Projet pilote unique en Beauce pour composter les ordures ménagères
40 % des résidus ménagers sont détournés des sites d’enfouissement grâce au procédé Triom.
François Léveillée est vice-président des opérations pour Viridis environnement. Il tient une poignée du compost à la fin du procédé Triom.
Photo : Radio-Canada / Philippe Grenier
Détourner le plus possible de résidus ménagers des sites d’enfouissement : voilà l’objectif du procédé Triom, de l’entreprise Viridis Environnement. Ce projet pilote unique au Québec est mis en œuvre sur le site de la Régie intermunicipale du comté de Beauce-Sud (RICBS) à Saint-Côme-Linière.
À 9 h du matin, un premier camion d’ordures ménagères arrive dans un énorme entrepôt de la RICBS
. Quelques minutes plus tard, il repart en laissant dans son sillage une montagne de déchets. Le procédé Triom s'enclenche alors.Habituellement, un camion de collecte va sur le front de déchets pour décharger son matériel, qui est enfoui, et [on passe ensuite] au camion suivant
, explique François Léveillée, de Viridis. Maintenant, c’est le résidu ultime
qui est enfoui.
La pelle mécanique sort les plus gros morceaux des rebuts en premier. Micro-ondes, banc de scie, compresseur, vélo : les points d’interrogation sont visibles dans les yeux de François Léveillée. On ne doit pas les mettre sur le site d’enfouissement.
Ces déchets seront triés à l’écocentre pour être revalorisés.
Par la suite, les résidus ménagers continuent leur chemin. La matière est séparée en deux. D’un côté, les morceaux plus gros; de l’autre, les matières organiques et les plus petits rebuts qui s’en vont dans les bioréacteurs sur le site, où ils sont compostés et asséchés pendant deux semaines.
Une fois nettoyé, le produit final devient un compost qui respecte les normes du guide sur le recyclage des matières résiduelles fertilisantes du Québec, assure François Léveillée. Éventuellement, il pourra être utilisé en agriculture et en foresterie, notamment.
« On réussit à détourner 40 % d’un camion d’ordures ménagères du site d’enfouissement, ce qui permet de prolonger la durée de vie d’un site et d'éviter les gaz à effet de serre causés par l’enfouissement de matière organique. »
Selon le site web du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), les matières organiques constituent environ 60 % des 5,8 millions de tonnes de matières résiduelles éliminées chaque année au Québec. Ces matières enfouies représentent une partie non négligeable des émissions de gaz à effet de serre (GES) au Québec.
L’utilité du bac brun en région
Avec Triom, on enfouit l’ultime! Je suis directeur général de la RICBS : je vois ce que ça coûte d’enfouir, d’enfouir, d’enfouir,
explique Éric Maheux.
Selon lui, chaque cellule d’enfouissement coûte environ un million de dollars et a une durée de vie d’environ trois ans. Plusieurs sites au Québec auront atteint leur pleine capacité dans quelques années, une croissance qui n’est freinée ni par l’arrivée des bacs bruns, ni par le tri à la source.
Ce qu’on voit dans les endroits où il y a des bacs bruns depuis 20 ans, c'est qu'on continue d'enfouir des matières putrescibles qu'on trouve dans leurs camions [...]. On n’est pas des anti-bacs bruns, c’est un moyen, mais nous, on vient rajouter un plus avec Triom : on fouille directement dans le camion de vidanges.
« Dans un milieu rural, le gain environnemental est questionnable. »
Du côté de la MRC de l'Érable, on se questionne aussi sur l’efficacité du bac brun en milieu rural. Le bac brun dans un milieu rural, c’est très problématique et c'est peu écologique aussi [...]. Un camion pour une troisième collecte peut faire plusieurs kilomètres pour aller ramasser une ou deux livres de matière organique dans un bac brun. C’est loin d’être écologique et c’est très couteux
note Gervais Pellerin, maire d’Inverness, dans la MRC de l’Érable.
Un groupe d’élus et de professionnels de la MRC de l’Érable s’est déplacé en Beauce en octobre dernier. Le projet Triom les emballe. Les seules contraintes actuellement sont administratives et issues du gouvernement
, ajoute le maire d'Inverness, une municipalité du Centre-du-Québec.
Bien que le projet pilote soit financé en partie par Recyc-Québec et par le ministère de l'Économie et de l'Innovation, il n’est toujours pas reconnu par le gouvernement. Ce qui est détourné du site d’enfouissement par le procédé Triom n’est pas reconnu dans les redevances aux municipalités.
Oui, il y a une perte de redevances, mais si on regarde ce qu’on va économiser, on est encore gagnant
, lance Éric Maheux en faisant référence non seulement au coût d'une nouvelle cellule d'enfouissement mais aussi à tout le diesel utilisé pour faire fonctionner le compacteur à déchets. Le directeur a toujours bon espoir que le projet Triom sera reconnu et que les redevances reviendront aux municipalités.
Le gouvernement n'a pas répondu à nos nombreuses questions à ce sujet.
Persuadé d’être reconnu, Viridis Environnement prépare un agrandissement du site pour la phase 2 du projet.