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Le détenu décédé à la prison de Bordeaux était en détention illégale

Nicous D'Andre Spring.

Nicous D'Andre Spring, qui porte le nom d'artiste Yk Lyrical, était détenu à la prison de Bordeaux.

Photo : Facebook/Yk Lyrical

Radio-Canada

Nicous D'Andre Spring, décédé le lendemain d'une intervention des agents correctionnels à la prison de Bordeaux, à Montréal, était détenu illégalement au moment des événements survenus le 24 décembre. Il aurait dû être libéré la veille.

Le ministère de la Sécurité publique du Québec (MSP) a confirmé que Nicous D'Andre Spring était détenu illégalement, alors qu'il aurait dû être libéré le 23 décembre à la suite d'une enquête sur sa mise en liberté par vidéoconférence depuis l’Établissement de détention de Montréal – communément appelé prison de Bordeaux.

Par ailleurs, le MSP a déclaré que deux autres prisonniers ayant obtenu leur libération ce jour-là étaient également détenus illégalement, puisqu'ils auraient dû être libérés le 23 décembre. Ils l'ont plutôt été le lendemain, le 24.

Encore beaucoup de colère et d'indignation après la mort, le jour de Noël, d'un détenu de 21 ans de la prison de Bordeaux. Et voilà qu'on apprend que le jeune homme devait être libre au moment de l'intervention des agents correctionnels qui lui aura été fatale. Un reportage de Marie-Isabelle Rochon.

Cet après-midi-là, alors que D'Andre Spring était toujours détenu pour une raison encore inconnue, il a été impliqué dans une intervention physique au cours de laquelle il a perdu connaissance.

Il a été transporté à l'hôpital, où il a succombé à ses blessures le 25 décembre.

L'entrée de la prison de Bordeaux.

L'Établissement de détention de Montréal, aussi appelé prison de Bordeaux.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Un agent correctionnel a été temporairement relevé de ses fonctions à la suite d'une analyse préliminaire de l'incident.

Dans un communiqué, le ministère de la Sécurité publique annonce qu'il mènera une enquête administrative sur les événements survenus la veille de Noël, incluant notamment les détentions illégales.

La Sûreté du Québec (SQ) mènera de son côté une enquête criminelle. La victime a été transportée à l'hôpital et a succombé à des blessures graves. Le service d'enquête des crimes contre la personne de la Sûreté du Québec mène donc une enquête pour établir les causes et circonstances de ce décès, a déclaré Béatrice D'Orsainville, porte-parole de la SQ.

Le 20 décembre, Nicous D'Andre Spring avait été accusé d'agression contre un agent de la paix, de possession d'une arme à des fins dangereuses et de harcèlement criminel. En mars 2021, il avait été accusé de non-respect de condition d'une ordonnance de libération.

Poivre de Cayenne utilisé

Des sources ont confié à Radio-Canada que les agents auraient fait usage de poivre de Cayenne contre Nicous D'Andre Spring et que celui-ci portait un masque anticrachat au moment des faits.

Si l'utilisation de poivre de Cayenne peut se révéler nécessaire dans certaines situations d'intervention requérant l'usage de la force, le Protecteur du citoyen (Nouvelle fenêtre) a rappelé dernièrement qu'à la suite de son utilisation, la décontamination des personnes et des lieux doit être entreprise rapidement.

Vendredi soir, plus de 200 personnes ont répondu à l'appel de la famille qui organisait une veillée aux chandelles en l'honneur du jeune musicien, dont le nom d'artiste est Yk Lyrical, au parc Benny, dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce.

Sur Facebook, la sœur de la victime, Sarafina Dennie, a appelé à la justice pour son petit frère et a promis de se battre jusqu'au bout.

Le garde qui a fait ça était belliqueux et sauvage, selon un ami du jeune homme qui déplore que le système carcéral ne l'ait pas protégé.

« Il était encore jeune, comme un enfant d'une certaine façon, et le battre au point qu'il en meure, ça signifie qu'ils n'ont pas su quand s'arrêter. »

— Une citation de  Un ami de Nicous D'Andre Spring

Des questions

Les experts consultés par Radio-Canada se posaient eux aussi bien des questions. En premier lieu, on se demande pourquoi le détenu était encore entre les murs s'il y avait eu une ordonnance de le libérer, a déclaré en entrevue à RDI Marie-Renée Côté, ex-gestionnaire de Service correctionnel Canada.

Sans vouloir présumer de ce qui s'est passé, un avocat-criminaliste a décrit pour Radio-Canada les tensions qui peuvent survenir au moment de la mise en liberté des détenus.

On n'est pas à l'abri de l'erreur ni de l'absence ou du manque de transmission des documents permettant la remise en liberté, a souligné Me Charles Côté. Du côté du détenu, la frustration monte parce qu'il s'attend à être libéré depuis le 23 et que rien ne se passe.

Charles Côté en studio à Radio-Canada.

L'avocat-criminaliste Charles Côté

Photo : Radio-Canada

Même si elle a surtout œuvré dans le système fédéral, Marie-Renée Côté souligne, de son côté, que la période des Fêtes dans les prisons est généralement une période très triste, où les bureaux administratifs sont fermés. Souvent, il n'y a pas de service de psychologie, la prison est vraiment sur le neutre.

« N'importe qui pourrait péter un plomb en étant gardé illégalement dans une prison. On est au Canada, là. »

— Une citation de  Marie-Renée Côté, ex-gestionnaire de Service correctionnel Canada

L'agressivité d'un détenu ne peut pas justifier son maintien en détention à partir du moment où un juge a ordonné sa libération, a ajouté Mme Côté, qui appelle les autorités à faire toute la lumière sur ce dossier et à faire preuve de transparence.

Bonnardel demande des réponses

Dans un tweet, le ministre de la Sécurité publique du Québec, François Bonnardel, a dit qu'il voulait des réponses et une reddition de comptes pour ce qui s'est passé.

Les erreurs commises devront être assumées, a-t-il déclaré.

L'avocate-criminaliste Danièle Roy.

L'avocate Danièle Roy

Photo : Radio-Canada

En tant qu'avocate-criminaliste, Danièle Roy est témoin de la situation épouvantable dans les prisons et les palais de justice québécois.

Elle évoque notamment le manque épouvantable de personnel au palais de justice, les jeunes greffiers lancés dans le bain sans supervision adéquate, ce qui peut occasionner des erreurs dans les procès-verbaux ou des documents manquants.

La situation ne serait guère meilleure en prison, où, faute de personnel, les heures de visite seraient coupées et les services de base aux détenus moins souvent offerts.

Et la COVID a exacerbé cette situation, a-t-elle témoigné en entrevue à l'émission Le 15-18, sur ICI Première.

Les prisons du Québec hébergent actuellement environ 4800 prisonniers, dont la moitié environ sont en détention provisoire.

Avec les informations de CBC, d'Alexis Tremblay et de Marie Isabelle Rochon

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