La bibliothèque de Sainte-Anne ou l’art de tisser des liens avec des livres
Les habitants de cette communauté ont trouvé un lieu de rassemblement dans leur bibliothèque.

Le premier club de lecture en français s'est réuni à la bibliothèque de Sainte-Anne.
Photo : Radio-Canada / Mathilde Gautier
Lieu de diffusion de la culture, la bibliothèque de Sainte-Anne est aussi un lieu de vie pour les habitants de ce village de 2891 habitants situé à 42 km au sud-est de Winnipeg.
La bibliothèque de Sainte-Anne est née sous l'impulsion de Denise Fortin, bibliothécaire à l'École Pointes-des-Chênes, et d'Annette Charrière, enseignante en maternelle à Sainte-Anne. En 1990, elles ouvrent un premier espace dédié aux livres dans le couvent des Soeurs Grises qui se situait au niveau de l'actuelle Villa Youville.
Denise Fortin meurt en 1993 et la maison de ses parents est achetée en 1994 pour y installer la bibliothèque de Sainte-Anne. Clément Charrière, le mari d’Annette, y réalisera de nombreux travaux pour transformer le lieu.
Les francophones et les anglophones ont aujourd’hui l’habitude de s’y rendre pour y emprunter des livres et pour s’y rencontrer.
Les gens passent ici, qu’ils viennent prendre un livre ou non. Cela peut être juste pour dire bonjour et échanger quelques mots
, rapporte la responsable de la bibliothèque, Bridget Crevier.
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Le livre comme lien social
Au-delà de son rôle classique de diffusion de la culture, la bibliothèque fédère la communauté à Sainte-Anne.
Centre névralgique de la ville, la bibliothèque fonctionne ainsi comme ce qu’on pourrait appeler un tiers lieu, c’est-à-dire un lieu dédié au lien social dans un village, qui n’est ni la maison ni le lieu de travail ou d'études.
Des cours de yoga y sont donnés trois matinées par semaine.
Les cours de yoga avaient lieu dans le parc derrière l’église et le groupe cherchait un endroit pour continuer durant l’hiver. Le premier cours à la bibliothèque a été donné avant Noël
, précise Bridget Crevier.
Les participants y voient plusieurs avantages. Je trouve que c’est très relaxant de faire du yoga dans une bibliothèque. C’est aussi le moment où je regarde les titres des livres et cela me détend
, rapporte une des participantes, Isabelle Aubin.
Pour les plus âgés qui ne peuvent pas se déplacer, une bénévole passe emprunter des livres toutes les deux semaines pour les apporter aux aînés de la Villa Youville.
Pat Kruchak propose ce service depuis sept ans. Quand je travaille avec les aînés, ça me fait chaud au cœur, cela me donne beaucoup de satisfaction. J’aime les petites communautés, car on rencontre les mêmes personnes et cela permet de créer du lien
, confie la bénévole.
Ce service est nécessaire pour les aînés qui ne peuvent parfois plus sortir. Ce n’est pas nécessaire pour elles de sortir. Les trottoirs peuvent être glissants pour elles
, explique Pat Kruchak.
Elizabeth Fillion, résidente de la Villa Youville, bénéficie avec bonheur de ce service.
« C’est aussi important pour moi que de respirer. J’en ai besoin pour chasser l’ennui. Quand je lis, je suis dans un autre monde et je suis bien. »
Pour les plus jeunes, la bibliothèque est un moyen de socialiser et de se procurer des ressources en français.
Des activités culturelles en français
Le samedi matin, la bibliothèque offre L’heure du conte
, une heure de lecture en français pour les parents et les enfants animée par la bibliothécaire Chloé Champagne.
Les parents ont de l’intérêt pour cet événement. Cela donne la chance de sortir de la maison pour rencontrer d’autres parents. Pour les jeunes, cela leur permet de développer leur intérêt pour les livres
, explique Bridget Crevier.
