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La vente de l’ancien hôpital de la Miséricorde au privé suscite des inquiétudes

Un des bâtiments de l'ancien hôpital.

Les bâtiments de l'ancien hôpital de la Miséricorde, situés boulevard René-Lévesque, à Montréal, sont inoccupés depuis près de 10 ans.

Photo : Radio-Canada / Philippe-Antoine Saulnier

Clôturé et cadenassé, l'ancien hôpital de la Miséricorde passe pratiquement inaperçu, même s'il occupe un quadrilatère complet en plein centre-ville, à l'angle du boulevard René-Lévesque et de la rue Saint-Hubert.

Alors que le bâtiment est désaffecté depuis 10 ans, le gouvernement du Québec prépare sa mise en vente. Une perspective qui inquiète les organismes du quartier, qui craignent que cela ne mette en péril la construction de logements sociaux si un promoteur privé met la main sur le site.

Quelles seront les recommandations du courtier pour sa mise en marché, est-ce qu'il y aura une grande part attribuée au privé? se demande le coordonnateur de la Table de concertation du Faubourg Saint-Laurent, Marc-André Fortin.

« Ça entre en contradiction avec le projet qu'on mettait de l'avant. Nous, évidemment, on visait un redéveloppement 100 % social et communautaire sur le site. »

— Une citation de  Marc-André Fortin, coordonnateur de la Table de concertation du Faubourg Saint-Laurent
Marc-André Fortin en entrevue.

Le coordonnateur de la Table de concertation du Faubourg Saint-Laurent, Marc-André Fortin

Photo : Radio-Canada

La Table de concertation fait partie d'un regroupement d'organismes qui travaillent depuis une décennie sur un projet de logements sociaux et communautaires sur le site de l'ancien hôpital. Ces organismes espèrent que la Ville de Montréal pourra porter leur voix, alors qu'elle siégera au comité directeur mis sur pied pour établir les paramètres d'une transaction.

La Ville de Montréal ne veut pas d'un site « terriblement vétuste »

Les bâtiments, qui appartiennent au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), sont vacants depuis 2013. L'an dernier, la Ville de Montréal a présenté sa vision pour redévelopper le site, qui est au diapason avec celle des organismes du quartier.

L'administration Plante souhaite notamment la construction de 90 logements sociaux, de 80 logements abordables pour les étudiants, de 130 ateliers d'artistes et de 60 studios rattachés à la Maison du Père et qui seraient destinés à des aînés ayant connu l'itinérance.

Mais la Ville ne veut pas devenir propriétaire de l'endroit. Il y a cinq ans, le MSSS avait proposé de lui céder l'ancien hôpital, mais sans aide financière pour sa réfection.

C'est terriblement vétuste et ce sont des éléments d'architecture d'intérêt patrimonial très importants, alors il faut conserver tout ça. Il y a des parties qui sont vraiment complètement finies, ça va coûter énormément d'argent et la Ville ne peut pas, elle seule, articuler la vision et faire en sorte que ça se construise, explique le responsable de l'habitation au comité exécutif, Benoit Dorais.

Un graphique représentant la vision de reconversion pour chaque bâtiment.
Agrandir l’image (Nouvelle fenêtre)

La vision de reconversion de la Ville de Montréal pour l'ancien hôpital de la Miséricorde

Photo : Ville de Montréal

Le privé appelé à la rescousse

Plusieurs bâtiments sont en piteux état, selon le document préparé par la Ville pour exposer sa vision de la reconversion du site.

On fait notamment état d'un déficit d’entretien très important et d'une instabilité structurale dans certains pavillons, ainsi que de problèmes de fondations. Les systèmes électromécaniques sont aussi grandement endommagés et arrivés à la fin de leur vie utile.

Une cure de jouvence de plusieurs millions de dollars serait nécessaire pour remettre les bâtiments aux normes. Ne voulant pas lui-même s'acquitter de la tâche, le gouvernement du Québec se tourne donc vers le privé. On fait le pari qu'un promoteur pourra rentabiliser la construction de logements sociaux sur le site en y érigeant aussi une tour à condos.

Une éventualité qui fait sourciller Valérie Richard, la présidente de la Coopérative d'habitation Testan, un organisme fondé dans l'espoir de développer des logements familiaux et pour les personnes seules sur le site de l'ancien hôpital de la Miséricorde.

On a de la difficulté à imaginer que ce soit quelque chose qui intéresse vraiment un promoteur privé. J'aimerais vraiment voir ça arriver, mais ça nous inquiète vraiment de penser que ce soit possible, cette cohabitation-là, dit-elle.

