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Élargissement des limites urbaines d’Ottawa : profitable pour certains promoteurs

Une ferme en hiver.

Une ferme de 37 hectares a été intégrée à l'intérieur des limites urbaines de la Ville d'Ottawa par le ministre des Affaires municipales et du Logement de l'Ontario.

Photo : Radio-Canada / Kate Porter

Radio-Canada

De toutes les terres autour des banlieues d'Ottawa que le ministre des Affaires municipales et du Logement de l'Ontario, Steve Clark, a récemment décidé unilatéralement d’ajouter aux limites urbaines d’Ottawa, une ferme de 37 hectares attire l’attention.

Cette ferme fait partie de l'expansion urbaine de 654 hectares imposée par le ministre Clark, le 4 novembre dernier. Ce dernier a décidé de réviser unilatéralement le plan officiel d’Ottawa pour y ajouter plus de terres, soit l'une des nombreuses décisions controversées prises par le gouvernement progressiste-conservateur pour stimuler l'offre de logements.

Même si le conseil municipal avait déjà approuvé l’ajout de 1281 hectares, après de longs débats, en 2021, le terrain de la ferme du chemin Watters n’avait jamais fait partie des discussions pour y permettre du développement résidentiel. La raison : les politiques d'aménagement de l'Ontario qui exigent que les bonnes terres agricoles soient protégées.

Dans ce cadre rural et paisible, où les pins qui bordent Cardinal Creek à proximité masquent les rangées de maisons à seulement un demi-kilomètre dans le quartier d’Orléans, l’absence de potentiel de développement résidentiel semblait assez évidente lorsque le conseil municipal a pris sa décision, en février 2021.

La ferme a pourtant finalement été achetée, en août 2021, par la société 1177 Watters Developments Ltd pour 12,7 millions de dollars, soit l’équivalent de 139 382 $ l'acre.

Selon les registres de l'entreprise, les cinq administrateurs font partie du groupe d'entreprises de béton Verdi Alliance. Les cinq hommes ont fait un don combiné de 12 315 $ aux progressistes-conservateurs, en 2021 et 2022.

129 hectares de terres agricoles disparaissent chaque jour

CBC/Radio-Canada a tenté de joindre les administrateurs de l'entreprise, mais n'a obtenu aucune réponse.

Les questions au bureau du ministre Clark concernant la ferme, et notamment une perception de conflits d'intérêts et de lobbying des promoteurs liés à d'autres parcelles ajoutées aux limites urbaines d’Ottawa par la province sont également restées sans réponse.

Pendant ce temps, dans la région du Grand Toronto, la province fait face à des critiques pour avoir proposé d'ouvrir sa ceinture de verdure au logement, notamment en abrogeant une loi qui protège quelque 2000 hectares de terres agricoles, près de Pickering.

Selon Emily Sousa, analyste des politiques agricoles à la Fédération de l'agriculture de l'Ontario (FAO), le gouvernement fait des pas en arrière et choisit de nouveaux logements plutôt que la sécurité alimentaire future, alors qu'il devrait pouvoir faire les deux.

Des logements en construction en hiver, avec au loin des fermes.

Des maisons en rangée construites en novembre 2022 dans le quartier de Findlay Creek, à la limite de la zone urbaine d'Ottawa, où des terres autrefois agricoles viennent d'être ajoutées pour un futur développement.

Photo : Radio-Canada / Kate Porter

La politique actuelle régissant l'utilisation des sols ordonne aux municipalités de construire efficacement à proximité des transports en commun et des infrastructures et d'éviter l'urbanisation des terres agricoles. Mais la province ne semble pas suivre ses propres règles ni écouter la FAO ou les municipalités, estime Mme Sousa.

L’analyste souligne que l'Ontario perd 129 hectares de terres agricoles chaque jour, selon le dernier recensement sur l'agriculture de Statistique Canada. Non seulement la disparition de ces terres s’accélère, mais l'agriculture elle-même devient plus difficile à mesure que l'étalement urbain s’amplifie et que les véhicules agricoles se mélangent à la circulation sur les routes de campagne, dit-elle.

C'est inquiétant à plusieurs niveaux, juge Mme Sousa. Ce qui est effrayant dans le taux de perte de terres agricoles et ces décisions apparemment minimes d'ajouter un petit morceau de terre ici et là, c'est l'impact cumulatif que ça a au fil du temps.

