La rainette faux-grillon maintenant « menacée », Gatineau appelée à en faire plus

La rainette faux-grillon ne pèse qu'un à deux grammes, mais constitue un maillon essentiel de la biodiversité en Outaouais.
Photo : Radio-Canada / Patrick Louiseize
L’amphibien pèse un gramme, deux tout au plus, mais il constitue néanmoins un maillon essentiel dans la chaîne alimentaire de l’Outaouais. Auparavant classée comme espèce « vulnérable », la rainette faux-grillon vient tout juste de passer au statut « menacé ».
Alors que Gatineau vient tout juste de se porter signataire de l’Engagement de Montréal en matière de biodiversité, la Ville en fait-elle assez pour protéger cet amphibien emblématique ?
À l’heure actuelle, les inquiétudes portent sur le secteur La Cité, à Gatineau, un secteur à haute densité, défini comme tel dans le schéma d’aménagement de la Ville.
Ici, elle est vraiment entourée par le développement, et vouée à disparaître
, s'inquiète Caroline Gagné directrice de programme pour l'ouest de Québec à Conservation de la nature Canada (CNC). Cette dernière dit toutefois comprendre les besoins en infrastructures de la ville.
Le président de la Commission du développement et de l’habitation de Gatineau et conseiller municipal, Daniel Champagne, se dit sensible au sort de l’amphibien, mais ajoute que plusieurs objectifs environnementaux doivent être soupesés.
On espère que le développement qui va se faire [dans le secteur de La Cité] avec une très haute densification ici va permettre d’utiliser moins la voiture
, dit M. Champagne.
« L’ensemble du développement est conforme aux certificats nécessaires pour la construction. »
Daniel Champagne fait cependant appel à la cohérence et renvoie la balle à Québec, qui a ajouté des autorisations environnementales depuis l’approbation du schéma d’aménagement de Gatineau, en 2015.
À partir du moment où le gouvernement provincial vient confirmer dans son schéma d’aménagement qu’il y a des secteurs à protéger, il faut que le gouvernement et le ministère de l’Environnement soient conséquents. On ne peut pas dire qu’il faut protéger un territoire et promouvoir la grande densité. Il faut être cohérent dans l’application des règles
, conclut M. Champagne.
Gatineau signataire de l’Engagement de Montréal
Lundi, lors de la COP15 à Montréal, Gatineau s’est portée signataire de l’Engagement de Montréal. Celui-ci vise entre autres la conservation des milieux naturels existants, la restauration des écosystèmes et de leur connectivité, l’augmentation des superficies des espaces verts et bleus
, entre autres mesures. Un geste salué par la Fondation de la faune du Québec.
Nous sommes très heureux de constater que plusieurs villes du Québec ont signé cet engagement et, ainsi, ont choisi d’investir pour leur environnement et pour le maintien de la biodiversité du Québec
, mentionne Christine Bélanger, directrice des programmes par intérim à la Fondation de la faune du Québec.
Quelques villes québécoises signataires de l'Engagement de Montréal :
- Gatineau
- Québec
- Laval
- Longueuil
- Sherbrooke
Source : Fondation de la faune du Québec
L'avenir de la rainette faux-grillon est en Outaouais
La rainette faux-grillon ne peut être trouvée qu’en Outaouais et en Montérégie. Or, c’est dans cette dernière région que sa population est le plus menacée.
En Montérégie, il y a énormément de développements, alors les populations ne vont vraiment pas bien. L’avenir de la rainette faux-grillon est vraiment en Outaouais
, avance Caroline Gagné, directrice de programme pour l'ouest de Québec à Conservation de la nature Canada (CNC).
Mme Gagné souligne l’importance de l’espèce. C’est une espèce parapluie. En protégeant son habitat, on protège l’habitat d’autres espèces, qui ont souvent des besoins très particuliers. C’est une espèce rare. Avec la COP15, son statut est passé de vulnérable à menacé
, ajoute-t-elle.
Il ne faut pas s’y méprendre : la petite taille de la rainette est inversement proportionnelle à son importance pour l’écosystème, selon Mme Gagné. J’utilise souvent la comparaison avec un avion. [...] Si on enlève des boulons, des bouts de métal, on n’aura plus confiance [envers sa capacité de voler].
« Quand on enlève des espèces dans l’ensemble d’un écosystème, à un moment donné, il peut facilement s’effondrer. [...] Si on n’entend plus la rainette, c’est signe que l’écosystème ne va pas bien. »
Le rôle de CNCaccélérer le rythme de la conservation d'un océan à l'autre
, comme on peut le lire sur son site Web. À Gatineau, l’organisme veille à ce que des mesures de compensation soient établies lorsque de nouveaux développements immobiliers sont planifiés.
On n’est pas obligés de tout développer et on n’est pas obligés de détruire tous les habitats d’espèces menacées. Il y a moyen de faire des choses en commun
, ajoute Mme Gagné.
Une espèce importante
dans la chaîne alimentaire
Vance Trudeau est biologiste à l’Université d’Ottawa. Au-delà de sa petite taille, c’est le chant du petit amphibien qui capte l’attention du scientifique. Le mâle en particulier chante très fortement. On reconnaît ces chants très tôt au printemps
, souligne M. Trudeau.
L’équipe de Radio-Canada a eu accès au laboratoire du professeur Trudeau. Celui-ci a réussi à créer un environnement propice à la reproduction de la rainette faux-grillon. Il contribue ainsi à maintenir l’espèce bien en vie. Et le chant de la grenouille est effectivement très impressionnant.
Un son dont on ne croirait pas qu’il puisse provenir d’un si petit animal, mais qui sonnera familier à quiconque passe un peu de temps dans la nature au printemps. C’est grâce à une technologie développée avec l’Université Laval que son groupe parvient à stimuler la reproduction de l’espèce, de manière à repeupler les marais.
La rainette faux-grillon est une mangeuse de maringouins. Elle est aussi la proie des autres grenouilles, des serpents et des oiseaux. C’est une espèce importante dans la chaîne alimentaire
, explique M. Trudeau.
Maintenant classée comme espèce menacée, la rainette faux-grillon voit son habitat bouleversé par les développements, la pollution et peut-être les maladies
, ajoute le biologiste.
Ce sont les deux semaines de la COP15. Il faut protéger les espèces, sinon on va avoir des problèmes au niveau écologique, contribuant ainsi à la 6e extinction de masse
, prévient Vance Trudeau.
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Avec les informations de Nelly Alberola, de Rémi Authier et d'Alexandra Angers