Casse-Noisette : un grand classique qui traverse les âges

Le spectacle « Casse-Noisette » du Ballet royal de Winnipeg est en tournée en Colombie-Britannique du 2 au 11 décembre.
Photo : David Cooper
La saison des Casse-Noisette s'amorce un peu partout au pays. À Vancouver, ce sont au moins trois spectacles produits par des troupes différentes qui prennent d'assaut quelques-unes des plus grandes salles de la ville en ce mois de décembre.
Créé en 1892 en Russie, ce ballet a réussi, avec ses décors somptueux, ses costumes colorés et son ambiance festive, de même que quelques rebondissements et de multiples renouvellements, à traverser les âges pour demeurer d’actualité et préserver sa popularité auprès du public et de nombreuses troupes de ballet.
Petite histoire d’un grand classique
Casse-Noisette n’était pas pourtant destiné à devenir le classique de Noël qu'il est devenu.
Inspiré d’un conte d’Alexandre Dumas, ce spectacle raconte l'histoire de la petite Clara dont le casse-noisette reçu en cadeau s’anime la nuit venue et l’entraîne dans un univers magique.
Présenté pour la première fois en décembre 1892 à Saint-Pétersbourg sur les célébrissimes airs de Tchaïkovsky, Casse-Noisette tombera ensuite dans l’oubli.
Ce n'est qu'au milieu du 20e siècle qu'il suscitera un certain intérêt grâce au grand danseur et chorégraphe d'origine russe George Balanchine.
En émigrant aux États-Unis, Balanchine va faire sa première version dansée sur scène en 1954 qui va donner lieu à un film porté à la télévision en 1958, explique Marie Beaulieu, historienne de la danse et professeure au département de danse de l'Université du Québec à Montréal. Et là, il va y avoir un engouement pour ce ballet à travers l’Amérique du Nord.
« C'est une structure, une histoire qui est propice à créer des spectacles communautaires. Et le milieu anglo-saxon d'Amérique du Nord est préoccupé par un fort désir communautaire. »
Conséquemment, plusieurs villes américaines et canadiennes vont commencer à créer dans leur communauté leur propre version de Casse-Noisette.
C’est un spectacle qui permet aux gens de la communauté de s'impliquer et de créer une fête accessible à tous. Casse-Noisette est devenu un projet porté par la société
, précise Marie Beaulieu.
Un classique de Noël
Grâce à ses décors rappelant Noël, son immense sapin et l’ambiance hivernale qui y règne, Casse-Noisette devient donc un moment indissociable de Noël après la diffusion, le 24 décembre 1958, du spectacle télévisé du ballet de Balanchine.
« Noël revient chaque année, donc le spectacle peut revenir chaque année. Chacun y voit un plaisir renouvelé. »
Et ce plaisir se transmet de génération en génération, selon Marie Beaulieu. Ceux qui l'ont vu jeune y amènent éventuellement leurs enfants, puis leurs petits-enfants.
Casse-Noisette : un spectacle qui vieillit bien?
Casse-Noisette fait toutefois depuis quelques années l’objet de nombreuses critiques en raison de la représentation stéréotypée de diverses communautés culturelles dans certaines chorégraphies.
Ce sont les quatre danses du deuxième acte (danses russe, arabe, chinoise et espagnole) qui suscitent des réactions au sein des divers groupes culturels concernés.
À la fin du 19e siècle, on n'avait pas accès à ces cultures-là, mentionne Marie Beaulieu. Donc, être dans un spectacle où on avait une danse d'inspiration chinoise, c'était comme un voyage. Mais, il y a un facteur intéressant en ce moment : celui de l'appropriation culturelle.
« Casse-Noisette est aujourd’hui dénoncé comme étant une caricature et non pas comme quelque chose qui est représentatif de ces cultures. »
Dans cette foulée, le Ballet royal de Winnipeg qui sera de passage en Colombie-Britannique en décembre pour présenter sa version authentiquement canadienne de Casse-Noisette, a choisi, il y a deux ans, de revisiter certaines scènes du ballet pour l'inscrire dans l’air du temps.
On a demandé à une de nos danseuses, qui est chinoise et qui a aussi étudié les danses culturelles, de refaire certaines parties de la danse chinoise, confie André Lewis, directeur artistique et général du Ballet royal de Winnipeg. Souvent, les doigts des danseurs pointent vers le haut, comme des baguettes chinoises. On a enlevé ça.
