La formation, élément clé de l’adaptation aux changements climatiques
Une formation en continu conçue pour les ingénieurs, les architectes et les urbanistes du Québec sera offerte en ligne à compter du printemps prochain.

Les dégâts comme ceux provoqués par la tempête Fiona, qui a emporté partiellement le château Dubuc (photo), en Gaspésie, en septembre dernier, militent pour une meilleure adaptation aux changements climatiques (archives).
Photo : Radio-Canada / Louis Pelchat-Labelle
La Ville de Québec et le gouvernement fédéral sont les plus récentes autorité publiques à souligner l’importance de l’adaptation de l’environnement bâti aux inondations, aux tempêtes et aux autres aléas du climat. Or, le cursus des professionnels concernés au premier chef par la révision des normes de construction – ingénieurs, architectes et urbanistes – ne les a pas forcément préparés à relever pareil défi. Une formation sur l'adaptation aux changements climatiques mise au point par l’Université Laval et par ses partenaires a justement pour but de combler cette lacune.
La formation en cours de préparation vise à accroître les compétences et les capacités des professionnels du génie, de l’architecture et de l’urbanisme, notamment, à rendre l’environnement bâti et l’aménagement du territoire québécois plus résilients aux changements climatiques
.
Selon Isabelle Charron, cheffe de l'équipe Transfert des connaissances et formation
chez Ouranos, un consortium de recherche, l’enseignement de ces savoirs tarde à s’imposer dans les programmes offerts par les cégeps et par les universités du Québec.
Cursus perfectible
Les ingénieurs, les architectes et les urbanistes ne voient presque pas du tout comment intégrer les changements climatiques dans leurs pratiques, ou encore pas de manière assez approfondie pour sortir d'un cursus universitaire et être capables de le faire
, mentionne-t-elle en entrevue à Radio-Canada.
« C'est certain que le besoin de formation est criant partout au Canada [...]. L'adaptation aux changements climatiques, ce n'est pas quelque chose qui est très bien inséré dans le cursus au cégep et même à l’université. »
Pour remédier à la situation, Québec et Ottawa ont confié à Ouranos et à l’Observatoire québécois de l’adaptation aux changements climatiques (OQACC), un organisme qui relève de l’Université Laval, le mandat d’élaborer une formation en continu destinée aux ingénieurs, aux architectes et aux urbanistes en partenariat avec leurs ordres professionnels respectifs.
En travaillant avec les trois ordres, on s'assure de mieux répondre à leurs besoins, [non seulement] leurs besoins ressentis mais aussi les besoins qu’on pense nécessaires à leur travail mais qu’ils ne connaissent peut-être pas
, indique le directeur de l’OQACC , Pierre Valois, qui est également professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval.
En ligne
Hébergée sur la plateforme Maestro de l’Ordre des ingénieurs du Québec, cette formation d’une durée de 15 heures sera dispensée en ligne de manière asynchrone et divisée en cinq modules autoportants.
Il ne s’agit donc pas d’une formation offerte par l’Université Laval, et ce, même si cet établissement participe à son élaboration par l’intermédiaire de l’OQACC
.Le contenu enseigné sera le même pour chaque corps de métier, mais il comportera des exemples propres aux ingénieurs, aux architectes et aux urbanistes.
Ça veut dire qu'un ingénieur qui ferait la formation aurait aussi accès aux exercices qui pourraient être destinés à l'urbaniste, par exemple, pour bien comprendre qu'une situation donnée pourrait être vue ou pourrait être interprétée différemment par un type de professionnel plutôt qu'un autre
, explique Pierre Valois.
Pluridisciplinarité
En plus de partager diverses façons d’aborder les problématiques liées aux changements climatiques, cette approche pluridisciplinaire favorise, selon M. Valois, l’adaptation au sein des organisations, gouvernementales ou autres, et de la population en général.
« Travailler en collaboration avec les ordres et les ministères, c'est important, parce qu'on s'assure d'arrimer les messages qu'on veut passer avec les leurs aussi. [...] Cette méthode de travail permet d'inciter les gens ou des municipalités à s'adapter davantage. »
Chaque étudiant pourra suivre la formation à son rythme. À la fin de chaque module, il sera invité à répondre à des questions pour vérifier qu’il a bien compris la matière enseignée.
