Interdiction du tabac : le Canada pourrait-il imiter la Nouvelle-Zélande?

La Nouvelle-Zélande a adopté une loi qui va interdire dès l’an prochain l’achat de produits du tabac à toute personne née après 2008. Cette interdiction les suivra toute leur vie.
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Le Canada pourrait bien imiter la Nouvelle-Zélande et interdire graduellement la vente de tabac, sans se heurter aux chartes des droits et libertés. Tous ne sont toutefois pas d'avis qu'une telle interdiction serait une bonne idée.
La Nouvelle-Zélande vient d'adopter une loi interdisant la vente de produits du tabac aux personnes nées après 2008. L'âge de l'individu n'est plus considéré. Ces personnes, qui ont aujourd'hui 14 ans, ne pourront toujours pas acheter de cigarettes quand elles auront atteint la majorité, ou même la retraite.
Contrairement au Canada, le droit néo-zélandais n'est pas limité par une charte des droits. Mais selon Patrick Taillon, professeur de droit à l'Université Laval, une interdiction semblable serait moins difficile à implanter au pays qu'on le croit.
« La faute est à la fois le remède. On veut respecter le fait qu'une partie de la population est dépendante et peut difficilement décrocher […] Mais si on n'a jamais fumé, l'interdiction n'est pas de la même nature », souligne-t-il en entrevue à l'émission d'Isabelle Richer.
M. Taillon fait un parallèle avec la loi interdisant aux compagnies de tabac d'afficher des publicités, adoptée en 1988.
Ce qui est intéressant, c'est que la mesure serait plus radicale que l'interdiction de la publicité, mais peut-être plus facile à justifier […] Il y a une cohérence de dire que ceux qui sont déjà dépendants ont une clause grand-père, et ceux qui n'y ont jamais goûté on va les protéger.
Selon M. Taillon, l'argument de la discrimination fondée serait peut-être difficile à manier pour les compagnies de tabac. On ne dit pas que les jeunes ont moins de dignité en retirant le tabac du marché
, ajoute-t-il.

Les effets pervers de l'interdiction
L'interdiction totale de la vente de tabac, même si elle s'étale sur des décennies, n'a pas que des effets positifs, note un autre professeur.
Au contraire, la Nouvelle-Zélande adopte une mauvaise approche, estime Jean-Sébastien Fallu, professeur en psychoéducation et spécialiste des questions de légalisation des drogues, en entrevue au 15-18.
Viser une société sans tabac, le prohiber totalement, je pense que c'est non seulement une mauvaise approche, mais c'est à contre-courant des connaissances qui se développent dans le domaine des politiques sur les drogues.
M. Fallu précise que l'interdiction crée une attraction pour le produit pour certaines personnes. On met ainsi à risque les individus plus marginalisés.
La disparition de la vente légale de cigarettes et autres produits du tabac favoriserait aussi le marché noir. Le tabac ne disparaîtra pas complètement, c'est le crime organisé qui va le gérer
, dit le professeur.
M. Fallu mentionne que le Québec a beaucoup réduit son taux de tabagisme avec de la stigmatisation douce
, comme des campagnes publicitaires antitabac.
Le taux de tabagisme en Nouvelle-Zélande est de 8 %. Ce chiffre se situe à 11 % pour le Canada et à 12 % pour le Québec.