Entraide, solidarité et générosité au menu de La guignolée des médias
Préparez-vous à donner! Les bénévoles de La guignolée des médias sont dispersés aux quatre coins de la région de l’Estrie ce jeudi pour amasser vos dons au profit des banques alimentaires.

La guignolée des médias est de retour pour une 22e année.
Photo : Radio-Canada / Brigitte Marcoux
« J’entends dire : "J’ai ouvert ma vitre d’auto et j’ai donné cinq dollars, mais j’ai l’impression que je n’en [fais pas suffisamment]".» Pourtant, pour Pierre Balloffet, chaque don à son importance et permet à La guignolée de remplir sa mission : mettre un sourire sur les lèvres et de la nourriture sur la table de ceux qui bénéficient de ce coup de pouce dans un moment difficile.
Le professeur au Département d’entrepreneuriat et d’innovation à HEC Montréal estime que La guignolée des médias représente beaucoup plus qu’une récolte de dons pour les banques alimentaires. Il s’agit d’une éloquente illustration de l’esprit d’entraide qui caractérise le Québec. C’est un moment dans l’année où est exposé au grand jour le filet social tissé depuis des décennies par les organismes communautaires et leurs bénévoles.
C'est une de nos forces, cet esprit de communauté qu'on avait dans nos villages et qui se reconstitue aujourd'hui, y compris dans nos villes
, indique le spécialiste qui a été vice-président de la campagne de Centraide pour HEC au cours de la dernière année.
« Tout ça est une chaîne. Il y a un maillage qui est très étroit entre les différents organismes qui permet de soutenir nos communautés de façon très efficace. »
Claudine Roussel, qui s’occupe de coordonner La guignolée depuis 12 ans, elle est un témoin privilégié de cette collaboration communautaire. Journalistes, animateurs, techniciens et autres bénévoles de différents milieux de travail se déploient aux quatre coins de la ville pour solliciter les automobilistes. Ils collaborent l’espace d'une campagne pour le bien de ceux qui en arrachent, rappelle Claude Roussel qui vient d’un milieu modeste.
Je me rappelle lorsque j'étais une jeune adulte d'avoir eu à compter et à faire des choix. J’en ai mangé des nouilles ramens
, souligne-t-elle avec humour.
« J'adore la solidarité que ça crée au niveau des médias et au niveau des organismes. [Pendant l’année] tout le monde se bat pour une part de marché ou pour des parts de subventions disponibles. [À La guignolée] les médias vont tous dans le même sens et les organismes travaillent main dans la main. »
Technicienne juridique dans une autre vie, ces valeurs de solidarité et d'entraide ont aussi agi comme catalyseur dans son changement de carrière. Elle a, dans la mi-vingtaine, décidé de tirer un trait sur ce métier. Elle ressentait le besoin à ce moment de travailler davantage dans l’émotion, ce à quoi elle touche en étant depuis ce temps dans le domaine de l'événementiel.
Voir à la logistique de La guignolée m'anime, mais derrière ça, ce sont des humains qui choisissent de s'impliquer et de mettre en lumière l'insécurité alimentaire, explique-t-elle. Ça fait du bien. C’est le fun de porter ce message-là.
On demeure des humains et la valeur de lien est toujours très présente
, estime également Pierre Balloffet,. Aujourd'hui, ce qu’il y a de la valeur, c'est la proximité
, précise-t-il.
Des défis en période d’inflation
Cette guignolée 2022 revêt une signification particulière pour ceux qui s’y impliquent, puisque l’événement se tient dans sa forme originale après deux années marquées par la pandémie. Environ 130 bénévoles, vêtus de dossards et armés de contenants et de leur bonne humeur, sont installés à une quinzaine de points de collectes à travers Sherbrooke. C’est sans compter de nombreux autres bénévoles qui s'activent dans une dizaine de municipalités de la région comme Magog, Granby, Drummondville et Victoriaville.
Chrystelle Pasquet, qui est chargée des médias sociaux pour La guignolée, sait ce que cela signifie de devoir demander de l’aide alimentaire. La mère de deux enfants a dû faire appel à son centre de services scolaire pour obtenir un panier de Noël durant trois ans. À la suite d'une perte d'emploi, j'ai dû rester à la maison pour m'occuper d'un de mes enfants, raconte-t-elle. C’était difficile toute l’année, mais quand arrive Noël et qu'on a des enfants, c'était difficile de leur expliquer que Noël [allait être] différent chez nous.
Les besoins semblent d’ailleurs de plus en plus grands, en Estrie. La Fondation Christian Vachon révélait récemment que les demandes d’aide pour Noël avaient atteint un sommet depuis la création de l’organisme. Plusieurs autres organismes d’aide, comme Moisson Granby, ont vu les demandes d’aide doubler en un an.
« Ça jette une lumière sur le fait qu'il y a des gens pour qui cette période sera extrêmement difficile et qui ne seront pas en mesure de garnir la table et d'offrir des cadeaux aux enfants. »
Une inflation qui ne devrait pas avoir d’impacts sur les dons
L’organisation n’a pas l’habitude de se fixer d'objectif financier, mais elle est convaincue que la population va se montrer généreuse, malgré l’inflation.
Je ne sens pas que la crise que l'on vit va se transposer dans La guignolée
, estime avec optimisme Claudine Roussel. Elle constate avec joie que les entreprises et leurs travailleurs démontrent beaucoup d’intérêt à organiser des cueillettes de dons en argent et en denrées dans les milieux de travail. La possibilité de verser de l’argent en ligne permet aussi d’encaisser des dons individuels encore plus substantiels. Cela lui donne confiance quant au résultat final de la campagne, qui prend fin le 31 décembre.
Il y a des dons de 500 $ et de 1000 $ qui se font sur le site web. Les gens qui peuvent donner beaucoup donnent beaucoup. Ceux qui ne peuvent que donner peu ou donner leur petite monnaie le font avec le grand sourire.
Dons à La guignolée des médias en Estrie et Centre-du-Québec
2019 : 270 000 $
2020 : 440 000 $
2021 : 370 000 $
On voit bien la montée d'un certain nombre de besoins, ajoute Pierre Balloffet. Par contre, c’est une période assez unique où les gens ont besoin de se réengager. Ils ne savent pas toujours comment le faire. On a vécu deux ans assez difficiles. Cette volonté de se retrouver est très présente
, observe-t-il
Pour Chrystelle Pasquet, qui n’aura pas à faire de demande d’aide alimentaire cette année parce que la situation financière de sa famille a repris du mieux, elle croit pour sa part que tout le monde y gagne à soutenir les plus vulnérables lorsque cela est possible. On n’ira pas au Ritz à Noël avec les enfants même si on n'a plus besoin de panier de Noël. Mais on essaye d'aider de la façon dont on peut le faire.
« Tous les gens qui ont la chance de ne pas demander d'aide alimentaire devraient, dans un monde idéal, juste contribuer un tout petit peu. Je pense qu'il faut y porter une petite attention de plus à Noël. »