Un pomiculteur de l’Î.-P.-É. doit payer des milliers de dollars à d’ex-employés étrangers
Les bureaux des entreprises Canadian Nectar Products et Fruits Canada dans le centre commercial Down East à Montague en août 2022.
Photo : Radio-Canada / Carolyn Ryan
La Direction des normes d’emploi de l’Île-du-Prince-Édouard a ordonné à un producteur de fruits du comté de Kings de payer des milliers de dollars à quatre travailleurs étrangers qui ont refusé de participer à un stratagème financier.
L’entreprise Canadian Nectar Products doit payer à d’anciens employés des sommes qui varient d’environ 5000 $ à près de 15 000 $, et l’entreprise affiliée Fruits Canada doit payer 233 $ à un ancien employé. Il s’agit dans chaque cas de salaires non versés.
Ces entreprises et d’autres avec lesquelles elles ont des liens font l’objet d’une enquête de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) pour des allégations similaires. Des travailleurs soutiennent que leur employeur a exigé de l’argent comptant en échange de chèques de paie d’une valeur inférieure.
Les travailleurs avaient besoin de chèques de paie afin de prouver qu’ils travaillaient légalement au Canada dans le cadre de leur demande de résidence permanente.
Les enquêteurs de l’ASFCCanadian Nectar Products et de trois autres entreprises agricoles dans l’est de la province en juin. Les perquisitions ont donné lieu à la saisie de documents, d’ordinateurs et d’autres éléments de preuve potentielle.
ont fait des perquisitions dans les bureaux deDans sa demande de mandat de perquisition, l’ASFCCanadian Nectar Products auraient été commises sur cinq ans, du 28 février 2017 au 21 juin 2022, date de la demande.
explique que les infractions présumées attribuées àÀ lire aussi :
La Direction des normes d’emploi présume que l’employeur a retenu le salaire des travailleurs qui ont refusé de participer au stratagème.
Dans une décision rendue en août 2022 au sujet de Canadian Nectar Products, l’agent en chef des normes d’emploi, Robert Yeo, explique que tous les plaignants devaient payer leur employeur pour travailler et qu’ils devaient lui rendre des milliers de dollars. M. Yeo ajoute que le versement du salaire à ces travailleurs était conditionnel au paiement des sommes en argent comptant que leur employeur exigeait.
Il n’a pas été possible d'obtenir des commentaires de Kamalpreet Khaira, copropriétaire de Canadian Nectar Products et de Fruits Canada.
L’ancienne députée fédérale libérale Sheila Copps, qui a appuyé l’implantation de Canadian Nectar Products dans la province en 2014, affirme qu’elle n’est plus mêlée aux affaires de l’entreprise depuis plusieurs années.
L’ex-député fédéral conservateur Gurmant Grewal, qui a été autrefois copropriétaire de Canadian Nectar Products, dit qu’il n’y est plus mêlé depuis 2017.
Les plaintes des travailleurs
La Direction des normes d’emploi s’est penchée sur des messages textes et des courriels échangés par ces travailleurs et des gestionnaires de l’entreprise.
Dans l’un de ces échanges de messages textes, un superviseur demande à l’un de ces travailleurs s’il a pris un congé. L’employé répond qu’il n’ira pas travailler le lendemain parce qu’un autre superviseur le lui interdit, à moins qu’il n'accepte ces chèques. Les deux interlocuteurs s’accusent ensuite mutuellement de mentir et l’employé demande au superviseur de ne plus le contacter.
Un travailleur se plaint d’avoir eu à payer 600 $ comptants pour recevoir un chèque de 499,70 $, selon un document de la Direction des normes d’emploi. Ce travailleur s’est aussi plaint d’avoir eu à payer environ 4500 $ pour recevoir quatre chèques de paie totalisant 3552,76 $.
Selon les travailleurs, l’employeur leur a dit qu’ils devaient lui rembourser le coût de leur billet d’avion, ce qui contrevient aux règles du gouvernement fédéral pour l’embauche de travailleurs étrangers temporaires.
Un travailleur soutient que l’employeur a cessé de leur donner des chèques de paie lorsqu’ils n’avaient plus les moyens de payer les sommes exigées en argent comptant. Leurs proches dans leur pays d’origine ont dû leur envoyer de l’argent pour qu’ils puissent subvenir à leurs besoins.
La Direction des normes d’emploi a aussi déterminé que l’employeur n’a pas payé des heures supplémentaires de travail effectuées par deux travailleurs en octobre et en novembre 2021 durant les récoltes.
C’est très injuste. C’était extrêmement stressant de travailler là
, affirme l’un des travailleurs, selon une traduction anglaise de sa déclaration faite sous serment.
Peu de réactions de l'entreprise
Avant de rendre sa décision, la Direction des normes d’emploi a présenté à Canadian Nectar Products des copies des messages textes et d’autres preuves en lui donnant l’occasion de répliquer aux allégations des travailleurs. Mais, selon les autorités provinciales, l’entreprise n’a fourni aucune réponse.
L’entreprise a toutefois répondu aux autorités quand elles lui ont demandé ses documents de paie. Selon la province, un représentant a indiqué en juillet qu'elle n’avait plus ces documents, parce que l’ASFC
les avait saisis en juin.La Direction des normes d’emploi lui a ordonné de payer les travailleurs de toute façon.
Il est quelque peu étonnant qu’aucune copie de ces documents n’ait été conservée
, souligne Robert Yeo dans sa décision.
Canadian Nectar Products disposait de dix jours pour porter en appel l’ordonnance de paiement que la Direction des normes d’emploi a produite le 11 août dernier.
Le ministère de la Croissance économique, du Tourisme et de la Culture ne fait pas de commentaires, mais il indique que la question des salaires impayés pourrait se retrouver devant la Cour suprême de l’Île-du-Prince-Édouard.
D’après un reportage de Brian Higgins, de CBC