Des Canadiens d’origine iranienne se disent victimes de discrimination

Selon le dernier recensement, il y a 213 160 personnes d'origine iranienne au Canada. Environ 80 000 d'entre elles pourraient être touchées par cette question, selon Amir Abolhassani (archives).
Photo : Radio-Canada / Trevor Bothorel
Des Canadiens d'origine iranienne affirment qu'ils sont victimes des restrictions de voyage vers les États-Unis à cause de leurs origines.
CBC s'est entretenue avec 25 d'entre eux, dont plusieurs affirment être traités comme des citoyens de seconde zone
.
Amir Abolhassani, résident de Saskatoon, fait partie de ces Canadiens d’origine iranienne qui ont été empêchés de voyager aux États-Unis.
En janvier dernier, Amir Abolhassani a vendu sa maison à Saskatoon lorsque son employeur américain lui a demandé de s'installer en Caroline du Nord avec sa famille.
Cependant, à l’aéroport de Calgary, l’agent des services des douanes et de la protection des frontières des États-Unis (CBP) lui a expliqué qu’il ne pouvait entrer aux États-Unis d’Amérique en raison du temps qu'il avait passé en tant que conscrit dans le Corps des gardiens de la révolution islamique (IRGC) d'Iran, il y a plus de 10 ans.
« Nous ne sommes pas citoyens canadiens à part entière. En effet, sommes-nous vraiment des Canadiens à ce stade? »
Amir Abolhassani explique que, en Iran, tous les hommes âgés de plus de 18 ans doivent effectuer un service obligatoire dans l'une des branches de l'armée, dont l'IRGC
.Selon lui, en cas de refus de conscription, la personne pourrait se voir refuser l'obtention d'un passeport ou d'accéder aux services publics, en plus d’autres sanctions.
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Amir Abolhassani souhaite que le gouvernement canadien blanchisse son nom et celui d'autres anciens conscrits.
Il y a des Canadiens d’origine iranienne qui ne sont même pas capables de dire un dernier adieu à leurs parents aux États-Unis. Un enfant malade qui doit être soigné là-bas ne peut pas y aller à cause de son origine
, se désole-t-il.
Selon le dernier recensement, il y a 213 160 personnes d'origine iranienne au Canada. Environ 80 000 d'entre elles pourraient être touchées par cette question, selon Amir Abolhassani.
Je suis en contact avec plus de 200 familles, ce qui correspond à quelque 600 Canadiens d'origine iranienne qui sont logés à la même enseigne
, affirme le résident saskatchewanais.
Les 25 Canadiens d'origine iranienne se félicitent de la récente décision du gouvernement canadien à l’égard de hauts responsables de l'IRCG
. Toutefois, ils souhaitent que le gouvernement ne mette pas les anciens conscrits dans le même panier.La discrimination est partout au Canada
Mojtaba Siahpoosh, un résident d'Okotoks, en Alberta, a le même problème qu’Amir Abolhassani.
J'ai été interdit d'entrée sur le territoire américain en octobre dernier
, déclare Mojtaba Siahpoosh, qui a reçu un avis de son employeur il y a une semaine disant qu'il perdrait son poste d'ici la fin de l'année.
« Je n'ai jamais utilisé d'arme de ma vie. »
J'ai réessayé en juillet dernier. Nous sommes arrivés à la frontière vers 8 h 30 et nous avons été interrogés pendant sept heures, y compris ma femme et mes deux très jeunes enfants, qui sont nés au Canada
, ajoute-t-il.
En 2019, l'administration Trump a qualifié l'IRGC
comme organisation terroriste.Mojtaba Siahpoosh, qui est âgé de 44 ans, affirme que, avant cette date, il se rendait aux États-Unis depuis des années sans aucun problème.
La révolte d'un père
Navid Sadeghiani, un citoyen canadien d’origine iranienne, qui habite à Vancouver, est victime de la même discrimination.
Son fils, Arshia Sadeghiani, 13 ans, champion canadien de robotique, n'a pas été autorisé à entrer aux États-Unis avec l'équipe du district scolaire de West Vancouver pour assister au championnat mondial à Dallas.
L'adolescent de 13 ans s’est vu refuser l’entrée aux États-Unis parce que son père avait été enrôlé en Iran il y a plus de 30 ans. Depuis, il est déprimé.
Il n'avait pas envie de parler. Il pense qu'il n'aura pas d'avenir dans la robotique parce qu'il ne peut pas voyager ou poursuivre ses études supérieures là-bas
, raconte Navid Sadeghiani.
Ils sont en train d'écraser le rêve d'un petit garçon qui se voyait devant le drapeau canadien en train d'être hissé aux États-Unis. Son avenir est en train d'être détruit. Le Canada doit agir
, s'indigne le père de famille.
« Même lorsque nous rentrons au Canada, nous devons nous diriger vers l'immigration alors que nous sommes Canadiens. Nous avons l'impression qu'on nous envoie en prison. »
Ce n’est pas la première fois que les membres de la famille Sadeghiani font face à une telle situation. Ils doivent souvent arriver à l’aéroport quatre heures à l'avance lorsqu'ils se rendent dans un pays allié des États-Unis pour se soumettre à des contrôles secondaires approfondis avant d'embarquer dans l'avion.
Mes enfants me demandent : "Papa, pourquoi nous posent-ils de telles questions?" Qu'est-ce que je dois leur dire? Quand Trudeau dit qu'un Canadien est un Canadien, je n'y crois pas
, déplore Navid Sadeghiani.
La silence du gouvernement canadien
Le 25 Canadiens d'origine iranienne interrogés par CBCde troisième classe
. Ils affirment que les courriels qu'ils ont envoyés aux députés locaux et aux fonctionnaires fédéraux sont restés sans réponse.
CBC
a contacté Affaires mondiales Canada, qui a refusé de faire des commentaires et a redirigé la demande vers l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).Dans une déclaration l'ASFC
indique qu'elle ne suit pas les cas de Canadiens iraniens qui se voient refuser l'entrée aux États-Unis et dans d'autres pays.L'ASFC n'a ni le pouvoir ni l'autorité d'intervenir dans les décisions prises par d'autres pays en matière d'immigration
, peut-on lire dans la déclaration.
« Nous sommes victimes de discrimination, et le Canada se décharge de ses responsabilités sur les États-Unis. Je me sens comme un citoyen de troisième classe. »
CBC
a aussi contacté le département américain de la Sécurité intérieure et le Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis pour obtenir des commentaires, mais n'a pas reçu de réponse.Avec les informations de Pratyush Dayal