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Qui est ce civil qui gravite autour du nouveau chef du SPVM?

Cyrille Sardais a accès à des rencontres restreintes de l'état-major de la police de Montréal.

Photo officielle de Cyrille Sardais.

Cyrille Sardais, professeur titulaire et directeur du Centre Pierre-Péladeau en leadership et management à HEC Montréal, est proche du nouveau directeur du SPVM, Fady Dagher.

Photo : Site internet de HEC Montréal

Depuis l'entrée en poste du nouveau directeur du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), Fady Dagher, un civil est constamment à ses côtés, non seulement au 9e étage du quartier général, celui réservé à l'état-major, mais aussi lors de déplacements dans l'organisation policière.

De fait, Cyrille Sardais est professeur titulaire et directeur du Centre Pierre-Péladeau en leadership et management à HEC Montréal.

Beaucoup de hauts gradés de la police de Montréal se demandent depuis un mois pourquoi ce civil peut participer aux réunions restreintes de l'état-major sans même avoir subi l'enquête de sécurité obligatoire pour toute personne qui veut faire affaire avec la police de Montréal.

Le SPVM est de niveau de service 5, selon le ministère de la Sécurité publique, soit le plus élevé après la Sûreté du Québec. La majorité des informations échangées à l'intérieur de l'organisation sont jugées sensibles et confidentielles quant à l'intérêt public.

L'enquête de sécurité est tellement sévère que même Vidéotron doit fournir une liste restreinte de techniciens ayant le droit de dévisser le câble d'une télé dans la cafétéria. Faut-il s'étonner de voir un inconnu avoir accès à des rencontres de l'état-major? Le concierge qui vient vider les poubelles a été enquêté, dénoncent certains policiers qui se sont exprimés à Radio-Canada.

Selon ces mêmes témoignages, les accès accordés à Cyrille Sardais sont sans aucun doute un privilège pour un civil qui n'a aucun lien officiel avec la Ville et son service de police. La majorité des policiers dans les rangs du SPVM ne seraient pas admis dans ces rencontres de la haute direction.

Fady Dagher et Cyrille Sardais devant une longue table.

Le directeur du SPVM, Fady Dagher, était déjà accompagné de Cyrille Sardais lors de sa présentation devant les membres de la Commission de la sécurité publique de Montréal, le 24 novembre dernier.

Photo : Radio-Canada / Photo: Pascal Robidas

Joint au téléphone, l'inspecteur David Shane, maintenant responsable des communications du SPVM, tient à rappeler que le nouveau directeur est arrivé en poste à trois jours du départ pour la pause des Fêtes. Cyrille Sardais a été accueilli de façon atypique, reconnaît-il.

N'empêche que, selon nos informations, le directeur Dagher a sacrifié une partie de son congé des Fêtes pour y tenir des rencontres de cadres. M. Sardais était également à ses côtés sans vérification à son égard.

M. Dagher est conscient de la responsabilité de son nouveau mandat. Il souhaitait être accompagné d'une personne en qui il avait confiance rapidement. Aurait-on pu attendre les conclusions de l'enquête de sécurité avant d'accueillir M. Sardais? Probablement. Vous avez raison, reconnaît en entrevue téléphonique l'inspecteur David Shane, le nouveau responsable des communications au SPVM.

La présence de cet universitaire n'engage en rien le nouveau directeur, assure l'inspecteur Shane.

C'est HEC Montréal qui verse le salaire à M. Sardais. C'est un échange de service qui n'implique ni la Ville ni le SPVM. Il est au SPVM à titre d'observateur, tient à dire le haut gradé.

Or, selon des propos recueillis de policiers, Cyrille Sardais est tout sauf un simple observateur lors de rencontres de l'état-major du SPVM. Il y participerait activement, en donnant ses opinions.

« M. Sardais n'a accès à aucune information sensible, comme des renseignements opérationnels. Il a été invité à quitter la salle lors de la dernière rencontre du comité de direction. Oui, il peut donner son opinion dans nos rencontres, par exemple pour régler la pénurie de main-d'œuvre dans le domaine policier. Mais il n'a aucune autorité au SPVM. »

— Une citation de  David Shane, inspecteur et nouveau responsable des communications
L'homme est coiffé d'un képi bleu marine, ceint de motifs dorés.

