Le Nouveau-Brunswick a envisagé un système d’autobus scolaires bilingue et privé

Actuellement, il y a des autobus pour les écoles francophones et des autobus pour les écoles anglophones.
Photo : Autre banques d'images / Guy R. Leblanc
- Michelle LeBlanc
Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a considéré implanter un système de transport scolaire bilingue et privé au Nouveau-Brunswick, selon des documents obtenus par Radio-Canada Acadie. Deux avis juridiques, commandés par le gouvernement Higgs dans la dernière année, font état d’un changement dès septembre 2023.
Dans ces documents, on apprend que le gouvernement du Nouveau-Brunswick a envisagé des changements majeurs dans le transport scolaire. Il a cherché à connaître les risques associés à l'idée d'éliminer l'obligation de la dualité linguistique dans les autobus scolaires afin qu'un seul fournisseur puisse desservir les systèmes francophone et anglophone.
Pour mieux comprendre
Au Nouveau-Brunswick, il y a une dualité en éducation, ce qui signifie qu’il y a deux réseaux d’écoles publiques distincts, un en français et un en anglais. L’objectif est notamment de restreindre l’assimilation de la communauté francophone.
Actuellement, il y a des autobus pour les écoles francophones et des autobus pour les écoles anglophones.
Au cours des dernières années, des voix se sont élevées pour dénoncer ce qu’elles perçoivent comme une duplication des services et se sont demandé si la dualité en éducation s'étendait jusqu’au transport scolaire.
Ce n’est pas la première fois que l’idée de transporter les élèves anglophones et francophones dans les mêmes autobus est évoquée dans la province. Elle avait été fermement écartée par le gouvernement libéral de Brian Gallant en 2015.
Toutefois, c'est la première fois qu’on évoque la possibilité de privatiser le transport scolaire en un seul et même service.

Le gouvernement mené par le premier ministre Blaine Higgs s'est penché sur le système de transport scolaire au Nouveau-Brunswick (archives).
Photo : Radio-Canada
Le gouvernement du Nouveau-Brunswick n’a toujours pas répondu à notre demande à savoir si ce scénario a été écarté ou s’il est toujours à l’étude.
Dans un courriel, jeudi en fin de journée, le ministère de l’Éducation a envoyé la déclaration suivante : En raison des pressions additionnelles exercées sur les services d’autobus scolaires durant la pandémie, ainsi que durant le conflit de travail, le ministère de l’Éducation et de la Petite Enfance a travaillé avec des partenaires pour explorer d’autres options.
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La dualité et le transport scolaire
Sur la question linguistique, le gouvernement a voulu connaître les risques juridiques auxquels il s’expose.
Nous avons été avisés que le gouvernement examine la possibilité de transformer le système public d’autobus scolaires à temps pour la rentrée de septembre 2023. La proposition éliminerait l’obligation de dualité linguistique dans les autobus, afin qu’un fournisseur unique puisse desservir à la fois les systèmes [d'éducation] anglophone et francophone
, est-il écrit dans un avis daté du 7 juillet 2022.
Vous voulez un avis légal sur les risques associés à cette vision, en particulier les barrières constitutionnelles et comment atténuer les risques
, peut-on lire dans le même document.
Des risques importants
Un premier avis juridique, signé par l’avocate Isabel Lavoie Daigle, du cabinet du Procureur général, relève plusieurs problèmes juridiques potentiels avec un service unique de transport scolaire.
Elle souligne que l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit que les anglophones et les francophones puissent recevoir une instruction dans leur langue.

Des élèves montent à bord d'un autobus scolaire.
Photo : iStock
Une personne pourrait argumenter que le mot “instruction” ne comprend pas les services comme le transport scolaire. Quand nous regardons l’ensemble de la législation, il pourrait être possible de catégoriser le transport des élèves comme une affaire administrative, gérée par la réglementation, contrairement au curriculum et à l’enseignement.
L’avocate concède toutefois que cet argument pourrait ne pas passer le test des tribunaux.
Les enjeux constitutionnels sur l’élimination de la dualité dans le transport scolaire sont considérables. Quand nous regardons cette question sous la loupe des droits linguistiques [...], nous pouvons arriver à la conclusion que les autobus scolaires sont une extension des écoles, et que le gouvernement a l’obligation de protéger la langue et la culture de la minorité
, explique l’avocate Isabel Lavoie Daigle.
Des problèmes aussi avec la convention collective
Dans un deuxième avis juridique, daté du 29 juin 2022, le ministère de l’Éducation veut savoir quelles sont les contraintes en lien avec la convention collective des chauffeurs d’autobus.
Le nouveau système d’autobus serait choisi selon un processus compétitif et serait responsable du transport des élèves qui en ont besoin au même coût que le système public actuel, avec efficacité et sans compromis pour les standards de sécurité
, écrit l’avocate Michelle Brun-Coughlan, du cabinet du Procureur général.
Résultat : les systèmes d’éducation anglophone et francophone utiliseraient le même fournisseur et partageraient les mêmes véhicules, éliminant ainsi l’obligation de dualité qui existe actuellement dans le système.
En examinant le contrat de travail des chauffeurs d’autobus, représenté par la section 1253 du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), l’avocate arrive à cette conclusion.
Selon ma révision de l’affaire, les articles 2, 13 et 29 suggèrent que les changements proposés au système de transport scolaire constitueraient une violation à la convention collective
, est-il écrit.
Ça ne veut pas dire que l’employeur ne peut pas prendre des mesures pour planifier une privatisation dans le futur. [...] Malheureusement, je ne crois pas qu’un changement si important peut être discuté dans un si court laps de temps, afin qu’un transfert de service soit complété d’ici septembre.
Un débat qui refait surface
L’idée d’avoir un système d’autobus scolaires unique et bilingue avait d’abord été lancée par l’ancien ministre de l’Éducation, Dominic Cardy, alors qu’il était chef du Nouveau Parti démocratique.
L’idée a ensuite été reprise par plusieurs politiciens, dont l’actuel premier ministre Blaine Higgs en 2016, qui a déclaré : Je crois que le transport de nos enfants devrait être géré par un seul système.
Le ministre Kris Austin, quand il était chef de l’Alliance des gens du Nouveau-Brunswick, demandait aussi un système unique pour tous les écoliers.
- Michelle LeBlanc