Harold LeBel jugé coupable : une victoire pour les victimes?

La condamnation de l'ex-député Harold LeBel pourrait-elle inciter d'autres victimes à porter plainte? (Archives)
Photo : Radio-Canada
Le verdict est tombé au procès pour agression sexuelle de l'ex-député de Rimouski, Harold LeBel : coupable. Dans une cause où s'opposaient la parole de la victime et celle de l'accusé, les 12 jurés ont penché en faveur de la plaignante. Ce verdict incitera-t-il d'autres victimes à porter plainte?
J'ose l'espérer
, a affirmé la procureure aux poursuites criminelles et pénales, Manon Gaudreault, à sa sortie de la salle d'audience juste après le prononcé du verdict, mercredi après-midi, au palais de justice de Rimouski.
L'issue du procès fortement médiatisé d'Harold LeBel prouve que, dans une cause où deux versions contradictoires s'affrontent et qu'il y a quasi-absence d'autres preuves, il est tout de même possible d'obtenir justice.
On peut comprendre que ce n'est pas parce qu'on est le seul témoin de notre cause qu'on peut la perdre ou la gagner. M. LeBel aurait pu lui-même être acquitté tout en étant le seul témoin pour sa défense
, a expliqué la présidente de l'Association québécoise des avocats et avocates de la défense, Me Marie-Pier Boulet, en entrevue à Radio-Canada.
Selon Émilie Pelletier, du Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) de l'Est du Bas-Saint-Laurent, la condamnation de l'ex-député pourrait donc influencer d'autres victimes qui hésitent à dénoncer leur agresseur.
Ce que ça envoie comme message, c’est que pour quelqu'un qui est agressé par une personne de pouvoir comme un ancien élu, c’est possible de gagner une cause.
Ça peut donner un effet domino, ça peut aider des victimes à porter plainte. C’est sûr qu’il y a encore plein d’angles morts dans le système judiciaire, mais ça montre une volonté de changement
, ajoute Mme Pelletier.
Malgré cela, on est loin de la coupe aux lèvres, affirme la cofondatrice de Québec contre les violences sexuelles, Mélanie Lemay.
Avoir obtenu justice dans le cadre de cette démarche-là [ne permet] pas d'occulter tous les défis et les obstacles pour la vaste majorité des victimes qui n’auront pas l’opportunité de voir leur agresseur condamné au criminel.
Le danger, dit-elle, c’est de tenter de généraliser cette victoire à l’ensemble de la société pour la simple et bonne raison qu’on le constate : la vaste majorité des victimes, plus de 95 % d’entre elles, ne vont pas porter plainte à la police.
Qui plus est, c'est à chaque victime de décider du chemin à prendre pour se remettre d'une agression, et cela ne passe pas toujours par le système judiciaire, insistent Mélanie Lemay et Émilie Pelletier.

Émilie Pelletier, coresponsable sociopolitique au CALACS de l'Est du Bas-Saint-Laurent
Photo : Radio-Canada / Jean-Luc Blanchet
On est là pour les personnes qui sont victimes d’agressions, peu importe le chemin qu’elles décident de prendre. Ça leur appartient, qu’elles décident ou non de porter plainte, et nous on est là vraiment pour accueillir les personnes de façon sécuritaire et confidentielle
, précise Mme Pelletier.
L'accusé portera-t-il la cause en appel?
Même si Harold LeBel a été reconnu coupable, le processus ne s'arrête pas là. L'ex-député demeure en liberté en attendant de connaître sa peine.
Il pourrait être condamné à 10 ans d'emprisonnement. Cependant, le Code criminel ne prévoit pas de peine minimale. La Couronne n'écarte d'ailleurs pas la possibilité de s'entendre avec la défense sur la peine à imposer à l'accusé.

Harold LeBel, qui a toujours nié sa culpabilité, a accueilli le verdict en silence, mercredi après-midi, au palais de justice de Rimouski. (Archives)
Photo : Radio-Canada / Marianne Vezeau
De son côté, l'avocat d'Harold LeBel dispose de 30 jours pour porter le verdict en appel.
Nous allons prendre le temps d’évaluer toutes les options concernant la peine et la possibilité d’un appel. Aucune décision n’a été prise pour le moment
, a indiqué l'avocat de l'accusé, Me Maxime Roy.
Toutefois, porter une cause en appel dans le cas d'un procès devant jury peut-être ardu, selon Me Boulet.
C'est plus difficile dans un certain sens, parce que le jury ne donne pas les raisons pour lesquelles il [a] cru M. LeBel ou il [a] cru la plaignante dans le dossier. Alors, c'est là que c'est plus complexe, parce que si on était devant un juge seul et non pas devant un jury, on pourrait attaquer les éléments qui ont été retenus pour favoriser l'une ou l'autre des parties
, dit-elle.
Que la cause soit portée en appel ou non, les groupes de défense des victimes réclament une formation obligatoire pour tous les juges qui doivent traiter des dossiers concernant des agressions à caractère sexuel.
On ne veut pas dire que les juges ne font pas leur travail, mais il y a beaucoup de mythes autour des agressions à caractère sexuel. Peut-être une méconnaissance aussi au niveau des impacts que ça peut avoir sur une victime. Une victime qui ne se rappelle pas de la couleur des rideaux lors de son agression, ça ne fait pas d'elle une mauvaise victime
, indique Émilie Pelletier.
En mars dernier, un projet pilote de tribunal spécialisé en violence sexuelle et conjugale a vu le jour à Salaberry-de-Valleyfield afin de mieux répondre aux besoins des victimes. Si tout va bien, ce type de tribunal pourrait être implanté dans l'ensemble des régions du Québec.
Avec la collaboration de Michel-Félix Tremblay et d'Édouard Beaudoin
Compte rendu du procès d’Harold LeBel :
- Jour 9 : Le jury veut réécouter un extrait du témoignage de la plaignante
- Jour 8 : L’ex-député Harold LeBel sera-t-il reconnu coupable ou non coupable?
- Jour 7 : « Dans la peur, n’y a-t-il qu’une seule bonne manière de réagir? »
- Jour 6 : Pas de délibérations avant lundi
- Jour 5 : La crédibilité du témoignage de l’ex-député Harold LeBel attaquée sur plusieurs fronts
- Jour 4 : Le témoignage attendu de l’amie de la plaignante n’aura pas lieu
- Jour 3 : Un contre-interrogatoire serré pour la présumée victime d’Harold LeBel
- Jour 2 : La plaignante raconte une nuit « interminable »
- Jour 1 : Un jury de 9 femmes et 3 hommes pour le procès d’Harold LeBel