardé de son restaurant, le One Love Vegetarian.
Après 13 ans de service, les clients étaient toujours au rendez-vous à l’établissement de la rue Bathurst à Toronto, affirme-t-elle, mais pas les profits.
Le loyer a bondi. Le prix des aliments augmentait de jour en jour.
Cette hausse au moment où on sortait de [la pandémie] c’était trop. On ne pouvait simplement pas s’y adapter,
raconte-t-elle.
Le 30 juin, Mme Wright a fermé son restaurant pour de bon.
« C’était dur de prendre cette décision; juste après avoir traversé l’orage de la COVID avec notre communauté, leur dire "adieu, nous n’avons pas survécu". »
Elle est loin d’être une exception.
Des fermetures qui se multiplient
Selon le dernier rapport de Restaurants Canada, le nombre de fermetures de restaurants a considérablement excédé les ouvertures dans presque tout le pays entre avril 2021 et juillet 2022.
En Ontario, c’était plus du double. L’Association des restaurants, hôtels et motels de l’Ontario (ORMHA) a perdu 15 % de ses membres dans la dernière année.
Son président, Tony Elenis, croit que le rythme des fermetures s’accélère.
« Nous voyons plus de fermetures en décembre et janvier que jamais auparavant. »
Il explique qu’en pleine pandémie, les restaurateurs avaient de l’espoir, pouvaient voir le bout du tunnel
et avaient accès à de l’aide financière.
Maintenant, les subventions sont épuisées, les prêts contractés doivent être remboursés et l’inflation alimentaire, qui persiste encore à plus de 11 %, vient clouer le cercueil de plusieurs établissements.
En 30 ans de carrière dans l’industrie, M. Elenis n’a jamais été aussi inquiet.
Nous avons vu des récessions, des hauts et des bas. Mais rien comme ce qui se passe en ce moment. C’est sans précédent
, affirme-t-il.
Une année difficile à l'horizon
Le directeur du laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie, Sylvain Charlebois, s’attend à ce que l’inflation alimentaire, particulièrement dans la vente en gros, reste élevée pendant la première moitié de 2023.
La deuxième moitié, ça devrait être plus facile, mais on s’attend à un ralentissement économique, donc malheureusement ce ne sera pas une année facile pour plusieurs raisons
, dit-il.
Il explique que les établissements familiaux et indépendants, qui n’ont ni les coffres bien garnis des chaînes de restauration rapide ni les clients d’affaires des restaurants de luxe, risquent d’être les premiers à mordre la poussière.
À lire et à écouter :
Les entreprises familiales ne sont pas à risque de commencer à disparaître, elles sont en train de disparaître
, regrette aussi Ikeila Wright.
Elle travaille présentement à la rédaction d’un livre de cuisine et s’est convertie en chef privée pour réduire ses coûts de fonctionnement, mais là encore, l’inflation menace sa marge de profit.
Tu appelles tes fournisseurs, et quand ils te donnent un prix, tu demandes "Allo? Êtes-vous sérieux?!", et ils le sont
, confie-t-elle, citant en exemple des fourchettes qu’elle achetait à moins de 2 $ et qui coûtent maintenant 8 $ chacune.
Elle invite le gouvernement fédéral à chercher activement des solutions.
Tony Elenis croit que l’industrie a besoin de toute l’aide qu’elle peut avoir. Il suggère notamment d’instaurer un plafond aux commissions que les plateformes de livraison telles que Skip the Dishes ou Uber Eats peuvent exiger des restaurateurs.
Il réclame aussi l’annulation du récent partenariat entre la Régie des alcools de l’Ontario (LCBO) et Uber Eats, qui permet maintenant la livraison d’alcool directement du magasin au domicile.
On ne peut pas concurrencer les prix de LCBO
, explique-t-il.
M. Elenis souligne par ailleurs que toute aide pour la formation de la main-d'œuvre serait bienvenue.