Radio Radio, premier groupe acadien à se lancer dans le « crypto art »
Certains sont tentés de les imiter, d’autres hésitent. L’attrait de l’industrie est encore récent et suscite beaucoup d’interrogations.

Radio Radio a profité de la sortie de « Bitcoin Blowup » pour lancer sa collection de jetons non fongibles.
Photo : Gracieuseté de Radio Radio
- Sarah Déry
Les jetons non fongibles (JNF), appelés non-fungible tokens (NFT) en anglais, font leur entrée dans la sphère artistique acadienne. Les membres du groupe Radio Radio viennent de lancer une collection de JNF et affirment être les premiers artistes acadiens à l’avoir fait.
Le groupe acadien Radio Radio a officiellement lancé sa collection de jetons non fongibles en novembre.
Gabriel L. B. Malenfant, membre du duo, soutient que Radio Radio a toujours été à l’affût des nouvelles technologies pour développer sa communauté et promouvoir sa musique.
On voulait s’informer et commencer une conversation. On voulait être un peu à l’avant-garde et créer un buzz.

Radio Radio a officiellement lancé sa collection de jetons non fongibles en novembre.
Photo : Radio-Canada / Gracieuseté/Radio Radio
Selon lui, les artistes doivent trouver de nouveaux moyens pour diversifier leurs revenus.
Avec les plateformes de diffusion en continu, [nos revenus] sont beaucoup plus bas qu’avant
, admet Gabriel L. B. Malenfant.
C'est quoi, un jeton non fongible?
Un jeton non fongible (JNF) est conçu pour représenter un exemplaire unique d’un objet numérique, comme une image, une pièce musicale ou une vidéo. Le jeton n'est pas dupliqué.
L’historique de propriété du jeton est conservé et accessible publiquement grâce à la technologie de la chaîne de blocs (blockchain). Si on obtient un JNF, on détient la preuve de possession d’un objet numérique.
Un concept en évolution
Le concept du JNF n’est pas nouveau, mais il a explosé en popularité en 2021, selon Jeff Yates, journaliste aux Décrypteurs, à Radio-Canada.
Il affirme que beaucoup d’artistes ont commencé à s’intéresser aux jetons non fongibles. C’est une autre façon de générer de l’argent avec son auditoire. C’est un objet qui est unique. Pour d’autres, le simple fait d’être propriétaire d’un objet numérique associé à un artiste, c’est intéressant.
C’est devenu un marché qui valait des centaines de millions de dollars, mais ça s’est estompé un peu depuis. [...] Les transactions sur les plus grandes plateformes de jeton non fongibles ont baissé de 80 % à 90 %.
La récente baisse de transactions de JNF s’inscrit dans un contexte plus large, soit celui de la chute de la valeur des cryptomonnaies au mois de mai dernier. Pour se plonger dans l’univers des jetons non fongibles, il faut généralement posséder de la cryptomonnaie.
La plupart des JNF vivent sur l’écosystème Ethereum. Pour acheter ou créer des JNF sur cette plateforme, il faut utiliser la cryptomonnaie ether
, précise Jeff Yates.

Jeff Yates, journaliste aux Décrypteurs, à Radio-Canada.
Photo : Radio-Canada
Radio Radio propose trois JNF différents, vendus entre 500 $ et 11 000 $. Ils doivent être achetés avec la cryptomonnaie ether.
Chaque JNF du groupe représente une œuvre visuelle numérique, mais propose également une expérience ou une œuvre concrète.
Par exemple, à l’achat du JNF de niveau or, Radio Radio s’engage à écrire une chanson au nom du propriétaire et à lui offrir les droits d’auteur.

Le groupe Radio Radio s'engage à écrire une chanson originale au nom de la personne qui achètera le JNF niveau « or » du groupe acadien.
Photo : Gracieuseté/Radio Radio
Un marché trop instable?
Mathieu Léger, un artiste visuel originaire du Nouveau-Brunswick, fait partie des artistes acadiens qui sont perplexes quant au recours aux JNF pour vendre leurs œuvres.
Tout ce trafic numérique là, je trouve ça complexe
, admet-il d’emblée.
Tout le monde se lance là-dedans, mais c’est très volatile.
Mathieu Léger affirme que différents organismes canadiens de services aux artistes offrent déjà des ateliers sur le numérique et les JNF.
Il est possible que les artistes puissent mettre davantage d’argent dans leurs poches en vendant des jetons non fongibles
, dit-il, soulignant que cette tendance est très jeune
.

Mathieu Léger est un artiste visuel originaire du Nouveau-Brunswick.
Photo : Radio-Canada
Il ne se dit pas fermé à l'idée de se lancer un jour dans la création de jetons non fongibles, à condition que le marché se stabilise. Pour l’instant, le risque est trop élevé
, soutient l’artiste.
Et Mathieu Léger tient encore à une forme d’art plus tangible.
J’aime bien faire des œuvres concrètes que les gens peuvent accrocher dans leur salon, sans allumer un ordinateur ou une télévision.
Créer et vendre des biens numériques n’est pas sans enjeux. Les jetons non fongibles peuvent être vulnérables au vol et à l'hameçonnage. Certains se sont déjà fait piéger en achetant une œuvre numérique frauduleuse.
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Le secteur des JNF est également connu pour être très énergivore. Les utilisateurs valident leurs transactions notamment à l’aide du proof of work, ou preuve de travail.
Ce calcul informatique, au cœur de la technologie de la chaîne de blocs, consomme une très grande quantité d’électricité.
Une des plus importantes plateformes d’échanges, Ethereum, a toutefois diminué son impact environnemental d’à peu près 99 % en septembre dernier, explique Jeff Yates.
Cependant, le secteur de la cryptomonnaie demeure extrêmement polluant, précise-t-il. Le bitcoin génère autant de pollution que certains pays.

Gabriel Malenfant, de Radio Radio
Photo : Annie France Noel
Le groupe Radio Radio dit compenser l’empreinte carbone causée par son activité liée aux jetons non fongibles et la cryptomonnaie par l’entremise d’un programme.
Gabriel L. B. Malenfant est conscient que pour se procurer un des jetons non fongibles de Radio Radio, il faut investir un montant d’argent assez considérable.
On ne se fait pas de grosses attentes
, affirme-t-il. Ceux qui vont embarquer avec nous, on sait que ce sont des fans.
Il y aura des hauts et des bas. Mais la technologie est là pour rester
, soutient Gabriel L. B. Malenfant, déjà convaincu.
- Sarah Déry