« On est dans un processus pour revoir toutes ces choses-là, pour que ce soit bien fait et que ça respecte les différentes cultures. »
De son côté, la directrice artistique du département de danse de l’école Arts Umbrella de Vancouver, Artemis Gordon, a voulu contourner les clichés véhiculés dans Casse-Noisette en créant, il y a une douzaine d’années, Mixed Nuts.
« Tant qu'à faire une énième version de Casse-Noisette, il était important d'en créer une qui reflète les valeurs d'Arts Umbrella, soit que la danse ne s'arrête pas à un seul genre, lance Artemis Gordon. Dans Mixed Nuts, il y a du flamenco, du swing, du hip hop. »
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Expérience fondatrice pour les enfants
Pour ses productions, le Ballet royal de Winnipeg recrute de jeunes danseurs dans chaque ville où s’arrête le spectacle.
En Colombie-Britannique où le spectacle est présenté à Vancouver, Victoria et Nanaimo, ce sont plus de 200 enfants qui se sont présentés aux auditions cet automne. Le tiers d’entre eux est impliqué dans les spectacles présentés dans la province.
« Il y a quelqu'un dans chaque ville qui travaille avec les danseurs qui vont être dans la production. »
Parmi eux, Isabella Haxton de Nanaimo qui, du haut de ses 14 ans, participe pour la seconde fois au spectacle Casse-Noisette du Ballet royal de Winnipeg.
C’est cool parce que ça te permet de voir si tu aimes être sur une scène, confie avec enthousiasme la jeune danseuse. Et quand je regarde les danseurs professionnels, c’est définitivement quelque chose que je veux faire plus tard!
Ce coup de foudre, Crystal Costa l’a ressenti lorsqu'elle était plus jeune. Cette danseuse classique professionnelle de Vancouver qui a dansé notamment pour le English National Ballet de Londres pendant 13 ans, a participé à son premier Casse-Noisette professionnel à 11 ans.
Il a fallu que je passe par le processus d'auditions, que je participe à de nombreuses répétitions. C’était beaucoup de travail et de pression, se rappelle-t-elle. Donc, soit ça t’enlève le goût de danser ou au contraire, tu veux en faire une carrière.
Une fois devenue danseuse professionnelle, Crystal Costa a interprété chaque année les rôles de Clara et de la Fée Dragée dans Casse-Noisette.
Casse-Noisette : une affaire lucrative
Derrière la féerie de Casse-Noisette se trouve par ailleurs une réalité : ce ballet est un spectacle qui permet de renflouer les coffres des compagnies de ballets.
C'est le cas pour toutes les compagnies en Amérique du Nord
, dit André Lewis.
Le spectacle Casse-Noisette représente à lui seul plus de 50 % des ventes annuelles de spectacles du Ballet royal de Winnipeg.
Mettre en place une telle production procure plusieurs avantages, selon Marie Beaulieu.
Comme c'est répété chaque année, c'est très pratique parce que vous investissez dans une production et après, on peut la refaire avec les mêmes décors, costumes, chorégraphies. [Ce sont des coûts qui] s'absorbent sur des décennies
, précise l'historienne.
Est-ce que Casse-Noisette a encore sa place en 2022 ?
Oh absolument! lance André Lewis sans hésitation. C'est quelque chose qui vous touche. Il y a de beaux décors, de beaux costumes et c'est une histoire éternelle.
Marie Beaulieu abonde dans le même sens.
C'est un ballet rassembleur qui donne envie de participer à une fête. Il en émane toujours une grande magie. Et je pense que c'est ce dont les gens ont besoin dans le temps des Fêtes
, conclut-elle.
Casse-Noisette du Ballet royal de Winnipeg :
- 2 au 4 décembre au Théâtre Royal de Victoria
- 6 et 7 décembre au théâtre Port de Nanaimo
- 9 au 11 décembre au théâtre Queen Elizabeth de Vancouver
Mixed Nuts d'Arts Umbrella :
- 10 au 12 décembre au Playhouse de Vancouver
Casse-Noisette du Goh Ballet :
- 15 au 18 décembre au théâtre Queen Elizabeth de Vancouver