Le dernier film du cinéaste iranien emprisonné Jafar Panahi sort aux É.-U.

Jafar Panahi a tourné son dernier film à la frontière entre l’Iran et la Turquie pendant qu’il était encore en liberté conditionnelle.
Photo : La Cinémathèque québécoise
Le film Aucun ours (No Bears), de Jafar Panahi, prendra l’affiche vendredi aux États-Unis alors que le cinéaste iranien est emprisonné dans son pays natal depuis le mois de juillet. En réalisant cette œuvre, il a défié une cinquième fois une interdiction, imposée par le gouvernement, de faire des films pour une période de 20 ans.
Au mois de juillet, Jafar Panahi s’est rendu dans le bureau du procureur de Téhéran pour se renseigner sur le dossier de Mohammad Rasoulof, un autre cinéaste iranien arrêté pour troubles à l’ordre public
. Les autorités en ont profité pour l’arrêter et l’emprisonner lui aussi, en se basant sur une condamnation datant de 2010.
Condamné pour propagande contre le régime
, il avait écopé à l’époque d’une peine de 6 ans de prison assortie d’une interdiction de réaliser ou d’écrire des films, de voyager ou de s’exprimer dans les médias pour une période de 20 ans. Il continuait cependant à travailler et à vivre en Iran alors qu’il était en liberté conditionnelle.
Les œuvres de Jafar Panahi sont des exemples manifestes de résistance artistique et reflètent clandestinement les mécaniques de la société iranienne. Dans Aucun ours, le réalisateur joue son propre rôle dans un film qu’il a tourné dans une ville rurale d’Iran à la frontière avec la Turquie.
On le voit diriger depuis le village des interprètes, qui ont trouvé refuge en Turquie, à travers une application de visioconférence. Ce film se veut le miroir de son propre combat contre la censure.
Le long métrage figure parmi les plus célébrés cette année, ayant notamment remporté le prix spécial du jury à Venise même si le cinéaste ne pouvait être sur place pour le défendre. Tant le New York Times que l’Associated Press l’ont inclus dans leur liste des 10 meilleurs films de l’année.
Un mouvement de protestation réprimé dans le sang
Aucun ours prend l’affiche au moment où la société iranienne se bat contre une répression de plus en plus intense de la part du gouvernement. Peu après la présentation du film à Cannes, une jeune femme de 22 ans du nom de Mahsa Amini est morte trois jours après avoir été arrêtée par la police des mœurs pour non-respect du code vestimentaire strict imposée aux femmes.
L’incident a déclenché des protestations menées par des femmes qui ont toujours cours à ce jour. Les autorités iraniennes ont affirmé en octobre que la mort de Mahsa Amini n'avait pas été causée par des coups
, mais par les séquelles d'une maladie.
Selon le groupe Human Rights Activists en Iran, plus de 500 manifestantes et manifestants ont été tués depuis le 17 septembre, et plus de 18 200 personnes ont été détenues.
Samedi dernier, l’actrice iranienne renommée Taraneh Alidoosti, vedette du film oscarisé The Salesman, d’Asghar Farhadi, a été arrêtée après avoir publié sur Instagram un message dénonçant la pendaison de Mohsen Shekari, exécuté après avoir été accusé de guerre contre Dieu
.
Depuis, les appels à sa libération se sont multipliés à travers le monde, notamment de la part d’Asghar Farhadi, mais aussi du Festival de Cannes et de célébrités américaines.
Aucun ours sort en salle à New York vendredi, puis à Los Angeles le 10 janvier, avant d’être projeté dans le reste du pays. Il sera présenté à la Cinémathèque québécoise à Montréal le 20 janvier.