40 M$ d'achats de terrains à Findlay Creek

La spéculation foncière n'est pas nouvelle.

Les acheteurs ont toujours acquis des terres rurales à la périphérie des villes des années ou des décennies à l'avance, s'attendant à ce qu'un jour les quartiers s'étendent et que les terres autrefois rurales prennent de la valeur.

Il n'est pas non plus surprenant que les propriétaires fonciers se battent pour que leurs propriétés soient placées à l'intérieur des limites urbaines. Lors des réunions publiques de la Ville en 2020 et 2021, les propriétaires ont défendu leur cause devant les conseillers municipaux d'Ottawa et – comme le montre un registre provincial – ont engagé des entreprises de lobbying pour parler au ministre lui-même.

Pour trouver certains des plus grands gagnants de la décision du ministre Clark, il faut prendre la rue Bank en direction du sud d'Ottawa jusqu'à atteindre la campagne et le quartier en plein essor de Findlay Creek.

Des promoteurs locaux bien connus comme Claridge Homes, Urbandale, Richcraft et Multivesco, ainsi que le propriétaire du club de golf local Patterson Group, ont demandé à un comité mixte, en janvier 2021, de les laisser achever le quartier de Findlay Creek jusqu'au chemin Hawthorne.

Les registres de propriété montrent que si Claridge a acheté des parcelles dès 2006, les quatre promoteurs ont acheté plus de la moitié du terrain en 2019 seulement. Ensemble, ils ont payé plus de 40 millions de dollars.

Mais au départ, ces terres n'avaient pas réussi à se glisser une place à l'intérieur de la zone urbaine décidée par le conseil municipal d’Ottawa. Le personnel de la Ville a mal noté ces parcelles, affirmant que les infrastructures de transport en commun et d'eau seraient trop coûteuses. De plus, la parcelle de Claridge – la plus au sud – se situe trop proche d'une carrière active.

Malgré tout, le ministre des Affaires municipales et du Logement de l'Ontario a autorisé ce mois-ci 257 hectares supplémentaires à l'intérieur des limites urbaines de la ville.

Certains de ces mêmes promoteurs ont également dépensé des dizaines de millions pour acheter 175 hectares au nord de Kanata dans la région de South March, qui ont également été ajoutés par la province.

Les entreprises Claridge, Multivesco, eQ Homes, Uniform Developments et Minto ont publié une déclaration lorsque le comité municipal avait échangé leurs terres en faveur de Tewin, en 2021, malgré les bonnes notes qui leur avaient été accordées par le personnel municipal, mais ont refusé de commenter l'histoire d'aujourd'hui.

Maintenant, leurs terres ont été intégrées aux limites urbaines d’Ottawa.

La croissance des banlieues explose

Le fossé entre la ville et la campagne peut être saisissant.

Là où la rue Bank rencontre la campagne à Findlay Creek, par exemple, des maisons en rangée sont en cours de construction, alors qu'une grange tombe en ruine derrière elles.

La zone s'est fortement densifiée, note Mariam Zeitoun, qui y vit depuis une douzaine d'années – et elle n'a pas tort.

Le rapport annuel sur le développement de la Ville d'Ottawa montre que la population de la région de Findlay Creek a augmenté de 6754 personnes sur cinq ans pour atteindre 16 038 personnes en 2021, soit plus du double de la taille de Perth.

Mariam Zeitoun dehors en hiver.

Mariam Zeitoun résidente de Findlay Creek

Photo : Radio-Canada / Kate Porter

Les résidents disent que la communauté est favorable à accueillir de nouvelles familles, mais ils remarquent également que la cour de l'école primaire est remplie de salles de classe portables et que la circulation sur la rue Bank et le chemin Albion s'aggrave. Le quartier n'a ni centre communautaire ni bibliothèque ni centre de loisirs.

Les terrains de Findlay Creek nouvellement ajoutés sont à près de cinq kilomètres de la future station du train léger de Leitrim. Mme Zeitoun estime que la région a besoin de plus de transports en commun, car tous les jours, elle doit conduire ses enfants les plus âgés au travail et à l'université.

Combien de familles allons-nous ajouter? C'est fou. Cela n'a aucun sens de savoir comment cela va aider la communauté qui est déjà là, dit-elle. Il semble que ce soit plus une question de profit qu'autre chose.

Avec les informations de Kate Porter de CBC

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