Québec veut sauvegarder l’église Saint-Édouard de La Baie
L’église Saint-Édouard, qui est fermée au culte depuis plusieurs années, est située dans le secteur de Port-Alfred à La Baie.
Photo : Radio-Canada / Myriam Gauthier
Québec souhaite sauvegarder l’église Saint-Édouard de l'arrondissement de La Baie malgré l’abandon du projet de bibliothèque par Saguenay, qui avait cité une explosion des coûts anticipés.
La ministre responsable du Saguenay-Lac-Saint-Jean et députée de Chicoutimi, Andrée Laforest, et le député de Dubuc, François Tremblay, ont rencontré lundi la corporation Patrimoine Saint-Édouard afin de savoir si les membres de l’organisme étaient prêts à faire une dernière tentative afin de sauver l’église, située au coeur de Port-Alfred, où il était projeté d'y aménager la bibliothèque municipale.
Ces derniers ont annoncé il y a deux semaines qu’ils mettaient un terme à leurs activités à la suite de la décision de la Ville. Les membres de la corporation se disaient alors déçus et à bout de souffle.
Selon François Tremblay, le bâtiment peut toujours être transformé bien que le projet de bibliothèque ait été abandonné.
On pourrait parler d’un projet autre que la bibliothèque, ça pourrait aussi être un projet qui rejoint deux ou trois ministères dans une approche qui pourrait rayonner au-delà même de Dubuc ou de la région. Je pense qu’il se dessine des options intéressantes
, a déclaré le député caquiste.
Le député rappelle néanmoins que c’est à Saguenay de décider ultimement du sort du bâtiment religieux. Québec est prêt à accompagner la Ville.
On va y aller avec les bonnes étapes. Par la suite, si Saguenay voit encore un intérêt à la sauvegarde de l’église Saint-Édouard comme rendez-vous historique de conservation de notre patrimoine religieux, ce sera à Saguenay de jouer sa carte de prérogative pour embarquer.
De nouveaux programmes de Québec devraient être offerts au début de l’année pour la sauvegarde du patrimoine, selon François Tremblay. Une prochaine rencontre est prévue avec la corporation pour le début de l’hiver afin de trouver une solution au dossier d’ici le printemps.
Le patrimoine religieux dans le discours inaugural
La rencontre de lundi prend tout son sens alors que la sauvegarde du patrimoine religieux fait partie des engagements électoraux du gouvernement Legault. Le premier ministre l’a d’ailleurs rappelé dans son discours d’ouverture mercredi.
L'autre chose qu'on a à faire aussi dans toutes les régions, c'est le patrimoine religieux, hein? J'ai fait cette annonce-là avec le député dans Portneuf, là. C'est important. Ça fait partie de notre histoire, ça fait partie de notre patrimoine. Il faut en faire plus pour protéger notre patrimoine religieux
, a annoncé le premier ministre au Salon bleu.
La corporation ouverte à d’autres options
De son côté, la corporation Patrimoine Saint-Édouard se dit ouverte à explorer d’autres options. Elle compte toujours mettre fin à ses activités dans les prochains mois, à moins d’un revirement de situation.
Le président, Martin St-Pierre, a indiqué que la corporation demeure ouverte, tant du côté politique, des partenaires et de la population, pour évaluer d’autres options. Tous les scénarios sont sur la table, mais aucune orientation n’a encore été prise par l’organisme.
Ses membres ne souhaitent cependant pas accorder d’entrevue enregistrée, car le conseil d’administration veut laisser retomber la poussière.
Raynald Simard ravi
À la suite de l’annonce de l’abandon du projet, la déception a été grande, dans le milieu.
Une grande déception, écoutez… Je pense que la population y croyait à ce projet-là, on y croyait aussi comme élus
, a affirmé le conseiller municipal de Port-Alfred et président de l’arrondissement de La Baie, Raynald Simard.
Le désir de Québec de sauver l’église Saint-Édouard donne toutefois de l’espoir.
C’est une nouvelle qui a fait ma journée, carrément. (...) De voir que Québec prenne la balle au bond, comme ça et qu’ils réagissent, puis qu’ils veulent travailler un autre projet autre que la bibliothèque, écoutez, je suis tout à fait, je suis tout à fait content de cette situation-là
, a-t-il lancé.
Raynald Simard, qui avait appuyé le projet dès sa première campagne électorale en 2017, attend de voir ce que Québec peut proposer.
On laisser venir Québec à nous, à savoir qu’est-ce qu’eux autres, les programmes qu’ils ont à offrir. On devra s'asseoir avec notre conseil de ville et notre mairesse pour connaître leur opinion aussi
, a-t-il dit aussi.
Les conseillers baieriverains ont déjà commencé à travailler sur la modernisation de la bibliothèque de La Baie qui est située dans la partie arrière du Théâtre du Palais municipal. Lors de l’abandon du projet, il avait été précisé que les 6,5 M$ prévus par Saguenay dans la conversion de l’église allaient plutôt servir à rénover l’installation actuelle jugée désuète. Lors du conseil d'arrondissement de La Baie, mardi, Raynald Simard a précisé qu'il pourrait aussi s'agir d'une bâtisse neuve et qu'elle pourrait être située à un autre endroit.
Une somme de 700 000 $, qui avait été allongée par Saguenay pour compléter la portion de 1,5 M$ demandée à la communauté, doit servir à la sauvegarde de l’église Saint-Édouard.
Une grande valeur patrimoniale
Pour le professeur d’histoire à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) François-Olivier Dorais, il s’agit d’un bâtiment qui a une grande valeur patrimoniale.
Je pense que c’est une très bonne nouvelle, cette église-là doit être préservée pour plusieurs raisons. C’est une église qui a une signification historique importante, une signification architecturale importante. J’ajouterais qu’au-delà de l’aspect patrimonial, la sauvegarde des églises, c’est un enjeu de gestion du territoire
, a-t-il mentionné.
L’historien estime que les églises peuvent encore être aujourd’hui des milieux de sociabilité en contribuant à la vie communautaire, en devenant des lieux de rencontre.
Il poursuit même en liant l’église, et Port-Alfred, à l’affirmation alors des Canadiens français.
La principale signification historique, c’est qu’elle était associée à la fondation d’une paroisse industrielle dans les années 20 qui s’inscrit dans le vaste projet de La Pulperie de Julien-Édouard-Alfred Dubuc qui avait créé à Port-Alfred une usine de pulpe chimique, alors qu’on faisait de la pulpe mécanique à Chicoutimi. Donc c’est vraiment associé à un projet, je dirais, industriel canadien-français. J.-É.-A. Dubuc voulait essentiellement insérer les Canadiens français dans l’économie régionale, faire compétition à Price
, a-t-il exposé.
Le projet de conversion de l’église en bibliothèque devait d’ailleurs servir à redynamiser un secteur très affecté économiquement depuis la fermeture et la démolition de la papeterie de la Consol au milieu des années 2000.
D'après un reportage de Myriam Gauthier