« Je ne suis pas certaine que l'idée de cohabiter à côté d'un logement qui est mis à dispositions de personnes aînées qui ont vécu l'itinérance soit quelque chose de très vendeur pour le promoteur. »

— Une citation de  Valérie Richard, présidente de la Coopérative d'habitation Testan
Valérie Richard en entrevue.

La présidente de la Coopérative d'habitation Testan, Valérie Richard

Photo : Radio-Canada

Le MSSS assure qu'il y aura du logement social

Le MSSS affirme que les attentes au sujet de la construction de logements sociaux seront énoncées aux promoteurs potentiels dans le cadre de la démarche de mise en marché. Le souhait est de permettre aux promoteurs de faire les meilleures propositions de développement, tout en assurant que des volets sociaux et communautaires bénéficient d'une juste part, a précisé une porte-parole dans un courriel.

La Ville de Montréal a aussi été invitée à siéger au comité directeur qui pilotera la vente du site, qui regroupe également des représentants du MSSS, du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal et de la Société québécoise des infrastructures.

L'administration Plante compte bien y mettre de l'avant sa vision pour la reconversion de l'ancien hôpital.

« Si le gouvernement du Québec a une volonté politique de sauver sa propriété, au sein d'un endroit où on a besoin de logement social, ce sera possible. »

— Une citation de  Benoit Dorais, responsable de l'habitation au comité exécutif de la Ville de Montréal

Tout sera dans l'appel de projets avec des critères qui pourront être pris en compte dans la vision qu'on a développée, poursuit-il.

Benoit Dorais en entrevue.

Le vice-président du comité exécutif et responsable de l'habitation à la Ville de Montréal, Benoit Dorais

Photo : Radio-Canada

Les organismes du quartier n'en attendent pas moins. Notre souhait, c'est que la Ville fasse briller le projet qu'elle a elle-même proposé en 2021 et qui ressemble à notre projet à nous. Le souhait, c'est qu'elle soit notre alliée. Ça reste à voir, dit Valérie Richard.

Plus on attend pour agir, plus ça coûte cher, plus les réparations sont importantes à faire, ajoute pour sa part Marc-André Fortin. Ce qui est assez fascinant, c'est que le gouvernement du Québec, au moment de vider l'édifice, n'avait aucun plan pour le redéveloppement. Là, on vit avec les conséquences de cet attentisme-là.

Le MSSS fera un appel de propositions au cours des prochains mois pour le redéveloppement du site de l'ancien hôpital. Il indique que les projets seront évalués au cas par cas, selon le prix offert et la probabilité qu'ils voient le jour. On souhaite qu'une transaction soit conclue d'ici la fin de l'année prochaine.

Un lieu chargé d'histoire

La construction de l'hôpital et du couvent, géré par les Sœurs de la Miséricorde, a commencé en 1853 et les derniers bâtiments ont été construits en 1947. L'établissement, qui est devenu un centre de soins de longue durée, le CHSLD Jacques-Viger, en 1975, était auparavant une maternité pour les mères célibataires, celles qu'on appelait les filles-mères à l'époque.

Des centaines de milliers de femmes y ont accouché et bon nombre d'entre elles ont été contraintes de laisser leur enfant en adoption, vu la réprobation entourant les naissances hors mariage.

Caroline Masse fait partie des derniers enfants nés à l'hôpital de la Miséricorde. Elle est aujourd'hui la porte-parole du projet de Musée de la Miséricorde, qui vise la création d'un espace muséal dans la chapelle qui donne sur le boulevard René-Lévesque pour que la mémoire de l'endroit soit préservée.

Une image de l'intérieur de la chapelle.

L'intérieur de la chapelle de la Miséricorde

Photo : Ville de Montréal

Moi, je suis une des 300 000 enfants nés là. Ça veut dire que ça concerne environ un million de personnes au 20e siècle, dont beaucoup de descendants aujourd'hui, des enfants, des petits-enfants. Et cette histoire-là n'est racontée nulle part. Pour moi, ces murs-là racontent cette histoire-là, il n'y a aucun musée, aucun endroit qui raconte ça, affirme Mme Masse.

Elle espère que l'endroit va conserver une certaine vocation sociale, ce qui était le cas à l'époque des Sœurs de la Miséricorde quand elles ont cédé le site au gouvernement du Québec. Dans quelle mesure la Ville est-elle à la table de négociations, dans quelle mesure elle va réussir à pousser pour que le projet demeure le plus près possible de ce qu'elle aurait souhaité? Ce qu'il va falloir voir, c'est la part qui va rester au communautaire et au social.

Caroline Masse en entrevue.

Caroline Masse, porte-parole du projet de Musée de l'histoire de La Miséricorde

Photo : Radio-Canada

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