Ottawa et les transporteurs aériens appelés à mieux protéger les fauteuils roulants
Au Canada, le Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées stipule que si une aide à la mobilité est endommagée ou égarée, le transporteur doit fournir un appareil temporaire « sans délai ».

Le fauteuil motorisé d'Alima Kamara a été lourdement endommagé durant le transport, y compris la manette.
Photo : Fournie par Alima Kamara
Imaginez descendre de l’avion et ne plus avoir de jambes. C’est ce qu’a ressenti l’adolescente Alima Kamara après un vol entre Toronto et Montréal en voyant à son arrivée à l’aéroport Trudeau que le fauteuil motorisé dont elle dépend était devenu inutilisable.
Je voulais pleurer, je voulais crier
, raconte la jeune résidente de Vaughan, en banlieue de Toronto, qui souffre d'ostéogenèse imparfaite, un trouble génétique mieux connu sous le nom de maladie des os de verre.
Elle a finalement reçu son nouveau fauteuil électrique la semaine dernière, plus de deux mois après le vol avec Air Transat.
Le transporteur a payé la facture, mais entre-temps, elle devait utiliser un fauteuil de remplacement qui lui donnait mal au dos, dit l’adolescente de 16 ans. Son fauteuil brisé, qui avait coûté près de 35 700 $, était ajusté spécifiquement à sa taille.
Alima Kamara est contente
d'avoir un nouveau fauteuil, mais fâchée
qu'Air Transat n'ait pas pris plus de précautions dès le départ dans le transport de son aide à la mobilité en septembre.
« Ils n'ont pas réalisé que la chaise, ce sont mes jambes. Je ne peux pas bouger, je ne peux pas sortir jouer avec mes amies. Je ne peux rien faire! »
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Sa mère, Hawaou Diallo, affirme que toute la famille a subi les conséquences de la perte de son fauteuil.
« Avec son fauteuil, elle est indépendante, elle n'a besoin de personne. Quand son indépendance est limitée, nous sommes aussi privés, parce qu'on est toujours là en train de trouver une solution afin de pouvoir l'aider. »
Air Transat n’a pas voulu accorder une entrevue enregistrée à Radio-Canada, mais présente des excuses dans une déclaration écrite.
« Nous comprenons que la mauvaise manutention d’un dispositif d'aide à la mobilité a un impact direct et important sur le quotidien des personnes à mobilité réduite et nous sommes sincèrement navrés des conséquences occasionnées. »
Marie-Christine Pouliot, porte-parole du transporteur, assure qu’Air Transat a des procédures spécifiques
pour les aides à la mobilité et ajoute que le personnel est formé à cet effet.
Dans le cas d’Alima Kamara, Mme Pouliot explique que ça a pris du temps pour lui fournir un autre fauteuil, parce qu'il était fait sur mesure. Il était nécessaire de commander des pièces spécifiques
, dit-elle.
Pas un cas unique
Alima Kamara est loin d’être la seule à avoir vécu une mauvaise expérience du genre, selon les témoignages d’autres personnes handicapées et d'individus à mobilité réduite comme les aînés utilisant un triporteur ou un quadriporteur.
La Torontoise Maayan Ziv, qui souffre de dystrophie musculaire, a fait face à une situation similaire lors d'un voyage avec Air Canada en Israël en septembre.
Après avoir partagé son histoire dans les médiaux sociaux, des centaines de personnes lui ont écrit. Ça a vraiment touché les gens dont l’aide à la mobilité a aussi été endommagée, dit la fondatrice de l'application d'accessibilité AccessNow.
« C’est arrivé à tellement de monde. »
Il n’existe pas de statistiques officielles au Canada sur le nombre de fauteuils roulants ou d'autres aides à la mobilité endommagés à la suite d’un vol. L'Office des transports du Canada (OTC) dit avoir eu deux plaintes à ce sujet du 1er septembre au 23 novembre 2022.
Aux États-Unis, plus de 1050 de ces appareils ont été endommagés ou égarés en août, selon les plus récentes statistiques du département des Transports. C'est l'équivalent de 1,56 % des fauteuils roulants et triporteurs transportés durant cette période, comparativement à 1,41 % (811 appareils) en août 2021.
Manque de sanctions?
Au Canada, le Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées stipule que si une aide à la mobilité est endommagée ou égarée, le transporteur doit fournir un appareil temporaire sans délai
.
Le transporteur doit par ailleurs remplacer ou réparer à ses frais une aide à la mobilité perdue ou endommagée ou verser à la personne une somme équivalente à sa valeur de remplacement.
Gábor Lukács, président du groupe de défense des voyageurs Air Passenger Rights, croit que le gouvernement fédéral devrait mettre les transporteurs à l'amende lorsqu'un fauteuil est perdu ou endommagé.
« Si les coûts doublaient ou triplaient pour les compagnies aériennes lorsqu'elles ne prennent pas bien soin des aides à la mobilité, peut-être que les employés de manutention seraient mieux formés et qu’il y aurait un compartiment spécial dans la soute pour ces appareils. »
Pour sa part, Alima Kamara aimerait que les transporteurs prennent plus de précautions.
« Ça prend des mois pour avoir [un fauteuil comme le mien] et ils l’ont cassé en moins de deux heures. »
Maayan Ziv, de son côté, affirme que la solution est de permettre aux personnes handicapées de prendre l'avion avec leur aide à la mobilité.
« Je peux prendre un taxi, aller dans le métro, je peux même faire un tour de manège à Disney World [avec mon fauteuil]! C'est juste lorsque je prends l'avion qu'on me force à le quitter. »
Elle reconnaît cependant qu'il faudrait apporter des changements à la cabine des avions pour y accueillir les fauteuils roulants.
Il n'existe actuellement aucune configuration d'aéronef autorisée avec l'approbation de Transports Canada (ou de tout autre organisme de réglementation international) permettant aux passagers de demeurer dans leur fauteuil roulant dans la cabine de l'aéronef sur un vol commercial
, note Vincent Turgeon, porte-parole de l'OTC .
Discussions en cours, dit Ottawa
Le bureau de la ministre fédérale de l’Inclusion des personnes en situation de handicap, Carla Qualtrough, indique que cette dernière et son homologue aux Transports, Omar Alghabra, ont rencontré des représentants de l'OTCattentes claires concernant les services inclusifs
.
« Les conversations avec Air Canada et les autres compagnies aériennes se poursuivent afin de s'assurer que les intérêts de tous les Canadiens sont protégés lorsqu'ils voyagent en avion. »
Le bureau de la ministre Qualtrough n'évoque pas dans sa déclaration écrite à Radio-Canada la possibilité d'imposer des amendes aux transporteurs.
Pour sa part, l'OTCson site web (Nouvelle fenêtre), si leur transporteur ne répond pas à leurs préoccupations
en 30 jours.
Il importe de préciser que les plaintes en matière d’accessibilité sont traitées prioritairement dans notre processus de règlement des différends, et qu'aucun arriéré n'existe à leur sujet
, ajoute Vincent Turgeon de l'OTC .