L’appel pour un 2e procès de l’ex-juge Delisle débattu

Jacques Delisle a obtenu un arrêt des procédures. Cette décision a été portée en appel par le DPCP.
Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel
La cause de l'ex-juge Jacques Delisle est de nouveau débattue en Cour d'appel du Québec, mardi. Le directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conteste l'arrêt des procédures dont a bénéficié l'ex-juge en 2021.
Accusé du meurtre de sa femme en 2009 et condamné à la prison à vie en 2012, Jacques Delisle a été libéré en avril 2021 après que le ministère fédéral de la Justice eut ordonné un deuxième procès en raison d'erreurs judiciaires.
Un an plus tard, le juge Jean-François Émond prononçait un arrêt des procédures en raison de la négligence inacceptable
d'un témoin expert de la Couronne : le pathologiste au dossier André Bourgault. Le juge Émond refusait donc la tenue d'un deuxième procès.
C'est sur cet aspect que la Couronne a porté la décision en appel.
Rôle du pathologiste André Bourgault
La notion d'un procès juste et équitable est au cœur des plaidoiries.
La Couronne et son avocat, Me François Godin, plaident que les manquements au travail du pathologiste de la Couronne, André Bourgault, ne justifient pas l'arrêt des procédures, mais justifient plutôt un deuxième procès.
Dans sa décision de 2021, le juge Jean-François Émond indiquait que le pathologiste avait fait preuve d'une négligence inacceptable
en omettant de conserver le cerveau de la victime. Selon le juge, ce manquement fait en sorte qu'il est impossible de prouver la trajectoire de la balle qui a tué la victime.
Or, selon Me Godin, le pathologiste n’a pas fait preuve de négligence inacceptable
, notamment en demandant l'aide de collègues, en détaillant la trajectoire de la balle, et en se penchant au moment de l'autopsie sur ce qu'il considérait comme important. Le procureur de la Couronne fait également valoir qu'aucune obligation légale ne forçait le pathologiste à conserver le cerveau après l'autopsie.
Finalement, il ajoute que la trajectoire de la balle n'est pas le seul élément essentiel pour en arriver à un verdict de culpabilité quant au meurtre, du moins à un homicide. Me Godin a rappelé que dans une déclaration sous serment de 2015, l'ex-juge Delisle a lui-même dit avoir déposé une arme chargée à côté de sa conjointe malade, ce qui permet de prouver, selon la Couronne, au moins un homicide.
« Lors d'un deuxième procès, il ne peut pas être acquitté parce qu'il a fait un affidavit qui vient de lui, une déclaration où il admet un crime qui constitue un homicide par négligence. »
Le cerveau, preuve centrale
Me Jacques Larochelle, avocat de la défense, avance au contraire que les manquements du pathologiste ont eu des conséquences considérables. Sans cerveau, il est impossible de prouver hors de tout doute la culpabilité du juge Delisle.
Les manquements du pathologiste ont également été pointés par sept autres pathologistes.
La question, c'est lorsque monsieur le pathologiste a fait son autopsie en 2009, il avait dans les mains la preuve absolue de ce qu'était la trajectoire dans le cerveau du projectile
, a indiqué Me Larochelle à la sortie de l'audience. S'il avait conservé cette preuve, on saurait exactement quelle était cette trajectoire. La défense ne serait pas obligée de se débattre et d'essayer de ne convaincre personne, elle le saurait. Sept pathologistes l'ont dit, que c'était une faute grave de ne pas avoir noté cette trajectoire correctement, soit d'avoir conservé le cerveau.
« À cause de cette autopsie déficiente [...], on ne sait pas. On doit essayer de reconstituer avec des probabilités, des essais, des opinions. C'est la perte de la certitude. »
L'arrêt des procédures devient donc le seul remède à ce manquement, selon la défense. Cette perte de certitude, rien ne peut la réparer [...]. Le pathologiste, qui est un représentant de l'État, bien payé pour faire des autopsies correctes et convenables, selon toutes les personnes concernées, n'a pas fait son travail. La certitude sur la trajectoire a été perdue. Elle existait. En droit criminel, l'accusé a toujours le droit au bénéfice du doute.
Devant la Cour d'appel mardi matin, Me Larochelle a aussi tenté de démontrer la place centrale
de la trajectoire de la balle dans le dossier de son client depuis son arrestation en 2009.
Pour ces raisons, il ne devrait pas y avoir d'autres procès, croit-il.
La cause a été mise en délibéré par les trois juges de la Cour d'appel du Québec.