L'inspecteur David Shane est le nouveau responsable des communications à la police de Montréal.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Hasard ou non, selon nos informations, la demande d'enquête en vue de fournir une accréditation de sécurité à Cyrille Sardais aurait été demandée le 9 janvier, le jour même où Radio-Canada a contacté le SPVM pour en apprendre davantage sur ce dernier, dont les privilèges surprennent.

L'enquête de sécurité imposée par la police

Frédéric Boisrond, sociologue de formation et chargé de cours à l'Université McGill, peut témoigner des critères très stricts auxquels il a dû se conformer avant d'occuper un rôle de conseiller auprès de l'ancien directeur Sylvain Caron, de juillet 2020 à juillet 2022.

À l'instar de Cyrille Sardais, son mandat lui permettait d'avoir accès aux rencontres de l'état-major du SPVM. Le directeur Caron sollicitait ses opinions sur la modernisation de l'organisation policière afin de la rendre plus ouverte et inclusive.

Mais avant même qu'il ne mette le pied dans l'entrée principale du quartier général, il dit avoir dû se soumettre à une enquête de sécurité rigoureuse.

C'est très sérieux comme enquête. On a enquêté [sur] mes enfants adultes. On est entré en contact avec mon ancienne épouse. On a enquêté [sur] ma conjointe actuelle. On a fait la même chose avec mes frères et sœurs, ainsi que mes amis personnels, se rappelle très bien le sociologue.

« La règle était bien claire. Si le moindre risque réputationnel pour le SPVM ressortait de mon enquête de sécurité, en tant que civil, je ne pouvais pas intégrer l'organisation. »

— Une citation de  Frédéric Boisrond, sociologue qui a conseillé l'ancien directeur Sylvain Caron
L'homme porte un casque et se tient devant un micro de radio.

Le sociologue Frédéric Boisrond a été conseiller indépendant pour l'ancien directeur Sylvain Caron sur les questions de discriminations raciales et profilage.

Photo : Radio-Canada / Olivier Lalande

Questionné sur la présence de M. Sardais aux côtés de M. Dagher, Frédéric Boisrond reconnaît qu'il est légitime pour les hauts gradés du quartier général de s'interroger sur sa présence dans des réunions privées.

La véritable question est d'abord de savoir s'il est possible de faire du bénévolat au SPVM. Si c'est oui, même si le bénévole n'est pas rémunéré, il occupe quand même une fonction, affirme M. Boisrond.

« Il est tout à fait légitime de se demander pourquoi une personne, même si elle donne de son temps personnel, peut avoir accès à des rencontres de l'état-major sans enquête de sécurité. »

— Une citation de  Frédéric Boisrond, sociologue qui a conseillé l'ancien directeur Sylvain Caron

Un autre exemple avancé par des policiers pour rappeler l'importance de l'enquête de sécurité est l'embauche d'un civil qui devait, en 2017, occuper le poste de directeur des communications au SPVM.

Même s'il était passé par le processus de recrutement de la Division des ressources humaines de la Ville de Montréal, l'enquête de réputation a soulevé des enjeux qui ont forcé le SPVM à déchirer le contrat à la dernière minute, qu'il devait signer.

Une présence pour les 100 prochains jours

L'inspecteur David Shane confirme que le directeur Fady Dagher et Cyrille Sardais se connaissent depuis 12 ans.

Avec sa présence, notre directeur obtient un regard extérieur et des conseils dans ses nouvelles fonctions. Et en retour, M. Sardais enrichit sa pratique pour son enseignement et ses recherches universitaires. Il est ici pour observer le fonctionnement de l'organisation, ajoute le haut gradé.

M. Sardais aurait donc un mandat à l'amiable pour accompagner le directeur lors de ses 100 premier jours en poste, ajoute le haut gradé du SPVM.

Dans le milieu du management, on appelle ça du shadowing, c'est-à-dire une forme d'accompagnement dans l'ombre d'un gestionnaire. Pour accompagner M. Dagher, M. Sardais n'a pas de bureau, pas de téléphone fourni par la police ou encore d'ordinateur, précise l'inspecteur Shane.

Selon nos propres vérifications, les deux hommes ont travaillé ensemble durant presque quatre ans, à l'époque où Fady Dagher dirigeait le Service de police de l'agglomération de Longueuil (SPAL).

