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La tique d’hiver décime les jeunes orignaux dans la seigneurie de Beaupré

Un orignal.

La tique d'hiver est responsable de la majorité des décès des veaux suivis depuis l'an dernier par l'équipe du chercheur Jean-PIerre Tremblay.

Photo : Radio-Canada / Kayla Housell

Des résultats préliminaires d'une vaste étude menée au Québec et au Nouveau-Brunswick révèlent que la région de la Capitale-Nationale a enregistré le plus haut taux de mortalité d'orignaux attribuable à la tique d'hiver au cours de la dernière année. Pas moins de 75 % des décès y ont été associés dans la seigneurie de Beaupré.

Ces données ont été obtenues à la suite d'une opération de captures d'orignaux et de suivis télémétriques, menée en 2022. Dans chacun des cinq secteurs à l'étude, les chercheurs ont capturé et marqué 24 veaux, soit des jeunes de l'année.

Outre la Capitale-Nationale, les scientifiques s'intéressent à l'influence de la tique d'hiver sur les cheptels d'orignaux dans le Bas-Saint-Laurent, en Gaspésie et au Nouveau-Brunswick, en particulier dans un contexte de changement climatique. L'objectif est notamment d'évaluer sa progression vers le nord.

Lors des captures, lesquelles servent à installer des colliers télémétriques pour assurer le suivi en direct des animaux, la moitié des bêtes ont été traitées avec un acaricide protégeant les orignaux contre la tique d'hiver. Ce procédé permet de comparer le destin des animaux exposés aux dangers du parasite.

La femelle est engorgée.

La tique d'hiver se gorge de sang d'orignaux lors des saisons froides et se reproduit dans la végétation au printemps. La femelle (à gauche) est beaucoup plus volumineuse que le mâle.

Photo : Radio-Canada / Pier Gagné

Tous morts

Dans la Capitale-Nationale, aucun orignal n'a survécu dans le groupe des 12 individus non traités à l'acaricide. La grande majorité des orignaux ayant reçu le traitement ont quant à eux survécu.

De la douzaine d'orignaux n'ayant pas survécu parmi les non-traités, au moins 9 sont morts en raison des conséquences de la tique sur leur santé. Les autres ont été victimes de prédation et un autre a été abattu lors de la période de chasse cet automne. Ça a été plus dur pour la Capitale-Nationale qu'ailleurs, confirme Jean-Pierre Tremblay, professeur au Département de biologie de l'Université Laval et directeur de l'étude lancée en 2019.

« On a beaucoup appris cette année. Dans la seigneurie de Beaupré, c'est notre région où il y a eu la plus haute mortalité qui est attribuable à la tique. »

— Une citation de  Jean-Pierre Tremblay professeur au Département de biologie de l'Université Laval

Les chercheurs ont été capables d'établir un lien entre la tique et les décès, grâce à ses deux groupes tests et aux observations de carcasses sur le terrain et en laboratoire.

Bien que le traitement ait fonctionné, l'objectif de l'étude n'est pas de trouver un remède contre la tique, insiste Jean-Pierre Tremblay, mais bien d'isoler la tique d'hiver des autres causes de mortalité, comme la prédation. Les nouvelles données sont particulièrement précieuses, note le scientifique. On apprend en accéléré.

Anémie et énergie gaspillée

La tique d'hiver, à ne pas confondre avec la tique à pattes noires (maladie de Lyme), s'accroche aux cervidés durant la saison froide pour se nourrir de leur sang avant de se décrocher au printemps pour la reproduction.

Les animaux parasités souffrent souvent d'anémie en raison de l'importante quantité de sang pompé par les tiques au cours de l'hiver. Chez les juvéniles, la proportion de sang récoltée est plus élevée que chez les spécimens adultes, ce qui les rend plus susceptibles d'en mourir.

Des tiques sur le pelage d'un orignal.

Des milliers de tiques peuvent s'accrocher à un même orignal. (Archives)

Photo : Radio-Canada / Kayla Housell

Les orignaux infectés ont tendance à se toiletter de manière excessive, poursuit Jean-Pierre Tremblay. C'est du temps qu'ils ne passent pas à s'alimenter, souligne le biologiste. Ce toilettage crée des plaques de peau sans poils et exposées à l'air libre, ce qui cause une perte d'énergie en raison du froid.

Des survols réalisés cette année ont permis d'établir que les 12 orignaux traités par l'acaricide ne présentaient pas ces problèmes de peau, dit au passage Jean-Pierre Tremblay.

Encore tôt

Ces résultats préliminaires surprennent en partie l'équipe de recherche.

Si le territoire de la seigneurie de Beaupré est représentatif des autres secteurs autour, la cohorte [de juvéniles] est en mauvais état, explique M. Tremblay. Ces jeunes forment année après année une grande partie de la population d'orignaux.

Il est cependant encore trop tôt pour déceler une tendance, d'après M. Tremblay. Selon lui, d'autres facteurs pour lesquels des données seront nécessaires sont à prendre en considération, comme la composition de l'habitat (type de végétation) et la densité des cheptels.

Le spécialiste en gestion des populations de cervidés a insisté sur l’importance de bien informer la population avant de procéder à quelque opération que ce soit sur le cheptel du parc-nature.

Le biologiste Jean-Pierre Tremblay dirige cette vaste étude sur la tique d'hiver dans un contexte de changement climatique. (Archives)

Photo : Radio-Canada / Pier Gagné

Il pourrait aussi ne s'agir que d'une année à oublier pour les orignaux de la seigneurie de Beaupré. À ce stade de l’étude, il est difficile d’évaluer l’effet de cette mortalité des veaux sur la population d’orignaux de la région de la Capitale-Nationale, puisqu’une seule mauvaise année pourrait n'être qu'un mauvais souvenir si les conditions s’améliorent par la suite.

La tique d'hiver, reconnue pour avoir fait des ravages en Nouvelle-Angleterre, aux États-Unis, tolérerait moins les hivers rigoureux du Québec. Mais dans un contexte de changement climatique, il est possible que sa progression soit plus rapide que prévu vers le nord.

Des printemps plus hâtifs et des étés pluvieux favoriseraient sa prolifération. Un printemps tardif et les sécheresses, au contraire, pourraient contribuer à diminuer leur nombre et leur force l'hiver venu.

De nouvelles captures d'orignaux seront réalisées au cours de l'hiver 2023.

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