Front commun autochtone contre le projet de loi sur la souveraineté de l’Alberta

Les chefs des Premières Nations des Traités 6, 7 et 8 ont fait front commun contre ce projet de loi sur la souveraineté de l'Alberta.
Photo : Radio-Canada / François Joly
Les chefs des Premières Nations des Traités 6, 7 et 8 s'opposent publiquement au projet de loi sur la souveraineté de l'Alberta, qu'a l'intention de présenter la nouvelle première ministre de l'Alberta, Danielle Smith. Ils estiment qu’il est illégal, inconstitutionnel et ne respecte pas leurs droits en tant que signataires de traités.
Selon la première ministre, ce projet de loi donnerait à l'Alberta le pouvoir de ne pas appliquer des lois et des politiques fédérales jugées contraires aux intérêts de la province. Une majorité d'experts estiment que ce serait inconstitutionnel.
Danielle Smith a promis d'en faire le premier projet de loi qu'elle présentera à la reprise des travaux parlementaires de l'Assemblée législative de l'Alberta, à partir du 29 novembre.
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Les chefs des trois traités affirment que la première ministre ne les a pas consultés.
Ce projet de loi est basé sur la fausse impression que la province et d’autres entités ont autorité sur nos terres
, dénonce le Grand chef de la Confédération des Premières Nations du Traité 7, Darcy Dixon.
Nous sommes tous liés par les traités, chacun d’entre nous. Ce sont des ententes internationales [avec le gouvernement canadien, les provinces et les territoires], la plus haute loi qui gouverne nos terres, nos ressources et nos peuples. Nous n’avons jamais cédé ces territoires et ne le ferons jamais
, renchérit son homologue du Traité 6, Tony Alexis.
« Nous n’allons pas rester là pendant qu’un gouvernement colonial ignore nos droits comme signataires de traités. »
Par exemple, il estime que le projet de loi fait planer une menace sur leurs les droits de pêche, de trappe et de chasse qui sous-tendent leur mode de vie traditionnel autochtone.
Ce projet de loi donne le pouvoir à la province d’autoriser l’extraction des ressources n’importe comment, sans protection. La bataille pour nos droits à sur nos terres et nos ressources ne semble jamais se terminer. Nous devons nous diriger vers un futur plus durable
, ajoute Tony Alexis.
On s’éloigne de la souveraineté. Ce n’est rien d’autre qu’un plan dangereux et dommageable qui mine la démocratie et abandonne l’État de droit
, tonne Darcy Dixon.
La province tend la main
Le gouvernement de l’Alberta reconnaît les inquiétudes des chefs des Traités 6, 7 et 8 à propos de la proposition de projet de loi sur la souveraineté de l’Alberta. Nous nous engageons à nous assurer que la loi n’affirmera rien spécifiquement qui peut être considéré comme abrogeant ou dérogeant aux droits des peuples autochtones du Canada, qui sont reconnus et affirmés dans l’article 35 de la Loi sur la constitution de 1982
, affirme une porte-parole de la première ministre, Becca Polak.
Celle-ci ajoute que la première ministre et le ministre des Relations avec les Autochtones, Rick Wilson, contacteront les chefs des trois traités pour planifier des rencontres en personne dans le but d’avoir des discussions directement sur cet enjeu, pour construire sur nos valeurs communes de prospérité économique et d’autonomie face au gouvernement fédéral
, ajoute-t-elle.
Présentés avec cette déclaration, les chefs des trois traités ont réitéré que le fait de les consulter est incontournable et que la première ministre a encore une chance de corriger la situation, avant qu’il ne soit trop tard.
Ils n’excluent toutefois pas de contester la loi en cour, s’il le faut.
Le porte-parole néo-démocrate en matière de Relations avec les Autochtones, Richard Feehan, affirme que la volonté de Danielle Smith de faire adopter ce projet de loi sans consultations auprès des Premières Nations démontre tout ce qui va mal avec le gouvernement conservateur uni
.
Malgré le fait que des experts juridiques de l’Université de l’Alberta et de l’Université de Calgary ont déterminé qu’il serait inconstitutionnel, Danielle Smith continue de défendre ce projet de loi qui ne fera que causer du tort aux Albertains, alors qu’elle devrait se concentrer sur des enjeux plus pressants qui affectent les familles en ce moment, comme la crise dans le système de santé et le coût de la vie élevé
, juge-t-il.
Aucune preuve que Danielle Smith a une ancêtre autochtone
Au cours de la dernière décennie, Danielle Smith a, à plusieurs reprises, affirmé que son arrière-arrière-grand-mère, Mary Crowe, était Cherokee, un groupe de Premières Nations vivant dans l’est et le sud-est des États-Unis.
Le Réseau de télévision des peuples autochtones (APTN) a publié, mercredi, une enquête retraçant l’arbre généalogique de la première ministre. Il n’a trouvé aucune preuve d’un ancêtre Cherokee, un peuple qui a pourtant conservé des archives très détaillées sur ses membres. Mary Crowe, son mari et ses enfants étaient plutôt inscrits dans les recensements comme Blancs.
Dans un courriel, une porte-parole de Danielle Smith affirme qu’elle a entendu parler de son héritage de la part des membres de sa famille. La première ministre n’a pas fait de recherches exhaustives sur ses ancêtres, mais elle est fière de ses racines
, écrit Becca Polak.
Questionnés sur la possibilité que Danielle Smith se réclame d’un héritage autochtone sans en avoir la preuve, les chefs des Traités présents lors de la conférence de presse ont explosé de rire. Après avoir ri, le grand chef Tony Alexis a rappelé la souffrance historique des Premières Nations.
Avec le temps, nous avons commencé à croître, à nous battre en cour, à comprendre les institutions de loi et de gouvernance. Nous avons réalisé qu’il y a des gens qui veulent faire partie de notre communauté parce qu’il y a un bénéfice. À l’université, il y a des gens qui affirment être autochtones sans l’être, pour obtenir des gains, comme des bourses. Il y a toujours quelque chose derrière
, a expliqué Tony Alexis.
Une vraie personne autochtone ne s’opposerait pas aux droits des signataires des traités comme elle le fait.