Il n'y a pas de travaux individuels. [Les participants] ne vont pas passer des heures en plus des 15 heures [de formation] qu'ils suivent. Les petits quiz ou les questions d'évaluation, les questions de compréhension sont à même les 15 heures [de formation] que les gens doivent suivre
, précise Isabelle Charron.
L’étudiant qui aura complété la formation pourra se faire créditer des heures auprès de son ordre professionnel.
Québec investit 300 M$
L’adaptation aux changements climatiques est une préoccupation partagée par un nombre croissant de gouvernements, d’organisations, d’entreprises et de citoyens.
Lors de la présentation de son budget 2023, lundi, la Ville de Québec a annoncé la création d’une réserve financière destinée à assurer la pérennité et le développement des grandes infrastructures sur son territoire
. Dès l’an prochain, la Municipalité va y investir près de 15 millions de dollars. Elle prévoit accumuler la somme de 300 millions d’ici 2028.
Le maire de Québec, Bruno Marchand, a indiqué mercredi que les changements climatiques allaient inévitablement avoir des conséquences sur la ville, sur ses infrastructures et sur ses citoyens, d’où l’importance, selon lui, de s’y préparer dès maintenant.
Parmi les scénarios possibles, il a évoqué l’érosion des berges et d’éventuels bris pouvant survenir sur les routes ou dans les réseaux techniques urbains, notamment les égouts.
C'est l'ensemble des considérants qu'on va avoir à vivre compte tenu des changements climatiques : adapter nos structures, adapter nos infrastructures, adapter nos bâtiments pour faire en sorte qu'on passe à travers cette crise-là et éviter les conséquences le plus possible aux citoyens
, a précisé le maire lors d’une mêlée de presse à l’hôtel de ville.
Ottawa s'y met aussi
Quelques jours plus tôt, le gouvernement fédéral a lancé sa toute première stratégie d’adaptation aux changements climatiques, dans laquelle il investira 1,6 milliard.
« L’adaptation consiste à trouver de nouvelles façons de prendre des décisions, de bâtir des collectivités et des entreprises, de se protéger mutuellement et de protéger les lieux que nous valorisons en prévision des impacts de ces changements climatiques. »
La Stratégie nationale d'adaptation du Canada prévoit notamment l'élaboration de nouvelles normes de construction pour rendre les futurs bâtiments plus résistants aux catastrophes naturelles, le tout dans le but de réduire les factures associées à ces désastres.
Le fédéral estime que cette seule mesure permettra de réaliser des économies annuelles pouvant s’élever à 4,7 milliards.
À écouter :
Pour donner un sens aux formations comme celle qui sera offerte le printemps prochain aux ingénieurs, aux architectes et aux urbanistes québécois, Isabelle Charron croit qu’il est essentiel que les gouvernements fassent leur bout de chemin.
Les professionnels à qui on s'adresse, même si on leur fournit beaucoup d'informations et s’ils comprennent qu'ils doivent s'adapter, si les normes ne suivent pas, eh bien, ils ne vont tout simplement pas faire ce qu'on leur dit qu'ils devraient faire
, plaide Mme Charron, titulaire d'un doctorat en écologie des forêts de l’Université de Calgary.
C'est absolument important qu'il y ait un mouvement à une plus grande échelle, cette mouvance de voir l'urgence, de s'adapter, puis de faire en sorte qu'il soit possible, pour les professionnels, de mettre ça en application
, ajoute-t-elle.
Le besoin de s’adapter à la fréquence de plus en plus élevée des événements météorologiques violents comme la tempête Fiona ne se limite pas aux professionnels de l’environnement bâti, loin de là.
Ouverte à tous
C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles la formation en cours de préparation pourra être suivie par toute personne qui s'intéresse à l’adaptation aux changements climatiques.
Ce qu'on veut, c'est qu'il y ait le plus de monde possible qui suive la formation, puis éventuellement, eh bien, peut-être l'adapter à une autre profession
, indique Pierre Valois.
Il évoque même la possibilité, un jour, d’intégrer la formation de 15 heures à un cours universitaire.