La vallée qui murmure, ou la création d’un « jeu vidéo national » québécois

Le jeu vidéo « La vallée qui murmure » se déroule dans un village typique du Québec rural.
Photo : Studio Chien d'or
Concevoir un jeu vidéo qui ressemble au Québec, de son patrimoine bâti à ses mœurs d’antan : c’est la mission que s’est donnée Olivier Leclair, à la tête du petit studio montréalais Chien d’or. Il lance ces jours-ci La vallée qui murmure, un jeu d’horreur de type « pointez et cliquez » dans lequel on peut entendre les voix de Louise Richer, Pierre-Luc Brillant et Denis Trudel.
Dans La vallée qui murmure, les joueurs et les joueuses font un saut dans le temps, au 19e siècle, dans la peau d’un curé. Ce religieux reçoit une lettre inquiétante de son homologue du village voisin, Sainte-Monique-des-Monts.
Le curé lui dit d’éviter de venir à Sainte-Monique, car le village est à l’agonie. Il décide de mener sa propre enquête
, raconte Olivier Leclair.
Au fil de discussions avec les villageois et les villageoises, entremêlées de casse-têtes et d’explorations de l’environnement, le cours des événements se précise.
Cette trame narrative est appuyée sur des paysages et sur des bâtiments typiques du Québec rural, qu’il s'agisse de l’église ou du magasin général.
Pour créer cette esthétique, Olivier Leclair, grand amateur d’antiquités, s’est inspiré de balades à Charlevoix, de la ville de La Prairie, où il a grandi, et d’autres endroits de la province.
La maison du docteur, par exemple, ressemble beaucoup à celle de l’apothicaire du Village québécois d’antan. Le moulin à eau est emprunté à celui qu’on peut voir à Beaumont, tout près de l’île d’Orléans.
« Mon intention était de faire un jeu vidéo national québécois. »
Sinon, toutes ses recherches et ses inspirations proviennent de nombreux livres d’histoire du Québec, par exemple ceux de l’historien Jacques Lacoursière, de l’historien de l’art Michel Lessard et de l’ethnologue Yves Laframboise.
L’attrait pour le jeu national
Au Québec, on crée beaucoup de jeux vidéo. On est même un pôle mondial. J’ai en tête seulement quelques jeux qui se déroulent au Québec ou qui en font mention, mais c’est rare qu’on le voie à l’écran
, souligne Olivier Leclair.
« Le jeu vidéo est un outil super intéressant pour faire de la valorisation culturelle et pour parler de notre langue et de nos valeurs. »
Ce discours a séduit les artistes Pierre-Luc Brillant, Louise Richer et Denis Trudel, qui prêtent leurs voix à des personnages dans le jeu.
Ça allait de soi pour eux : ils ont vite compris c’était quoi, l’intention du projet
, dit Olivier Leclair.
Le développeur connaissait déjà Denis Trudel, acteur et député du Bloc québécois à Ottawa, à qui il avait glissé un mot sur son projet lorsqu’il a reçu, en 2021, le grand prix de la relève Bernard-Landry, du nom de ce grand bâtisseur de l’industrie québécoise du jeu vidéo.
L’idée de créer un jeu vidéo national
a beaucoup plu à Louise Richer, directrice générale et fondatrice de l’École nationale de l’humour (ÉNH).
Même scénario dans le cas du comédien Pierre-Luc Brillant, candidat défait du Parti québécois dans Rosemont cet automne.
« On a de grands fabricants de jeux au Québec, mais quand on se déplace dans le monde, on est toujours pris pour s’identifier en disant : "Je viens du Québec, pas du Canada. On a une histoire et un folklore qu’il n’y a pas ailleurs." »
Le comédien ne peut s’empêcher de penser aussi à ses enfants, qui passent beaucoup de temps devant les écrans sans toutefois avoir des références à leur propre nation ou à leur propre histoire au moment de naviguer sur le web.
C’est amusant d’avoir quelque chose qui parle de chez nous sous une forme ludique
, souligne-t-il.
Première incursion dans le monde des jeux vidéo
S’il s’agit du deuxième jeu vidéo d’Olivier Leclair, qui nous a offert Le murmureur l’an dernier – un titre qu’il décrit comme étant le prélude de La vallée qui murmure –, c’est une première incursion en terrain vidéoludique pour Pierre-Luc Brillant.
J’en étais encore au stade où, dans les jeux vidéo, les dialogues entre les personnages se lisaient dans des bulles à l’écran
, dit en riant Pierre-Luc Brillant, qui ne se décrit pas comme un adepte de jeux vidéo.
Dans La vallée qui murmure, le comédien incarne un curé et un docteur. Au moment de l’enregistrement, il s’est plongé dans une atmosphère de sombre méfiance, comme celle qui règne dans le jeu, et il a eu pour inspiration une image qui suggère l’horreur, qu'il avait placée près du micro.
C’est un peu le même principe que de faire de la lecture : une voix dans un livre audio, par exemple, ou du doublage
, ajoute-t-il.
« C’est étrange, car tu arrives à l’enregistrement et tu n’as pas le personnage dans la tête. »
Le comédien, un habitué des films d’auteur, croit lui aussi beaucoup dans la portée internationale des jeux vidéo.
Les gens du monde entier y jouent. Le jeu risque d’être plus vu que notre cinéma
, croit-il.
Pour la suite, Olivier Leclair ne prévoit pas chômer : dès le début de 2023, c’est un nouveau chantier de recherche et de financement pour un prochain jeu qui s'amorcera de son côté. Il compte notamment explorer une époque plus récente mais pas moins marquante de l’histoire du Québec, dont il garde le secret pour le moment.
Le jeu La vallée qui murmure sur PC est offert sur Steam depuis le 30 novembre.