Nos informations nous ont aussi permis d'apprendre que non seulement Cyrille Sardais siégeait à un comité consultatif pour M. Dagher au SPAL, mais qu'il était également impliqué dans la préparation de ses allocutions publiques.

Cyrille Sardais est un expert en leadership et management et M. Dagher possède des compétences en opération et gestion policières. Ils se complètent avec des champs de compétences différents, explique l'inspecteur Shane.

« Ce n'est pas une relation de coaching, parce que ça placerait notre directeur en situation d'infériorité. Il s'agit ici d'une volonté de notre directeur de se faire challenger dans ses décisions avec un regard indépendant. »

— Une citation de  David Shane, inspecteur et nouveau responsable des communications au SPVM

Et si la présence de M. Sardais au SPVM devait se prolonger sur plusieurs années, comme ce fut le cas à Longueuil? Il y aura à ce moment-là les modalités d'un contrat avec la Ville de Montréal, assure l'inspecteur.

Or, après vérifications à Longueuil, Cyrille Sardais est administrativement un fantôme dans les registres de la Ville. Il n'existe aucun contrat ni document portant son nom.

Mélanie Coutu, responsable de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics, était incapable de nous dire qui était cet universitaire qui a pourtant passé plusieurs années dans l'entourage du directeur de police, à titre de conseiller personnel.

Approuvé par HEC Montréal

HEC Montréal dit approuver la présence de son professeur titulaire pendant autant de temps, à ses frais, dans différents corps policiers.

Et ce, même pour une période de 100 jours ou plus à l'extérieur de son institution.

Les membres du corps professoral de HEC Montréal sont encouragés à entretenir des liens avec des organisations de divers horizons afin d’ancrer leurs réflexions dans la réalité organisationnelle et, le cas échéant, de partager leurs savoirs avec leurs dirigeantes et dirigeants, affirme Émilie Novales, conseillère principale en communications à HEC Montréal.

« M. Cyrille Sardais occupe des fonctions de professeur titulaire au Département de management, HEC Montréal, et de directeur du Centre Pierre-Péladeau — Leadership et Management, HEC Montréal. Il est spécialisé en leadership appliqué aux organisations et aux dirigeants avec un intérêt de recherche pour le leadership authentique. C’est à ces titres qu’il réalise actuellement une période d’observation des pratiques de leadership auprès de Fady Dagher, directeur du SPVM. »

— Une citation de  Émilie Novales, conseillère principale en communication à HEC Montréal

Un appel à plus de vigilance

L'ancien directeur général adjoint de la Sûreté du Québec (SQ) Marcel Savard rappelle que la mission de la police est d'assurer la sécurité de la population. Les renseignements qui s'échangent à huis clos peuvent rester sensibles, même s'ils semblent banals.

J'ai vécu une situation quand j'étais directeur général adjoint à la SQ où un civil était parmi nous, dans nos réunions. J'ai toujours pensé qu'il fallait répondre à deux questions pour justifier la présence d'un conseiller indépendant : a-t-il besoin de savoir des renseignements, ou encore a-t-il le droit de les savoir?, confie M. Savard.

Il est donc d'avis que la règle de l'enquête de sécurité ne doit pas être contournée, même si le chef a une confiance inébranlable envers une personne.

Nul ne peut prédire ce que les policiers des renseignements criminels peuvent soulever comme enjeux réputationnels au terme de leur enquête, mentionne l'ancien dirigeant de la SQ.

Le travail des policiers est régi par énormément de clauses de confidentialité prévues par la loi, rappelle l'ancien directeur général adjoint. Il est donc normal que des hauts gradés au SPVM se posent des questions non seulement sur la présence d'un nouveau civil, mais aussi sur ses privilèges.

Un homme aux cheveux gris et portant des lunettes est assis à une table et discute avec une autre personne.

Marcel Savard, ex-directeur général adjoint de la Sûreté du Québec

Photo : Radio-Canada

Nous avons tenté d'entrer en contact avec Cyrille Sardais pour aborder son mandat au SPVM. Au moment d'écrire ces lignes, nous n'avions pas obtenu de réponse à nos deux demandes d'entrevue.

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