Langues officielles : les recommandations phares ignorées par Higgs
La Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick dénonce « les miettes » offertes à la communauté acadienne et qualifie la réponse du premier ministre de « farce monumentale ».

Blaine Higgs présente la réponse de son gouvernement à la révision de la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick lors d'un point de presse.
Photo : Radio-Canada
Dans sa réponse à la révision de la Loi sur les langues officielles (LLO) du Nouveau-Brunswick, le premier ministre Blaine Higgs fait fi des recommandations principales faites par les commissaires. Après un an d’attente, la réponse du gouvernement se résume à la création d’un secrétariat aux langues officielles, auquel il délègue la lourde tâche d'aborder les recommandations les plus épineuses.
Rien n’a été perdu, rien n’a été retiré
, a déclaré Blaine Higgs devant des journalistes lundi après-midi à Fredericton.
Dans leur rapport, les commissaires Yvette Finn et John McLaughlin avaient notamment recommandé de créer un ministère des Langues officielles, de réexaminer le poste de commissaire aux langues officielles pour le rendre plus efficace, d'implanter la LLO dans les foyers de soins, de clarifier les exigences linguistiques des employés de la fonction publique et de réviser la LLO tous les cinq ans plutôt que tous les dix ans.
Aucune de ces recommandations n'a été retenue par le gouvernement Higgs.
Le premier ministre a tenté de défendre son bilan en affirmant que plusieurs de ces éléments sont déjà mis en œuvre dans l'administration publique.
C'est difficile de prendre un rapport avec 33 recommandations et d'essayer de le résumer. Donc, ce que nous avons fait, c’est de former un [comité] au sein du gouvernement et de voir quels changements apportent vraiment des améliorations et lesquels nous ne sommes pas en mesure de faire.
Création d'un secrétariat aux langues officielles
Le premier ministre mise plutôt sur la création d'un secrétariat aux langues officielles afin de faire la promotion des aspects positifs de notre province avec deux langues officielles
. Ce secrétariat sera créé en avril 2023 au sein du ministère des Affaires intergouvernementales.
Par le passé, deux commissaires aux langues officielles ont recommandé la création d'un secrétariat qui serait chargé de voir à une véritable mise en œuvre de la LLOL’idée avait toutefois été rejetée, sous cette forme, par Blaine Higgs.
.Cette fois-ci, le gouvernement explique que le secrétariat aura notamment les mandats suivants :
- élaborer, réviser, surveiller et évaluer le plan de mise en œuvre exigé par la loi;
- procéder à une révision périodique de la loi et de ses règlements et recommander des modifications au besoin;
- conseiller le gouvernement sur les questions relatives aux langues officielles;
- adopter une approche innovatrice axée sur les solutions pour répondre aux besoins des deux communautés linguistiques.
Lorsqu'on lui a demandé s’il avait l’intention de revoir le rôle de la commissaire aux langues officielles – comme on le recommande dans le rapport des commissaires –, Blaine Higgs a répondu que cela n’était pas inclus dans la révision de la LLO
et que si des changements devaient avoir lieu dans ce dossier, ce sera fait dans le cadre d'un processus de révision séparé sur les postes de hauts fonctionnaires à l'Assemblée législative.Selon Blaine Higgs, le secrétariat aux langues officielles ne remplacer pas le Commissariat aux langues officielles. Celui-ci a pour mandat de recevoir des plaintes
, alors que l’idée du secrétariat est de trouver des solutions
.
Les langues, source de division, selon Higgs
Lors de son point de presse, Blaine Higgs a fait de nombreux commentaires sur la division que crée le dossier des langues officielles dans la province.
« J’espère que nous avons trouvé un équilibre ici, où les francophones reconnaîtront que nous ne leur avons rien retiré et que les anglophones se diront qu’ils ont été entendus. »
Si ça continue à être une source de division en raison de l’opportunisme politique, ça n'atteindra jamais son plein potentiel. L’objectif n’a jamais été de retirer des droits ou de retirer quoi que ce soit. Mais ça a toujours été une critique, une critique qui pèse sur moi depuis mon arrivée au pouvoir, une question qui sème la peur de l’autre
, a-t-il déclaré devant les journalistes.
Lundi, Blaine Higgs a présenté ses intentions quant à la nouvelle mouture de la LLO
. Son gouvernement doit encore présenter un projet de loi au printemps, qui détaillera ses actions.« Le premier ministre s'en fiche », dénonce la SANB
Sa réponse au rapport, c'est qu'il ne va pas les respecter, ces recommandations
, dénonce le président de la Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), Alexandre Cédric Doucet. C'est une entière déresponsabilisation du premier ministre envers la LLO et le bilinguisme officiel.
Nous avons toujours été clairs qu'un statu quo équivalait à un recul
, ajoute-t-il.
« Il vient dire à la communauté acadienne et francophone, d'un ton extrêmement paternaliste : " Contentez-vous de ces miettes." C'est totalement ignoble de la part d'un premier ministre de la seule province officiellement bilingue. »
Alexandre Cédric Doucet précise que la création d'un secrétariat aurait pu être une bonne idée s'il avait été plus près du bureau du premier ministre
. Il ajoute que là, c'est sous les Affaires intergouvernementales, mais ce ne sont pas eux qui mettent en œuvre la LLO, c'est le bureau du premier ministre
.
« Une insulte », dit Michel Doucet
Le juriste spécialisé en droits linguistiques Michel Doucet estime que la non-réponse
du premier ministre est un recul pour les Acadiens et que cela témoigne du peu d'intérêt que [le premier ministre] a pour les langues officielles
.
« Aujourd'hui, j'étais abasourdi. J'ai été réellement choqué de la non-réponse du premier ministre par rapport aux langues officielles. Ne rien enlever, maintenir le statu quo, c'est un recul. »
Le plus significatif? Il a dit à la communauté anglophone "je vous ai entendus", mais à la communauté francophone, il a dit "je me bouche les oreilles à vos demandes, soyez contents que je ne vous aie rien enlevé". Je trouve ça insultant de la part d'un premier ministre.
Il s'est également dit inquiet pour l'avenir de la communauté francophone et de l'égalité linguistique.
L'opposition découragée
Les partis d'opposition à Fredericton se sont dits choqués par la réponse du premier ministre.
Incroyable, absurde
, a lancé le chef du Parti vert du Nouveau-Brunswick, David Coon. Nous avons juste une action, créer un secrétariat, et des commentaires qui m'inquiètent, notamment sur l'avenir de la révision de la LLO ou de la commissaire aux langues officielles.
Je suis très déçu
, a affirmé Benoit Bourque, député libéral et porte-parole en matière de francophonie et pour les affaires qui relèvent de la Loi sur les langues officielles. On voit un dédain, un mépris de cette loi qu'il juge superflue, pas importante, même dans le chemin. C'est vraiment l'impression qu'il donne.
Réponse incomplète, selon la commissaire McLean
La commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, Shirley MacLean, dénonce pour sa part une réponse vague
et incomplète de la part du premier ministre.
Bien que j’applaudisse la création d’un secrétariat aux langues officielles au sein de l’appareil gouvernemental, une recommandation de longue date de la part du Commissariat, je dois m’avouer laissée sur ma faim quant aux autres intentions du gouvernement vis-à-vis les langues officielles au Nouveau-Brunswick
, affirme Shirley MacLean.
Quelques heures avant que Blaine Higgs ne présente sa réponse à la révision de la LLO, la commissaire avait présenté son rapport annuel, dans lequel elle demande une défense politique plus vigoureuse de cette loi.