Les manifestations se poursuivent au Pérou malgré des élections devancées à 2024

Des manifestants ont pris d'assaut l'aéroport international Alfredo Rodríguez Ballón, à Arequipa. Ils ont été délogés depuis.
Photo : afp via getty images / Diego Ramos
Les manifestations se poursuivent lundi au Pérou, malgré l'annonce d'élections devancées à 2024 au lieu de 2026. Quatre personnes sont mortes depuis dimanche, et l'aéroport de la deuxième ville du pays a été bloqué pendant une partie de la journée.
Le Pérou est secoué par une importante crise politique depuis la destitution de l'ex-président Pedro Castillo. Disant comprendre la volonté des citoyens
, la nouvelle présidente Dina Boluarte a dit avoir décidé de prendre l'initiative d'un accord [...] pour avancer les élections générales à avril 2024
.
La crise a été provoquée par la tentative ratée de M. Castillo de dissoudre le Parlement.
Mais cette annonce n'a pas enrayé le mécontentement. De nouveaux barrages bloquaient lundi matin des routes dans la région de La Libertad (nord) et autour des villes de Trujillo (nord-ouest) et Cusco (sud-est), où se trouve le célèbre Machu Picchu.
À Arequipa (sud), capitale de la région du même nom et deuxième ville du pays, quelque 2000 manifestants ont pénétré sur les pistes de l'aéroport, ce qui a entraîné une suspension du trafic. Ils ont été délogés depuis.
La piste de l'aéroport a été bloquée avec des pierres, des pneus et du bois
enflammés, a constaté un photographe de l'AFP . Celui-ci indique que le système d'éclairage de la piste a été endommagé et que la police tente de repousser les manifestants avec des gaz lacrymogènes.
Deux manifestants sont morts lundi, ce qui porte à quatre le nombre total de morts ces dernières 36 heures, a annoncé la médiatrice de la République, Eliana Revollar.
Un des décès est survenu à Arequipa lorsque la police est intervenue pour chasser les manifestants de l'aéroport. L'autre victime a perdu la vie lors d'une marche repoussée par la police antiémeute à Chinchero, dans la région de l'Apurimac, où sont morts deux manifestants dimanche.
« La vie d'aucun Péruvien ne mérite d'être sacrifiée pour des intérêts politiques. Je réitère mon appel au dialogue et à la renonciation à la violence. »
Le Haut-Commissariat de l'ONUpréoccupé par le fait que la situation pourrait s'aggraver davantage
. L'organisme appelle toutes les personnes concernées à faire preuve de retenue
.
L'ONUles journalistes qui couvrent les manifestations ont été pris pour cible par les manifestants et la police
– et que plusieurs ont été blessés
– et des cas où la police semble avoir eu recours à un usage inutile et disproportionné de la force
.
Samedi, Mme Boluarte a formé un gouvernement au profil indépendant et technique. Un ancien procureur, Pedro Angulo, a notamment été nommé premier ministre. La présidente a aussi déclaré l'état d'urgence dans les zones les plus touchées par les manifestations.
Un week-end chaotique
Les troubles se sont multipliés au cours du week-end, notamment dans le nord du pays et les régions le long de la cordillère des Andes. Outre de nouvelles élections et la démission de Mme Boluarte, les manifestants réclament la libération de l'ancien chef de l'État incarcéré depuis mercredi à Lima.
Les deux personnes qui sont mortes dimanche se trouvaient dans la ville d'Andahuaylas, à 750 km au sud de Lima. Une vingtaine de personnes y ont aussi été blessées. Les manifestants tentaient de prendre d'assaut l'aéroport.
Andahuaylas, située dans la région d'Apurimac, est la région d'origine de Mme Boluarte. Celle-ci est issue du même parti de gauche radicale (Pérou libre) que l'ex-président destitué.
Le poste de police de Huancabamba, une ville d'Apurimac, a été incendié dimanche, selon la radio RPP.
À Lima, entre 1000 et 2000 personnes ont manifesté devant le parlement aux cris de Castillo tu n'es pas seul, le peuple te soutient
. Elles brandissaient des pancartes accusant Dina [Boluarte] et le Congrès
d'être des rats corrompus
.
Des syndicats exigent la libération de Castillo
Lima a toujours tourné le dos à M. Castillo, enseignant rural et dirigeant syndical déconnecté des élites, soutenu par les régions andines depuis les élections remportées à la mi-2021.
Des syndicats agraires ainsi que des organisations sociales paysannes et indigènes ont appelé dimanche à une grève illimitée
à partir de mardi. Dans un communiqué, le Front agraire et rural du Pérou exige la libération immédiate
de M. Castillo.
L'ex-président a été arrêté quelques heures plus tard par son garde du corps alors qu'il se rendait à l'ambassade du Mexique pour demander l'asile politique. Il est accusé de rébellion
et la Cour suprême a ordonné jeudi, sur requête du Parquet, son placement en détention provisoire pour sept jours.
À Lima, les avocats de l'ancien président Pedro Castillo ont pu s'entretenir avec leur client dans sa prison en périphérie est de Lima avant l'audience en appel mardi matin. Me Ronald Atencio, l'avocat principal de l'ancien président, dit espérer obtenir la libération immédiate
de son client. C'est son droit. On espère que le pouvoir judiciaire se montrera à la hauteur des circonstances. [...] Le tribunal doit faire date, la décision [qu'elle prendra] se lira pendant des années, on l'étudiera dans les écoles de droit.
« La position du président, c'est qu'il est un prisonnier politique et il l'a dit à la procureure. »
Haranguant les quelques partisans de l'ancien président présents, il a assuré que le président n'était pas bien
et qu'il avait demandé l'intervention de la Croix-Rouge
. Toutefois, plusieurs proches de M. Castillo se sont montrés rassurants sur son état de santé.
La demande de nouvelles élections est associée à un rejet massif du Parlement par la population (86 %, selon un sondage de novembre).
Parallèlement, la théorie avancée par l'ancien chef de cabinet et l'avocat de M. Castillo, selon laquelle l'ancien président a été drogué à son insu lors de sa tentative de coup d'État ratée, passionne le pays.
Dans une lettre que M. Castillo aurait écrite en prison, celui-ci affirme qu'un médecin et des infirmières camouflés
et un procureur sans visage
(cagoulé) l'ont forcé
à des prélèvements sanguins sans son consentement, évoquant un plan machiavélique
.
Le président de l'Institut de médecine légale, Francisco Brizuela, a indiqué que l'ex-président avait refusé de se soumettre
aux tests.