La famille d’un employé d’une mine de Suncor mort en 2021 demande des comptes
Le 13 janvier 2021, Patrick Poitras, opérateur de machinerie lourde, âgé de 25 ans, conduisait un bulldozer sur un bassin gelé lorsque son véhicule a brisé la glace et a sombré dans l'eau.
Photo : Avec la gracieuseté de Joey St-Amand
La famille d'un employé d'une mine de Suncor originaire du Nouveau-Brunswick, mort en Alberta en 2021 après que son bulldozer fut passé à travers une glace trop fine sur un site de sables bitumineux, demande des comptes, maintenant que des accusations ont été déposées.
Selon la famille, ces accusations montrent d'importantes lacunes en matière de sécurité à l'usine de base de Suncor, près de Fort McMurray.
28 accusations
Suncor fait face à 19 accusations en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité au travail, et la compagnie qui avait engagé Patrick Poitras, Christina River Construction, fait face à 9 accusations.
Selon les accusations portées en novembre, les gestionnaires ont ignoré une série de protocoles de sécurité en demandant à Patrick Poitras de travailler sur la glace cette journée-là.
Les accusations affirment qu'il n'y a pas eu d'examens appropriés de la glace. Par ailleurs, des mesures antérieures qui montraient que la glace était trop fragile pour supporter le poids du bulldozer John Deere que Patrick Poitras conduisait, auraient été ignorées.
Il est également allégué qu’il n'y avait pas plan de sécurité en place pour s'assurer que Patrick Poitras avait un dispositif de flottaison et qu’il garderait sa porte déverrouillée ainsi que sa ceinture de sécurité détachée lorsqu’il travaillerait sur de la glace.
Suncor est accusée d'avoir sous-estimé le poids du bulldozer et de ne pas avoir tenu compte du poids de la neige dans le calcul. Elle est aussi accusée d’avoir ignoré ses propres directives en matière de géologie hivernale demandant de reporter les travaux partout où il y avait plus de 1 mètre d’eau stagnante.
Aucune des compagnies n’a offert de commentaires.
Par ailleurs, aucune des accusations n’a été prouvée en cour. Les plaidoiries devraient être entendues au printemps à la cour provinciale de Fort McMurray.
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Pas de surprise
Selon l’oncle de la victime, Joey St-Amand, la soirée où la famille a été informée de l’accident, il a posé des questions sur les circonstances et les réponses qu’il a reçues étaient de nature défensive
et n’avaient pas de sens.
Je n'ai pas eu de surprise du tout en lisant le rapport parce que cela a été une grave négligence du côté de la sécurité
, affirme-t-il.
« Sur un chantier, il y a des choses qui peuvent être faites pour minimiser les dangers [...] Il y a des responsabilités qui n'ont pas été prises en charge cette journée-là et ça, ça vient me chercher. »
Quelqu'un n'a pas fait son travail, et j'ai perdu mon fils à cause de ça
, déplore Marcel Poitras, le père de Patrick Poitras.
Selon lui, la mort de son fils aurait pu être évitée.
Ce n’est pas la première fois que cela arrive
, dit-il. Avec les [outils de] sécurité que nous avons aujourd’hui, cela ne devrait pas arriver.
Lorsque la mère de Patrick Poitras, Cathina Daniel Cormier, a appris les détails de la mort de son fils, sa blessure est redevenue vive. Quand j’ai lu les accusations, j’étais en colère
, confie-t-elle. Je m’étais dit que c’était juste un mauvais accident.
« La question que je ne cesse de me poser est : qui l’a envoyé là? Qui a envoyé mon fils faire ce travail? [...] Je ne peux pas laisser mon fils partir en paix à cause de cela. »
Patrick avait soulevé des inquiétudes
Selon la famille Poitras, Patrick avait mentionné des inquiétudes par rapport à la sécurité sur son lieu de travail et confié qu’il avait peur de travailler sur la glace, la veille de l’incident.
« Je lui ai dit : ‘’Si tu trouves que c'est dangereux, arrête, parce que j'ai besoin de toi plus que tu ne le crois. Je ne veux pas te perdre.’’ »
Ce à quoi Patrick Poitras a répondu : Papa, je suis ici pour travailler. Et ils m’ont dit que c’était OK
, raconte le père.
Mieux protéger les employés
La famille souhaite que cet événement tragique serve de leçon et que les autres travailleurs des sables bitumineux soient mieux protégés.
Oui, il est bouleversant que cela soit arrivé à Patrick
, dit Joey St-Amand. Mais si ça n’avait pas été Patrick, ça aurait été quelqu'un d'autre.
Treize travailleurs sont morts dans des exploitations de sables bitumineux de Suncor en Alberta depuis 2014.
L’ancien pdg de Suncor, Mark Little, avait affirmé que l’entreprise devait améliorer la sécurité de ses sites d'exploitation pour protéger ses employés et avait présenté un plan pour améliorer la sécurité de ses opérations. Cependant, Mark Little a démissionné en juillet 2022 après la mort d’un deuxième travailleur durant la même année.
Avec les informations de Wallis Snowdon