Pérou : deux morts lors des manifestations contre la nouvelle présidente

Des manifestants réclament des élections présidentielles et la fermeture du Congrès après l'arrestation du dirigeant péruvien Pedro Castillo.
Photo : Reuters / STRINGER
Deux personnes sont mortes et au moins cinq ont été blessées dimanche, au Pérou, lors de manifestations grandissantes contre la nouvelle présidente Dina Boluarte après le coup d'État manqué et de l'arrestation de l'ancien président Pedro Castillo.
Signe de la tension qui monte : une séance au Congrès sur la situation dans le pays a été suspendue après des incidents. Des images publiées sur les réseaux sociaux montrent un homme donner un coup de poing par derrière à un autre dans une allée de l'hémicycle puis une bousculade au centre de celle-ci, sans qu'il soit possible de savoir la cause. La séance était toujours suspendue dimanche en début de soirée.
Les protestations se sont multipliées à travers le pays, notamment dans les villes du nord et des Andes. Des milliers de personnes se sont mobilisées dans les rues de Cajamarca, Arequipa, Tacna, Andahuaylas, Cusco et Puno, réclamant la libération de l'ancien chef de l'État et de nouvelles élections, tout en appelant à une grève nationale.
Nous regrettons la mort de deux personnes et plusieurs blessés dans des affrontements. J'exhorte la population à rester calme
, a déclaré le ministre de l'Intérieur César Cervantes à la radio RPP, peu après un premier bilan de la police faisant état d'une morte – une adolescente – et cinq blessés.
La vie d'aucun Péruvien ne mérite d'être sacrifiée pour des intérêts politiques. Je réitère mon appel au dialogue et à la renonciation à la violence
, a lancé la présidente sur Twitter.
La veille, des affrontements à Andahuaylas (sud) s'étaient soldés par un bilan de 20 blessés (16 civils et 4 policiers). Les violences ont repris dimanche avec des tirs de gaz lacrymogènes de la police et des jets de pierre de manifestants.
Des renforts de la police anti-émeute devaient arriver par avion pour contenir les manifestations, a-t-on appris auprès de la police.
Andahuaylas, située dans la région d'Apurimac, est la région d'origine de Mme Boluarte, qualifiée de traitresse
par les partisans de l'ex-président destitué.
Le poste de police de Huancabamba, une ville d'Apurimac, a été incendié, selon la radio RPP.
À Lima, entre 1000 et 2000 personnes ont manifesté devant le Congrès aux cris de Castillo tu n'es pas seul, le peuple te soutient
et brandissaient des pancartes accusant Dina [Boluarte] et le Congrès
d'être des rats corrompus
. Les manifestants ont été dispersés avec des gaz lacrymogènes, dimanche en début de soirée.
Lima a toujours tourné le dos à M. Castillo, enseignant rural et leader syndical déconnecté des élites, tandis qu'il était soutenu par les régions andines depuis les élections de 2021.
Des syndicats agraires et des organisations sociales paysannes et indigènes ont appelé à une grève indéfinie
à partir de mardi, rejetant le Congrès et demandant des élections anticipées et une nouvelle constitution.
Selon le communiqué du Front agraire et rural du Pérou, qui demande la libération immédiate
de M. Castillo, celui-ci n'a pas perpétré de coup d'État
lorsqu'il a tenté, le 7 décembre, de dissoudre le Parlement et d'instaurer l'état d'urgence.
Il a été arrêté quelques heures plus tard par son propre garde du corps alors qu'il se rendait à l'ambassade du Mexique pour demander l'asile politique. Il est accusé de rébellion
.
Transition ou non?
Mme Boluarte, vice-présidente jusqu'à son investiture le 7 décembre après la destitution de M. Castillo, a formé samedi un gouvernement au profil indépendant et technique, avec un ancien procureur, Pedro Angulo, comme premier ministre.
Jusqu'à présent, la présidente n'a pas été claire sur la grande question : est-ce un gouvernement de transition ou un gouvernement qui a l'intention de rester jusqu'en 2026?
, a déclaré à l'AFP l'analyste politique Giovanna Peñaflor.
La demande de nouvelles élections est associée à un rejet massif du Congrès. Selon les sondages de novembre, 86 % des Péruviens désapprouvent le Parlement.
Vendredi, Mme Boluarte n'avait pas exclu de convoquer des élections anticipées afin de trouver une sortie pacifique à la crise politique.
Parallèlement, la théorie avancée par l'ancien chef de cabinet et l'avocat de M. Castillo selon laquelle l'ancien président a été drogué à son insu lors de la tentative de coup d'État ratée, passionne le pays.
Dans une lettre que M. Castillo aurait écrite en prison, celui-ci assure qu'un médecin et des infirmières camouflés
et un procureur sans visage
(cagoulé) l'ont forcé
à faire des prélèvements sanguins sans son consentement, évoquant un plan machiavélique
.
Le président de l'Institut de médecine légale, Francisco Brizuela, a indiqué que l'ex-président avait refusé de se soumettre
aux tests.