La Ville ne respecte pas ses propres lois, disent les opposants au tramway

Les opposants au projet de tramway reprochent à la Ville de Québec de contrevenir à deux règlements de sa charte.
Photo : Gracieuseté : Ville de Québec
La Ville de Québec va à l’encontre de ses propres règlements en ne tenant pas de consultation populaire sur le tramway, selon les avocats de Québec mérite mieux (QMM). Ils soutiennent que les projets pouvant être exemptés de l’obligation référendaire n’incluent nullement ceux de transport en commun.
Au deuxième jour du procès intenté par QMM
contre la Ville de Québec et le gouvernement du Québec, l’avocat plaidant pour les demandeurs, Me Guy Bertrand, a tenté de convaincre le juge Clément Samson qu’il n’avait pas d’autre choix que d’ordonner la tenue d’un référendum sur le tramway.L’avocat des opposants prétend que l'administration Marchand ne peut invoquer le deuxième alinéa de l’article 74.4 de la Charte de la Ville de Québec pour justifier sa décision de ne pas organiser de référendum sur le tramway.
L’alinéa en question précise que le conseil municipal peut, par règlement, soustraire au processus référendaire un projet qui est relatif à de grandes infrastructures, tels un aéroport, un port, une gare, une cour ou une gare de triage ou un établissement d’assainissement, de filtration ou d’épuration des eaux
.
Débat sémantique
Pour la Municipalité, l’expression grandes infrastructures
inclut de facto les projets de transport en commun. Une interprétation que ne partage pas Me Guy Bertrand.
Ce dernier affirme que les exemples mentionnés à l’alinéa 2 concernent tous des projets localisés à un endroit précis du territoire. Il n’est nulle part question de projet s’étendant sur l’ensemble du territoire.
Il n’y a rien de comparable entre un aéroport ou une gare de triage et un tramway de 20 km de long. [...] Ce n’est pas comparable. [Inclure le tramway dans les exceptions] n’a aucun sens. C’est illogique
, s'est exclamé Me Bertrand.
« Un aéroport, une gare ou une usine d’épuration des eaux, c’est localisé. [Le législateur n’a] jamais [eu en tête] quelque chose qui va s'étendre sur tous les arrondissements. »
QMM
ajoute que la Ville ne peut pas non plus invoquer le règlement 74.5.2 de sa charte, puisqu’elle n’a pas respecté les dispositions de la loi sur l’autonomie municipale.Cette dernière stipule entre autres que, pour soustraire un projet du processus d’approbation référendaire, la Ville doit respecter les exigences du règlement 80.3 de ladite loi, dont la consultation des citoyens en amont de la prise de décision
(alinéa 2).
Référendum obligatoire
Malgré qu'on a modifié la loi pour enlever le référendum, il y avait une condition : lorsque vous respecterez les conditions de la participation publique, c'est-à-dire de faire des consultations en amont de la prise de décision. Donc, avant de choisir le tramway, vous deviez faire des consultations. Et quand le choix a été fait, il était trop tard. La consultation en amont n'était plus possible. Donc, à ce moment-là, le référendum redevient obligatoire
, a expliqué Me Bertrand lors d’une mêlée de presse, au terme de sa plaidoirie.
Même s’il n’y a aucun cas dans la jurisprudence, l’avocat est persuadé que le juge Clément Samson, de la Cour supérieure, a le pouvoir d’ordonner la tenue d’un référendum.
C'est son pouvoir de surveillance et de contrôle, son pouvoir d'intervenir si une injustice a été commise. Alors, comment réparer l'atteinte à la liberté d'expression? Le meilleur remède, c'est de dire : vous n'avez pas pu vous exprimer, bien on va vous donner le droit de le faire.
Me Bertrand a ensuite présenté ses arguments visant à convaincre le juge Samson d’annuler les décrets permettant à la Ville de Québec de lancer les appels de propositions pour la construction du tramway.
Selon lui, le gouvernement Legault n’aurait jamais dû signer les décrets, puisque le projet a été contaminé
dès le départ par les duperies
, les tromperies
et les mensonges
de ses promoteurs.
« Ce processus-là est taré au début et ça ne peut se purifier par un règlement ou un décret [...]. On ne blanchit pas ce qui est sale au départ, ce qui n’est pas propre. »
Me Bertrand a reproché à l’ancien maire Régis Labeaume d’avoir fait campagne, en 2017, sans jamais faire allusion au projet de tramway qui, selon lui, était à ce moment déjà en cours de préparation.
3 milliards $
L'avocat allègue que le premier ministre de l’époque, Philippe Couillard, avait offert à Régis Labeaume la somme de 3 milliards pour la réalisation du projet bien avant la campagne.
Il a ajouté que des fonctionnaires ont reçu l’ordre de travailler sur le projet sans que le conseil municipal ou le comité exécutif en aient été informés, ce qui est illégal.
L’avocat a terminé sa plaidoirie un peu avant 16 heures. Le procès a été ajourné jusqu’à 9 h, mercredi.
Ce sera alors au tour des procureurs de la Ville de Québec de faire entendre leurs arguments. Ils seront suivis par ceux du gouvernement du Québec.
Avec la collaboration de Yannick Bergeron