Être comédienne francophone en situation minoritaire : une force plus qu’un défi

Les artistes franco-manitobaines Marie-Ève Fontaine et Anna-Laure Koop font partie des 36 interprètes du spectacle « Un. Deux. Trois ».
Photo : Radio-Canada / Mathilde Gautier
À l'occasion de la présentation de la pièce Un. Deux. Trois. qui met en scène les témoignages de vie de 36 interprètes francophones canadiens, les comédiennes franco-manitobaines Anna-Laure Koop et Marie-Ève Fontaine témoignent de leur expérience en tant qu'artistes francophones en situation minoritaire.
Pour Anna-Laure Koop, cette expérience théâtrale s’avère une aventure humaine qui l’a beaucoup nourrie tant sur le plan professionnel que personnel.
On a tous apporté nos propres vécus, nos propres histoires. Pour moi, le projet c'était vraiment d'aller à la rencontre de ces différents artistes et de leurs histoires, d'être à l'écoute de ça. Et de voir de mon côté comment ça peut influencer mon parcours
, raconte Anna-Laure Koop.

Anna-Laure Koop est comédienne et associée artistique au Théâtre Cercle Molière.
Photo : Radio-Canada / Mathilde Gautier
L’expérience artistique est aussi un moyen pour la comédienne de réaliser sa place dans ce monde et en tant que francophone au Canada.
Comment moi, je vis au Manitoba en tant que francophone versus quelqu'un à Vancouver ou à Moncton?
, s’interroge-t-elle.
Pour la comédienne Marie-Ève Fontaine, cette expérience a modifié les représentations qu’elle avait de la francophonie.
Le discours qu’elle porte dans la pièce Un. Deux. Trois est la francophonie à tout prix
.
Il y a un moment dans la pièce, on remet en question l'existence au complet du français. C'est tellement dur d'accepter ça. Le vide serait alors rempli par autre chose, mais je pense comme une francophone minoritaire
, confie Marie-Ève Fontaine.
On a tellement construit notre identité sur le fait d'être francophone en contexte minoritaire que sans la francophonie, on perd notre repère principal
, poursuit-elle.
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Le fait d’être comédienne en situation minoritaire est un enjeu, mais c’est aussi une force pour Anna-Laure Koop et Marie-Ève Fontaine qui vivent leur situation d’artiste francophone minoritaire de deux façons très différentes.
Winnipeg comme carrefour de deux expériences
Anna-Laure Koop a grandi au Québec et en Suisse avant de déménager à Winnipeg dont elle n’est finalement jamais repartie.
Pour moi, c'était important de faire partie de cette communauté, d'apporter quelque chose à cette communauté et aussi de me nourrir de cette communauté
, soutient la comédienne qui travaille aussi pour le Cercle Molière en tant qu’associée artistique.
Je trouve que la communauté culturelle artistique au Manitoba est incroyable. C’est un espace où il y a beaucoup de soutien.
Marie-Ève Fontaine est née au Manitoba, mais elle en est finalement partie pour s’installer à Ottawa. Elle revient cependant régulièrement dans la capitale manitobaine qui représente pour elle une sorte de laboratoire créatif.
Je me tournais un peu les pouces ici parce que moi je voulais travailler en français. Il n'y avait que le cercle Molière qui pouvait m'offrir des opportunités, ce qui est formidable, mais ce n'est pas suffisant pour faire l'année. Alors je suis retournée à Ottawa
, confie Marie-Ève Fontaine.
Mais en même temps, je reviens souvent ici parce que vu qu'il y a moins d'offres, je sens qu’il y a beaucoup d'ouvertures pour ce que j'ai à ramener de l'Est. Je les essaie ici et ça bénéficie à la communauté
, poursuit l’artiste.

Marie-Ève Fontaine travaille actuellement sur plusieurs projets dont un spectacle de marionnettes qui met en scène l'univers de l'autrice franco-manitobaine Gabrielle Roy.
Photo : Radio-Canada / Mathilde Gautier
Pour Marie-Ève Fontaine, le théâtre n’est pas une fin en soi. Le théâtre doit servir à la société et il doit porter un message.
Ça a toujours été très important pour moi d'être utile jusqu'à un certain point dans la communauté, dans la société, dans les milieux où j'évolue […] pas juste de faire du théâtre parce que j'aime le théâtre. Il faut que ça catalyse d'autres choses
, insiste-t-elle.
Je pense que ça vient du fait de venir d'une petite communauté où il faut qu'on se trouve une fonction pour continuer à exister. Cette conception là de la vie d'artiste, je pense, vient du fait d'être Franco-minoritaire.
Par ailleurs, elle souligne que pour elle c'est toujours important de continuer à travailler dans les écoles, d’offrir des ateliers à la communauté
.
C’est avoir l’impression de contribuer à une cohésion sociale, à faire raconter des histoires qui n'ont pas encore été entendues, à contribuer à un bien-être, à un dépassement de soi pour les gens avec qui je travaille et pour moi aussi.