Université Laurentienne : des décisions douteuses, selon la vérificatrice générale

Bonnie Lysyk a présenté son très anticipé rapport sur la crise de l'Université Laurentienne jeudi.
Photo : Radio-Canada / Camille Gris-Roy
La suppression de dizaines de programmes à l’Université Laurentienne au printemps 2021 « n’était pas stratégique, bien informée, ni transparente », tranche la vérificatrice générale de l’Ontario, Bonnie Lysyk, dans son rapport d’enquête final sur la crise financière de l’établissement postsecondaire de Sudbury.
Plongée dans une crise financière sans précédent pour un établissement d’enseignement public au Canada, l’Université Laurentienne, qui s’était placée à l’abri de ses créanciers, a supprimé, en avril 2021, 69 programmes, dont 28 en français.
Sept autres programmes avaient été éliminés par le sénat de l’Université le mois précédent, mais en dehors des procédures liées à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC).
Dans son rapport d’enquête rendu public mardi, Bonnie Lysyk révèle que 932 étudiants de l’établissement — 7,5 % des étudiants de premier cycle et 3,7 % des étudiants de deuxième ou troisième cycle — ont subi les contrecoups de ces coupes.
Or, son enquête lui a permis d’apprendre que pour déterminer les programmes à supprimer, les administrateurs de l’établissement n’ont pas eu recours à un processus rigoureux qui documentait une évaluation des coûts, des revenus, des projections prospectives ou d’autres considérations, comme les valeurs fondamentales et la viabilité future de l’Université.
Guidée par des conseillers externes, la Laurentienne a plutôt utilisé des données financières brutes pour créer et appliquer un seuil universel. Les programmes inférieurs au seuil ont été jugés non rentables pour l’Université et ont été éliminés
, peut-on lire dans le rapport final.
Mme Lysyk signale que son bureau n’a pas eu accès à suffisamment de renseignements pour pouvoir interpréter la méthode employée pour en arriver audit seuil.
Les informations qu’elle a reçues la laissent conclure que les considérations employées reposaient sur des critères très étroits et qu’elles étaient peut-être erronées
.
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Des programmes phares ou rentables supprimés
Par exemple, les compressions ne tenaient pas compte de la capacité d’un programme d’obtenir des fonds de recherche futurs, de recruter des étudiants, de répondre aux besoins communautaires ou des priorités provinciales
, écrit la vérificatrice générale dans son rapport.
Elle illustre ses propos en se servant du programme de sciences environnementales, qui a été supprimé alors que l’établissement l’avait pourtant présenté comme un point fort dans ses deux plus récents plans stratégiques.
Le programme de sage-femme, le seul de langue française en dehors du Québec, a également été supprimé, ce qui rendait impossible pour bien des étudiantes du programme de [poursuivre] leurs études si elles n’étaient pas en mesure d’étudier en anglais ou de déménager dans le Sud de l’Ontario pour étudier à l’Université McMaster, à Hamilton, ou à l’Université métropolitaine de Toronto
, précise le rapport.
Et pourtant, selon les renseignements fournis par l’Université Laurentienne au gouvernement, le programme était en bonne santé financière, affichant des excédents variant entre 126 000 $ et 531 000 $ entre 2009 et 2021.
Lors de l’annonce des coupes, l’Université Laurentienne avait indiqué qu’elle voulait se concentrer sur les programmes les plus [populaires] afin d’harmoniser davantage ses ressources financières pour veiller à ce que les programmes restants soient adéquatement financés
.
Mme Lysyk a aussi répété dans son rapport final que la Laurentienne n'avait pas à se placer sous la protection de la LACCdans son rapport préliminaire, en avril dernier.
, comme elle l'avait mentionnéSalaire des hauts dirigeants
Selon le rapport, la Laurentienne aurait enfreint la loi provinciale sur les restrictions salariales visant les employés du secteur parapublic, indemnisant les cadres supérieurs de 389 000 $ de plus que ce que la loi permettait.
Mme Lysyk note aussi que le recrutement de cadres supérieurs manquait d’équité ou de justification
.
Elle aurait également découvert que l'Université a payé des conseillers spéciaux sans justification pour un moment total de 2,4 millions de dollars.
La Laurentienne prête à la collaboration pour la suite
En réponse, quelques instants après la publication du rapport de la vérificatrice générale, l’Université Laurentienne a publié un communiqué affirmant que celle-ci embrassait les conclusions du rapport
.
Nous sommes déterminés à entreprendre le prochain chapitre de l’Université sur une solide base financière et à entrer dans une nouvelle ère de reddition de comptes
, a indiqué le président du conseil des gouverneurs Jeff Bangs.
M. Bangs a indiqué que l’Université a maintenant une solide base pour effectuer les changements forts nécessaires et veiller à ce que les erreurs du passé ne se reproduisent pas
.
Pendant la conférence de presse qui a suivi le dévoilement du rapport, Mme Lysyk a souligné la collaboration de M. Bangs dans le processus d'élaboration du rapport
.
Au sein même du rapport, le ministère des Collèges et Universités a indiqué vouloir se servir des conclusions du rapport pour examiner les risques et les recommandations énoncés dans le présent rapport et prendre les mesures appropriées
. Le ministère indique de plus travailler pour mettre en place un nouveau processus vigoureux d’évaluation de la santé financière des universités. En outre, il prendra les mesures appropriées pour collaborer avec toute institution aux prises avec des problèmes financiers
. Le ministère affirme qu’il va continuer à travailler avec l’Université Laurentienne pour surveiller la mise en place de son plan de restructuration.