Un club de lecture en français vient aussi d’être lancé en partenariat avec le Comité culturel de Sainte-Anne.
L’objectif est notamment de donner envie de lire en français.
Je voulais faire entrer plus de monde dans la bibliothèque et nous avons donc fait un partenariat avec le Comité culturel de Sainte-Anne pour offrir un club de lecture en français
, rapporte Bridget Crevier.
Afin d’être le plus inclusif possible, le club de lecture n’impose pas un livre à lire en particulier.
Le but est de se rencontrer, de discuter d’un livre qu’on a lu, on parle de ce qui nous intéresse, on peut se faire des suggestions
, précise la directrice générale du Comité culturel, Diane Connelly.
Des livres pour tout le monde
Selon des données de la province du Manitoba, 28,7 % du fonds de la bibliothèque de Sainte-Anne est en français, mais l’objectif de Brigitte Crevier est d'atteindre 50 %.
Pour elle, cet équilibre est important d’autant plus qu’elle est une anglophone mariée avec un francophone et que ses enfants sont bilingues.
« C’est un village francophone, mais c’est une municipalité bilingue. Tout le monde se mélange ici. »
Bridget Crevier a aussi entrepris de renouveler le fonds de documentaires en français.
Elle explique avoir remarqué que, depuis plusieurs années, la bibliothèque n'avait plus acheté de livres en français qui ne sont pas de la fiction. On a des clients qui sont vraiment contents d’avoir des nouveautés en français
, se réjouit-elle.
À cela s’ajoute un programme de prêt interne entre les bibliothèques du Manitoba.
Ce système permet notamment d’avoir accès aux fonds de toutes les bibliothèques, dont celle du Millenium à Winnipeg. Les livres transitent par Poste Canada sans frais pour les usagers.
Si un client cherche un livre en particulier et que je ne l’ai pas, je peux le faire venir d’une autre communauté au Manitoba
, explique la responsable de la bibliothèque de Sainte-Anne.
« C’est une bonne chose pour les bibliothèques rurales, car cela nous donne accès à toutes les collections de livres dans la province. J’ai déjà fait entrer des livres de Dauphin ou encore de Brandon. »
Les livres électroniques attirent également un lectorat francophone qui lit sur les tablettes.
L’application offerte avec l’abonnement aux bibliothèques du Manitoba propose environ 3000 références en français.
L’intérêt de cette application réside dans les livres audio pour les personnes en situation de handicap. Un de mes clients est un gros lecteur, mais il est devenu aveugle. J’ai pu l’aider à accéder aux livres audio
, confie Bridget Crevier.
Des achats locaux pour encore plus de livres
Bridget Crevier a entrepris d’acheter les livres localement. Elle passe ses commandes auprès des librairies winnipégoises McNally et À la page.
On n’a pas de librairie à Sainte-Anne, mais je fais travailler les librairies de Winnipeg. C’est gagnant pour tout le monde, puisque c’est un soutien pour les librairies locales et on a un rabais de 25 % en tant qu’éducateur de la province
, rapporte Bridget Crevier.
Le conseil d'administration de la bibliothèque l’a également autorisée à acheter des livres de Scholastic dans les foires du livre organisées par les trois écoles de Sainte-Anne.
Sur un budget annuel d’achat de livres de 10 000 $, elle a dépensé près de 1500 $ dans les écoles.
Cela nous coûte moins cher, car on ne paie pas les taxes sur les ventes de livres dans les écoles et cela donne de l’argent aux écoles pour acheter des livres pour leur bibliothèque. Avec moins d’argent dépensé, il y a beaucoup plus de livres dans les mains de toutes ces personnes
, s'enthousiasme Bridget Crevier.
Ce reportage est publié dans le cadre d’un partenariat avec des bibliothèques de plusieurs villages francophones au Manitoba. Nos journalistes seront dans diverses bibliothèques entre janvier et juin et animeront, entre autres, des ateliers. N’hésitez pas à les saluer!